Contrairement à ce que pourraient croire des crétins, la pornographie intellectuelle n’entretient aucun lien avec la masturbation intellectuelle, qui, quant à elle, n’entretient aucun lien avec la sexualité.
La pornographie intellectuelle n’est pas une métaphore et se méfie, d’ailleurs, de toute métaphore, parce que la pornographie intellectuelle est un programme littéraire sans métaphore…., d’autant que tous les intellectuels sont lubriques, la pornographie intellectuelle constituant l’aboutissement naturel de cette réalité.
Cette envie furieuse (obtuse et glorieuse, lamentable) de bites, et qui doit être plus générale, de sexes, de chattes, n’est-elle pas aussi abstraite et primordiale que l’envie du livre, du tableau?
Hervé Guibert, Fou de Vincent
Proust le disait avec plus de subtilité.
En tant que pornographe intellectuel, je ne spermate que dans la subtilité !
La pornographie intellectuelle s’élabore à partir d’une interprétation radicale de La Recherche du temps perdu, éloignée du kitsch dans lequel la tradition littéraire l’a engouffré.
J’en appele à l’éradication du kitsch, du chromo, du quétaine qui règnent en rois et maîtres sur la littérature érotique qui n’a produit aucun texte qui mérite d’exister, raison pour laquelle je désire que vous plongiez au cœur de mes texticules pour en extraire le véritable érotisme littéraire, le seul qui vaille.
La beauté jute plein le parquet, dégouline en flaques…, c’est la dégoulinade formidable…
Louis-Ferdinand Céline, Guignol’s Band
Le cloisonnement entre les genres ne tient pas.
L’érotisme doit se déployer de toutes parts, parce que les personnages de la pornographie intellectuelle sont des bisexuels naturels.
Devraient également être abolies les divisions entre littérature érotique et littérature, entre essai et littérature érotique, car, comme chacun le sait, ce schisme n’a pas toujours existé, Sade en a offert les exemples les plus époustouflants.
Le vieux Loth ronflait au fond de sa caverne ;
Assises à côté d’une pâle lanterne,
Ses deux filles en pleurs se rappelaient tout bas
Les plaisirs de Sodome et ne s’endormaient pas.
Alfred de Musset, Les Filles de Loth
La pornographie intellectuelle encourage la digression.
Le texte pornographique doit à tout moment être prêt à basculer de la copulation vers l’analyse, et inversement, mais la rupture de ton est de mise, le sexe, la brutalité et l’humour doivent faire bon ménage au sein du texte pornographique, la mélancolie aussi.
Qu’il cesse de brouter son bas-ventre ou elle renonce à masturber sa queue. Prenant soudain conscience qu’il est plus agréable de jouir que de faire jouir autrui, il obéit.
Elfriede Jelinek, La Pianiste
Le texte pornographique devrait refuser d’admettre des expressions aussi consacrées qu’insensées que “faire l’amour“.
Le pornographe intellectuel, revenu de tout, sait, seul, distinguer sexe et sentiments ; ne désirant pas leurrer qui que ce soit à ce sujet.
Les personnages baisent, fourrent, copulent, forniquent, se mettent, etc…, la pornographie intellectuelle aime le grossier, le vulgaire, le concret, elle prétend à une certaine vérité.
L’amour peut exister mais il n’est jamais associé à cette odieuse expression.
Suce bien, mon Ida, dit amoureusement Wanda, je suis très excitée et tu dois l’être aussi.
Guillaume Apollinaire, Les onze mille verges
Afin de mieux tourner en dérision la ridicule confusion entre la sexualité et les sentiments, le pornographe se doit d’insèrer, à l’envi, des adjectifs et adverbes inappropriés, inadéquats a priori aux noms et aux verbes auxquels ils se rapportent.
La description physique détaillée des personnages est proscrite de mes texticules couillus….
Il m’importe peu de connaître d’un seul trait la couleur des cheveux et yeux, la forme du visage, les mensurations chiffrées et l’habillement des protagonistes de mes récits.
La précision me paraît superflue, il ne faut jamais oublier que l’érotisme littéraire est l’un des terrains où les procédés les plus surannés persistent.
Ce type de portrait, dont on pourrait recenser des milliers d’exemples, en est l’un des plus dégoûtants vestiges…, à contrario, sur et dans (sic!) mes personnages de la pornographie intellectuelle, l’incertitude plane, leurs corps apparaissent par fragments, comme ils apparaissent à tout sujet dans le réel.
Puisqu’il est question de sexe, la pornographie intellectuelle ne doit en appeller qu’à la description des interactions entre les organes.
Je vidais gentiment mes testicules.
Michel Houellebecq, Plateforme
De même que je ne souhaite pas circonscrire l’aspect physique des personnages, ma pornographie intellectuelle se complait dans les actions suspendues et interrompues….
Je ne cache pas mon désir de décevoir les attentes de mes lecteurs.
Tous les textes pornographiques que j’ai eu l’occasion de lire sur le web sont décevants, ils n’offrent jamais ce qu’on attend d’eux.
C’est à partir de ces manques, de ces attentes frustrées qu’est pourtant généré l’érotisme.
Il n’y a pas de doute, le lecteur de la pornographie aime souffrir et se vautrer dans le sturpre et la connerie, cette pragmatique du texte érotique relève de l’évidence.
À cette première action sur le corps, les branleurs désirent en ajouter une deuxième, qui devrait théoriquement décupler la jouissance, quoiqu’ils en pensent au premier abord.
J’entends donc poursuivre le travail de Louis-Ferdinand Céline qui, bien avant moi, a choisi de brutaliser son lectorat, même si cette violence passe également par une atteinte à leur intégrité physique.
Je me vois, je sors de tôle, je saute chez vous ! Première visite ! Votre sourire ! Comment je vous trouve ? Sous votre sofa, tout convulsante de rigolade, crispée !Féerie ! Fou de plaisir, roulant, je vous étrangle en jouissance…
Au secours ! Au secours !
Je vous laisse en accès de fièvre, râlante, en reption !
Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois
De même, je ne m’offre pas à mes lecteurs (surtout lectrices…), en pâture.
La pornographie intellectuelle se doit de refuser de se définir en termes d’autofiction, ayant la décence de ne pas me mettre en avant, écrivant de préférence sous un pseudonyme et à plus de deux mains, je ne me se limite à aucun medium.
Je trouve mon espace naturel sur Internet, plus précisément sur les blogues, mais je pourrais m’adapter, sans pour autant tourner le dos à l’éthique, conscient qu’elle est redevable à la morale de ma condition d’existence.
Contrairement à mes contemporains, je n’en appelle pas à une liquidation des tabous.
À la suite de Georges Bataille, je souhaite préserver les SecretsInterdits…
Je suis donc pour la sexualité, pour la transgression, et donc pour le maintien des tabous.
Pornographes de toute la blogosphère, unissez-vous !