C’était hier…
Au moment d’éteindre l’ordinateur, arrive un dernier émail, simple et sobre, quelques lignes, mais surtout une signature :
La pute…
Message original——————————————————————————————————————–
De : LaPuteDate : 06/14/08 23:18:23A : Quelqu’unSujet : A Quelqu’un, toi qui écrit si bien dans ton site de Gatsby
Trop, croient qu’il y aurait quelque chose à préserver.
Tu sais, Quelqu’un, toi qui écrit si bien dans ton site de Gatsby, qui explique les gens et le monde, très peu qui te lisent, assument.
Je te vois même ailleurs aux prises avec des abjects, des méprisants arroguants, qui te font la morale, qui se prétendent blancs, immaculés de religion, t’écrivant leur haine comme ils récitent des psaumes tout en tuant moralement par plaisir sadique alors…, qu’ils sont noirs comme l’enfer.
J’en ai reconnu quelques-uns.
L’un d’eux, m’a un soir dit : Pour bien vivre il faut baiser, baiser comme on vit, comme on bouffe, comme on dort.
Il parlait pour lui…, parlant pour moi.
J’ai alors baisé comme on subit : avec la joie d’un certain désespoir.
La joie de devenir soumise sexuelle.
Il m’a fait devenir pute…
Il m’a baisée…
Puis après avoir joui, il m’a fait baiser par ses amis, pire vie qu’une prostituée palestinienne humiliée pour pouvoir survivre… et sans autre valeur qu’un sac à foutre… et encore… et encore… et encore…
Maintenant, je baise.
Chez moi ou chez lui, chez eux, dans une ruelle ou les chiottes d’un bar, je baise.
Quoi que je puisse faire de mes nuits, je n’en ressens pas moins, jour après jour, leur lamentable inutilité et la fausseté de chacune de mes parties de jambes-en-l’air.
C’est un constat plein d’amertume, mais joyeux, car je l’accepte comme inévitable.
La nature m’ont-ils dits en riant, t’a dotée d’un vagin, d’un anus et d’une bouche à combler, de besoins à assouvir, alors baise, pute…
Je baise.
Je baise et je ris.
Une femme comme il faut, qui aurait l’embarras du choix comme ils disent, baisant au grè des opportunités. Qui peut imaginer cela ?
Je ris et je suis encore un peu plus distante du monde, en riant, un peu plus seule et perdue dans ma débauche.
Il y a déjà dix ans que j’ai abandonné l’idée même du “comme il faut“, abandonné les conseils inutiles et les rites imposés.
Une putain convertie qui songe à la prochaine bite qu’elle accueillera dès qu’elle n’a pas les jambes écartées.
Jadis je me devais de tenir un rôle, un rôle par moi-même, identitaire, reconnu par les autres.
Je croyais qu’être une femme c’était être belle, être intelligente, être désirable ; être suffisamment tout ça pour n’en choisir qu’un et finalement être mère.
Je voyais les salopes comme une espèce à part, le constat d’un échec en tant que membre du sexe féminin.
Puis j’ai ouvert les yeux, peu à peu, je ne sais pas selon quels processus mais sans crises.
J’ai dévié des voies tracées pour suivre ma route ; rayé le modèle tout tracé de la bonne potiche qui après avoir “profité de sa jeunesse” doit assumer d’être réduite à la servitude par une seule queue.
J’ai quitté toutes ces chimères pour la réalité de ce que je suis, de ce que nous sommes toutes : des chiennes.
J’ai quitté tout cela dans la joie de l’acceptation, enfin.
Avec un grand rire.
A chaque fois que je m’allonge, quel que soit celui ou celle à qui j’ouvre mon corps, quels que soient les lieux, quelle que soit la manière, mes pensées sont les mêmes.
Je dis oui, je baise et je dis oui.
Chaque jour, je me hâte vers la mort qui m’appelle, sans me hâter, chaque jour j’accepte en souriant le temps qui passe, car la fin ne peut être qu’un soulagement à une existence sans autre but que de se faire fourrer.
Baiser à en crever.
J’ai refusé tous les mensonges et je ris de les voir toutes s’offusquer.
Car je suis la condition féminine incarnée.
Je suis l’essence de la Femme : les seins bien droits à la vue de tous, le cul à peine caché par des jupes trop courtes, la bouche pulpeuse qui ne sert pas à grand-chose d’autre qu’à sucer des bites ou lécher des chattes.
Je sais le mensonge de notre espèce ; je ne souhaite rien d’autre que brûler toutes les forces qu’il me reste encore, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, me jeter dans la bataille comme s’il n’y avait pas de lendemain, car c’est ainsi, il n’y a jamais de lendemain.
Connaître l’extase aveuglante ou bien l’oubli doux et tiède ou bien la souffrance brûlante plutôt que leurs succédanés d’émotions ternes.
J’aurais pu devenir ce qu’ils appellent “une personne de bien” pour me fondre dans la masse, j’ai choisi pour vivre heureuse d’être ce qu’ils ont fait de moi : une chienne.
Je suis une putain parmi les putains, une putain parmi mes sœurs, une putain pour celui qui jouit en moi.
Rien d’autre.
Je suis la chose dans laquelle ils se vident, la chose à laquelle elles se comparent en se félicitant de ne pas être ainsi.
La chose.
Je suis à leurs yeux une erreur de la nature alors que j’en suis l’incarnation.
Je suis une pute.
Et je baise.
Je ferme les yeux et me vide de mes pensées, je n’ai plus aucune idée, je n’ai plus aucun désir : je baise.
Je ne souffre plus, je ne subis plus l’amertume, je ne suis plus étouffée par ces règles qui n’étaient pas les miennes, je respire librement.
J’ai dit oui et j’ai commencé à vivre véritablement.
Je me suis arrachée aux tourments, je me suis soustraite aux paradoxes de mon âme.
Je connais une félicité plus pure que nul n’imagine.
Je vole dans les vibrations grasses de leurs râles, je me fonds avec leurs mouvements, leur odeur, leur crasse et leur inutilité.
Sans moi ils ne sont rien, je suis celle qui leur fait approcher l’extase, celle sans qui l’extase ne serait pas possible, celle qui les fait se sentir forts, se sentir Hommes.
Mais de moi qu’est ce qu’ils en ont à foutre ?
Que le foutre !
Alors je ferme les yeux et me vide de mes pensées pendant qu’ils se vident de leurs spermes, je n’ai plus aucune idée, je n’ai plus aucun désir : je baise.
J’ai cru au départ qu’il y aurait une contrepartie.
Que d’assumer à la face du monde en amènerait forcément une.
J’ai pensé à regretter, payer, souffrir à nouveau, même redevenir ce qu’ils attendaient que je sois.
J’avais tort.
La fuite en avant n’a pas de fin, l’acceptation et l’oubli n’ont de fin que celle qui doit être.
Il n’y a ni peur, ni regret, ni doute, ni détresse.
Il n’y a pour moi que les bars, les boites, les chambres d’hôtel, les appartements, les queues encore et encore… et il y a moi.
Moi et mon sexe à disposition, sale car il est sale, utile et rien d’autre qu’utile ; moi qui avance et ne fuis pas, droite et disant oui, oui au monde… et quand bien même… et tant pis.
Je sers à ceux qui je peux servir et j’accepte.
Et maintenant, seule dans cette chambre d’hôtel dont je connais les moindres recoins, je dis oui une fois de plus, j’ai compris l’étape suivante de mon chemin.
Le front collé contre la vitre de la fenêtre, je me souviens de tous ces soirs à contempler la ville endormie, de tous ces soirs où je les envie d’être noyés dans le mensonge d’une vie “comme il faut” et soit disant utile, de tous ces soirs où je fantasme sur le fait que dormir, manger, boire, pisser, chier et baiser ne seraient pas les seules choses qui aient vraiment du sens.
Je sais avoir déjà vu à cet endroit le vide m’appeler et mes larmes aussi, au coin des yeux.
Puis je tirais les rideaux et essuyais mon visage.
Mais je me souviens avoir su dès ma première nuit ici qu’un soir, lorsque j’assumerai totalement, lorsque j’estimerai mon trou suffisamment comblé, je ne fermerai pas ces rideaux et j’ouvrirai la fenêtre.
Je me souviens avoir su ce soir-là qu’il serait encore temps, plusieurs longues secondes, de murmurer oui à voix basse et, encore et encore, de jouir et de dire oui, et merde au monde et d’apprécier une dernière fois ne plus avoir jamais à mentir…
Je ne suis qu’une pute…
Demain je serais un fait-divers…
La pute…
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On est baisés en politique et dans nos idées, dans nos vies et dans nos rêves.
J’ai pensé qu’en haut ou en bas, à droite ou à gauche, on était toutes et tous putes de l’existence…
Pire encore, d’être putes et de pousser les autres à l’être aussi dans un système qui tourne fou sur lui-même et qui ne tient plus compte des autres…
J’ai pensé à la Palestine humiliée poussée au désespoir par des arroguants qui ne se respectent même pas.
J’ai pensé aux gens qui travaillent et s’en abrutissent pour en gagner si peu qu’ils finissent par dépenser plus qu’ils n’en recoivent pour des inutilités…
J’ai pensé à ceux qu’on envoie dans les guerres pour que très peu en tirent ficelles et profits gigantesques qui ne serviront qu’à eux…
J’ai pensé aux leurres politiques, aux dénis de démocratie, aux mensonges du 11/9 et autres, à l’applatissement des masses qui finissent par hurler “Sieg Heil” en allégeance à des dieux d’argent et de mort…, croyant en tirer pitance… et tant pis pour les morveux, les autres, les différents qui hurlent : “qu’ils crèvent tant que j’ai mon argent”…
J’ai pensé à l’Europe qui se construit si mal en déconstruisant simultanément des milliards d’espoir de vie, une construction sur des mensonges…
J’ai pensé…
Puis j’ai écrit…
Maintenant c’est vous qui lisez, qui avez lu…, qui pensez… et qui cliquez comme on tourne une page !
Et que pensez-vous ? : Sale pute…
C’est sans espoir !