Le corps du délit…
Sonia Faccio (Lea Di Leo), prostituée de luxe, rêvait de littérature !
Plus prosaïquement…, elle voulait avoir son nom sur la couverture d’un livre.
Dans son métier d’actrice porno et call-girl, cela n’arrive pas tous les jours.
Sicilienne, cette jeune femme, connue sous le nom de scène de Lea Di Leo, ayant peu de talent pour la plume, s’adressa donc à une amie journaliste pour raconter, dit-elle, “son enfance” qu’on devine malheureuse et ses “curiosités sexuelles” qu’on imagine variées.
“C’est bon ça, ma cocotte”, lui ont dit en substance Giuseppe Aleci et Gaspare Richichi (prononcer “rikiki”), respectivement PDG et directeur éditorial de la petite maison d’édition Imart, sise à Marsala… et dont le catalogue s’en tenait jusque-là à une forte curiosité pour l’au-delà et les manifestations paranormales.
Beau sujet, d’autant que Sonia promettait de tout dire, y compris le nom de ses clients… et Richichi et Aleci sont ravis, d’autant que l’auteure tient sa promesse.
La jeune femme se met donc au travail.
Ce n’est plus un livre mais un annuaire.
Les noms de présentateurs de télévision, d’acteurs, d’hommes politiques et surtout de footballeurs italiens bien connus, surgissent par centaines dans son récit.
“De la première division à la troisième, j’en ai connu beaucoup”, s’enorgueillit Sonia.
En effet, de Vincenzo Laquinta (Cesena) à Luca Toni (Fiorentina) en passant par Marco Borriello (Genoa), Massimo Ambrosini, Francesco Coco, Valeri Bojinov ou encore Simone Inzaghi…, il y a de quoi faire une bonne équipe…, banc de touche compris.
Naïve Sonia !
Puis d’une voix plus suave : “Mais on peut s’arranger. 40 000 euros et on raye votre nom”…
Pendant qu’elle trime et relit ses carnets de rendez-vous à la recherche des noms et particularités sexuelles de ses clients célèbres, Richichi et Aleci, eux, cherchent leurs numéros de téléphone pour leur tenir à peu près ce langage : “Voilà, j’ai sous les yeux un manuscrit du livre d’une prostituée qui soutient que vous avez été son client. Vous êtes connu, cela pourrait être gênant pour vous, non ?”…
Beaucoup ont dit oui.
Pas Matteo Branciamore, acteur de téléfilm.
Il a d’abord mis sur l’affaire les enquêteurs d’une émission de télévision très populaire, “Le Iene” (les hyènes), qui sont parvenus à piéger les éditeurs, poussant la police à ouvrir une enquête.
Puis, assez courageusement, il s’est porté partie civile dans le procès ouvert pour extorsion début novembre.
Pressée de dire ce qu’elle savait, elle a régalé l’assistance de ses confessions marquées du sceau de l’expérience.
– Pourquoi des footballeurs ?
– Ils sont meilleurs au lit parce qu’ils soignent leur condition physique…
– D’autres clients ?
– Oui, une fois, un évêque qui portait un gros crucifix autour du cou…
– Pourquoi un nom de scène ?
– Parce que Leo est le nom de ma chatte, et c’est la seule amie que j’ai…
– La voiture saisie dans le garage de votre villa ?
– Une Viper “spéciale”, cadeau pour mes prestations “spéciales” de la part d’un ami footballeur…
Passe encore que “le furtif, le client qui vient en voisin” (Les Tontons flingueurs, Georges Lautner, 1963), se méfiant désormais de sa mémoire d’éléphant, se soit fait rare…, mais ses ambitions littéraires ne seront jamais réalisées.
Justice sera peut-être rendue, mais l’histoire finit mal pour Lea Di Leo.
Il s’en est fallu de peu qu’elle accédât à son rêve.
Il était là, tout près…
Après tout Ilona Staller, dite La Cicciolina, sa lointaine devancière, était bien devenue députée du Parlement italien.
Lea Di Leo n’en demandait pas tant.