La couleur du sexe des femmes…
Des scientifiques ont voulu savoir si les hommes étaient aussi attirés par le rouge lorsqu’il s’agit du sexe des femmes.
Heureusement, ce n’est pas en 50 niveaux de gris, du moins, pas avant bien après la ménopause, mais la vulve humaine se décline effectivement en plusieurs nuances de rose.
Cette couleur compte des centaines de déclinaisons officielles et je suppose qu’un gynécologue industrieux ou qu’un coureur de jupons particulièrement zélé pourrait finir par tomber sur un modèle balais, un autre pelure d’oignon ou même tirant vers l’incarnat.
Mais selon une récente étude, menée par les anthropologues Sarah Johns, Lucy Hargrave et Nicholas Newton-Fisher de l’Université du Kent, la vision traditionnelle faisant de ce gradient chromatique naturel une inspiration libidineuse pour les mâles de notre espèce (le fameux plus c’est rouge, mieux c’est), est profondément erronée.
Le rouge chez les primates est comme un signe de fertilité…
Pour de nombreux biologistes évolutionnaires et peut-être aussi certains couturiers et fabricants de maquillage, les hommes trouvent la couleur rouge particulièrement stimulante car cela leur rappelle, à un niveau enfoui et à l’échelle de l’évolution, la façon dont les organes génitaux d’une femme rougissent quand sa réceptivité sexuelle est maximale, sans doute juste avant l’ovulation (leur recherche, testait une théorie sur la couleur labiale idéale, aussi connue sous le nom d’hypothèse de la saillie sexuelle).
Chez de nombreuses espèces de primates du vieux monde, la turgescence anogénitale des femelles fait office de signalisation lumineuse et marque leur pic de fertilité, ce qui fait que même si, dans notre espèce, de tels gonflements ont progressivement disparu au cours de l’évolution (imaginez un peu l’épreuve que représenterait l’enfilage d’un jean slim avec l’arrière-train régulièrement bouffi des babouins), des scientifiques ont estimé que les effets visuels du rouge subsistaient toujours dans le cerveau de l’homme moderne.
La préférence des hommes pour le rouge…
Déjà en 1966, les sexologues William Masters et Virginia Johnson, pionniers de la discipline, constataient l’existence de lanternes rouges aux portes des bordels, de cartes rouges pour fêter la Saint-Valentin, de lingerie rouge, de rouge à lèvres et de rouge à joues et se demandaient si l’attrait de la couleur rouge dans la réponse sexuelle humaine n’était pas une conséquence de l’ovulation cachée (et, la plupart du temps, du sexe caché) des femelles humaines.
La préférence masculine pour la couleur rouge tient d’ailleurs d’un effet solide et démontrable: à travers les cultures, les hommes trouvent les femmes plus attirantes lorsqu’elles sont ornées de rouge ou quand elles apparaissent sur un fond rouge, souvent même sans avoir conscience de ce biais.
Pas facile, de tester l’hypothèse de la saillie sexuelle…
Mais il y a (au moins) un problème avec cette explication axiomatique : personne n’a jamais pris la peine d’observer comment les hommes réagissaient face à de véritables organes génitaux rouges.
Une telle omission est pour le moins surprenante.
Compte-tenu de l’hypothèse de la saillie sexuelle, pour qui les habits et le maquillage rouge symbolisent de véritables vulves écarlates, on devrait s’attendre à observer une préférence pour la chose en elle-même et sa soi-disant réceptivité.
Une fois cette faille dans notre compréhension identifiée, Johns et ses collègues ont décidé de tester cette idée à l’aide d’étudiants hétérosexuels.
Quand ils leur ont présenté des vulves de différentes couleurs (rien de carnavalesque, cela dit, juste quelques nuances situées sur le spectre naturaliste des rouges rosés) quelle fut celle qu’ils trouvèrent la plus attirante ?
L’expérience pourrait sembler relativement simple, mais tester l’hypothèse de la saillie sexuelle dans des conditions de laboratoire s’est révélé plus compliqué que prévu.
En premier lieu s’est posé la question de l’acquisition d’images de vulves appropriées à l’évaluation.
À la recherche de vulves non retouchées…
Un scientifique digne de ce nom ne peut se contenter d’aligner ces dames en rang d’oignon et leur faire exhiber volontairement leurs lèvres dans un grand bouquet de roses génitales prêtes pour l’examen visuel.
De telles recherches exigent une attention aux petits détails du dispositif expérimental qui, dans le cas présent, consistait en une série de photographies en gros plan et méticuleusement sélectionnées de parties génitales représentatives.
L’utilisation de telles images a permis aux chercheurs d’exclure des différences de morphologie vulvaire, où l’on trouve en réalité une variabilité considérable et d’ailleurs très peu étudiée.
Les auteurs précisent pourtant que ces photos ont été très dures à trouver : des images explicites d’organes génitaux féminins anatomiquement normaux, non retouchées, non pornographiques et toutes orientées de la même manière ont été étonnamment difficiles à obtenir.
En fin de compte, ils sont tombés sur un site se donnant comme mission de fournir des informations sur le corps féminin (…) et de célébrer sa beauté avec des images du clitoris, de la vulve, des lèvres et du vagin, un trésor scientifique à n’en pas douter.
Dans leur imposant catalogue d’images soumises par les internautes, les chercheurs ont identifié quatre vulves répondant précisément à leurs critères, fondamentalement, ces organes n’étaient pas scabreux, percés, tatoués ou sur le point de se faire envahir par quelque épais appendice.
Il fallait aussi que la région pubienne soit rasée pour permettre une vue claire et une évaluation précise de leur rose génital.
Comment les chercheurs ont procédé…
Une fois ces quatre images essentielles sélectionnées, et après avoir écrit aux modèles et obtenu le droit d’utiliser leurs demoiselles, les chercheurs les retouchèrent chacune numériquement afin d’obtenir un ensemble de teintes vulvaires apparemment réalistes (rose pâle, rose clair, rose foncé et rouge).
Au final, les enquêteurs se sont retrouvés avec 16 images : quatre vulves spécifiques, chacune déclinée en quatre teintes distinctives de rouge rosé.
Les potentiels candidats masculins furent préalablement avertis du caractère explicite des images de vulves avant de participer … et pourtant figurez-vous qu’aucun de ces téméraires jeunes hommes n’a refusé de prendre part à cette expérience.
D’éventuels soucis oculaires furent exclus.
Personne ne sait vraiment ce que peut donner une vulve écarlate dans les yeux d’un daltonien, par exemple, mais mieux vaut prévenir que guérir.
Les 40 hommes retenus ont pu naviguer à travers ces 16 photos à leur propre rythme et ont été invités à évaluer chaque vulve présentée sur une échelle de 0 (repoussante) à 100 (attirante).
Les résultats (oui, je sais, vous mourez d’envie de les connaître), contredirent l’hypothèse de la saillie sexuelle.
La vulve rouge, moins attirante que les autres…
Les hommes ne manifestèrent aucune inclinaison particulière pour les teintes les plus foncées ; en fait, l’attractivité des roses standards fut évaluée de manière équivalente, avec un score moyen de 40, tandis que la vulve rouge fut considérée comme moins attirante à un niveau statistiquement significatif, atteignant une moyenne d’attractivité d’à peine 35.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette légère aversion des organes génitaux rouges ?
Il est possible que la teinte la plus foncée paraisse tout simplement plus artificielle.
Les auteurs de l’étude affirment avoir utilisé des couleurs situées dans une gamme normale pour des organes génitaux humains… et précisent aussi qu’une sage-femme certifiée et spécialiste clinique donna son aval professionnel à ces couleurs.
Mais ensuite, ils déclarent qu’ils n’ont jamais voulu saisir la réaction masculine à une variation naturelle de la morphologie ou de la teinte de la vulve.
Par contre, ils voulaient savoir si le biais masculin pour la couleur rouge pouvait s’appliquer au contexte général des organes génitaux féminins.
Fort d’une telle précaution, on peut donc se demander à raison ce qui serait advenu si l’une des teintes n’avait pas correspondu à cette gamme normale.
Il est assez facile d’imaginer une Mère Nature dévastant notre corps de toute une palette de maladies jaunes, vertes et violettes, ce qui fait que les hommes ont peut-être une aversion pour les couleurs exotiques, indépendamment de tout le reste.
Cette logique s’applique aussi aux hommes, ainsi que des femmes hétéro, en disant qu’un scrotum étonnamment pourpre n’est pas non plus un spectacle des plus accueillants.
L’attraction pour les femmes en rouge, plus sociale que biologique ?
Quoiqu’il en soit, Johns et ses co-auteurs envisagent que l’attraction spécifique que peuvent ressentir les hommes pour les femmes portant du rouge pourrait être causée par des mécanismes psychologiques différents de ceux considérés dans des études précédentes.
Vu qu’il a été prouvé que le rouge est associé à la perception de la domination masculine, ils estiment qu’une femme dans une tenue rouge pourrait faire office de badge améliorant le statut social d’un homme parmi ses pairs : Les femmes ont peut-être même utilisé le rouge (vêtements, cosmétiques), écrivent Johns et ses collègues pour stimuler une telle compétition et leur permettre de sélectionner des partenaires de qualité supérieure.
En d’autres termes, le désir d’un homme d’être vu avec une dame en rouge est peut-être moins lié à l’attirance suscitée par le miroir de ses organes génitaux dépravés qu’au reflet de sa propre psychologie sociale.
Voila donc une petite étude modeste et imparfaite.
Personnellement, je me méfie désormais de toute mesure de l’excitation masculine qui ne s’accompagne pas de tests phallométriques, et je pense que les chercheurs auraient dû demander aux participants ce qui les avait rebutés dans les vulves les plus rouges.
Ces hommes auraient peut-être été incapables d’articuler leurs préférences chromatiques par des termes clairs, mais une question précise nous aurait toujours donné quelques indications utiles sur leurs processus mentaux.
Mais même en tenant compte de leurs limites, Johns et ses collègues nous ont au moins donné une raison de penser, après des années passées à l’avaler comme une vérité évolutive, que l’hypothèse de la saillie sexuelle tient peut-être de la grosse blague !