Les beautés de Mongokhto…
Il y a des traumatismes, des chocs brutaux qui vous font prendre conscience, subitement et intrinsèquement de faits qui jusque là n’étaient envisagés que dans le subconscient commun, vaguement admis dans des élucubrations éthyliques ou dans les discours de gourous underground : l’observation du boson de Higgs, le rachat de Lucas-films par Disney ou le dernier album de Marc Lavoine… sont des exemples de cet effondrement du quatrième mur, de ce pan de réalité pressenti qui se révèle avec fracas et alors on se rend compte rétrospectivement de son évidence.
Au fond plus on vieillit, plus les coulisses de ce dramatique incident qu’est la vie sur Terre se révèlent, laissant l’homme effrayé devant un tableau monstrueux qu’enfant on apercevait par accident et qu’on oubliait aussitôt, replongeant dans le “jouer à”, bien tranquillement installé dans une réalité construite pour nous.
Plus tard, on verra le délitement, le dépouillement de notre “âme d’enfant”, premier signe que la magie a disparu au profit de la jouissance ingrate de la moindre goutte de parfums d’enfance à l’arrière goût rance, certains resteront même à jamais accro à ces moments suspendus, cherchant le moindre prétexte pour revivre les émotions les plus sincères de l’enfance…, mais était-ce sincère, car a-t-on jamais été innocent ?
Je me suis laissé entraîner pour partir en week-end avec un ami de plus en plus lointain, pour un évènement “mémorable”, à Mongokhto…, un reportage consacré à l’une des bases aériennes les plus intrigantes et les plus isolées de Russie…, ou, de plus, il comptait bien s’approvisionner en chair fraîche locale…
Si la formule n’est pas foncièrement différente d’autres escapades, cet épisode devait renouveler la saga de GatsbyOnline grâce à de petits changements bien trouvés : dans une sorte de show porno-crétin, il s’agirait de montrer l’homme russe dans ses vices les plus horribles pour illustrer cette idée que pour échapper à la condition humaine, l’homme essaye de tout ramener à un plan sexuel, à savoir transformer les angoisses métaphysique en jeu, dans une immoralité presque “innocente”.
Les russes pleins aux as sont des jouisseurs, le jeu serait donc de braver les derniers territoires inconnus qui sont la souffrance et la mort en se caressant les coucougnettes…, le domaine de l’irréversible comme dernier rempart d’une humanité asservie au plastique et au reproductible, en quelque sorte.
Quand on arrive à Mongokhto, la première impression est que la ville est peuplée de lutins habitant des petites maisons aux toits verts de mousse, noyées dans les feuilles mortes, qui sont plantées en plein milieu de la forêt…, puis apparaissent les affreuses barres d’immeubles standard soviétiques. .
Mongokhtoa, c’est une longue histoire militaire…, nous avons commencé notre visite-promenade à partir du centre, mais une fois sur le front d’eau, le risque fut de ne plus vouloir en partir…
Non loin de la gare, s’élève une église inachevée, les riverains la dénigrent car elle fut érigée sur un cimetière, sous lequel, assurent les autochtones, on trouve des labyrinthes souterrains, une ancienne galerie et même des revenants !
Les connaisseurs de villes provinciales russes chercheront en vain à Mongokhto, les repères architecturaux habituels.
Impossible d’identifier d’un coup d’œil un hôpital ou une préfecture…, ici, ce qui ressemble à une école est une caserne…, une cabane avec un air de check-point abrite en fait une école d’art…, un musée est en fait un hôpital…, nous n’avons donc pas été surpris que l’un des plus majestueux bâtiments abrite le parquet et les limiers de la police.
Le loisir principal des habitants locaux, c’est la pêche…, munis de cannes à pêche, des dizaines de gens se baladent dans la ville, roulent en voiture et à vélo, se déplacent en bateau pneumatique.
Sur la jetée, des hommes en vestes ouatinées et hautes bottes se balancent en équilibre sur les brise-lames…, ils chassent le hareng baltique…, leurs femmes, qui sont là, sur la jetée, se plaignent : “Dans le temps, cent personnes se rangeaient en ligne et pêchaient tranquillement…, aujourd’hui, on est obligé de se jucher sur des saillies dangereuses”... (À noter que ces mêmes pêcheurs vendent le hareng sorti de l’eau à 1 euro le kilo).
Du boulevard de la Mer, on accède directement à la plage…, le sable ici est particulier, fin, blanc et noir, poivre et sel…, au ras de l’eau, le sable pressé est moucheté de roux…, avec un peu de chance, la vague généreuse peut offrir un éclat d’ambre.
Plus haut, où l’eau n’arrive pas, le sable est doux et léger, on a envie d’y plonger ses mains.., il ne colle pas aux doigts, mais glisse comme de la soie.
Mongokhto est actuellement le repaire de toute une flotte de puissants Bears et Backfire de l’Aviation Navale Russe ; des appareils rarement visibles (voire jamais vus) par les russes et encore moins les occidentaux…, l’aspect faussement “Top-Secret” de ce reportage, sous prétexte de réaliser diverses photos de beautés russes dénudées dans le cimetière des anciens avions de la base aérienne…, devait me permettre de jeter un œil sur le folklore local, tandis que mon ami assouvissait ses bas instincts sexuels…
Dans l’Extrême-Orient russe, l’incroyable base secrète de Mongokhto est située à sept fuseaux horaires et 4000 miles à l’Est de Moscou dans la région de Khabarovsk, la base a de nombreux noms : Mongokhto est le plus facile de tous, mais les autres sont Kamennyi Ruchey, Sovetskaya Gavan et Alekseyevka.
La date exacte de la création de la base s’est perdue dans le temps mais les premiers documents officiels du Commandement de la Marine Soviétique à y référer (un ordre de création d’une liste du personnel pour un futur Club des officiers) datent du 1er Décembre 1947 et ce jour a été retenu comme date anniversaire de Mongokhto.
On sait cependant que la construction de la plus grande base de l’aviation navale de l’Extrême-Orient soviétique a commencé dans les années 1950 sur ordre du Commandant de la Flotte Soviétique du Pacifique.
La future garnison a reçu le nom de Kamennyi Ruchey alors que la ville en elle-même fut appelée Mongokhto.
Aujourd’hui, le complexe tout entier est désigné par tous sous l’appellation de Mongokhto…, mais le mystère qui entoure cette base est tel que même les origines de son nom sont sujettes à interprétation…, certains affirment qu’il vient d’un ancien langage et que l’on peut le traduire comme “Vallée de la Mort”…, alors que d’autres ont une explication beaucoup plus prosaïque : ils disent que Mongokhto vient tout simplement du langage local Oroch : “Mo” signifie forêt ou bois… et durant les pluies d’été, de nombreuses branches et troncs d’arbres sont transportés par la rivière Tumnin toute proche et s’accumulent.
En raison de l’extrême isolation des nouvelles installations, les habitants ont vécu pendant des années sans eau ni électricité courante…, les prisonniers d’un bagne local entreprirent la construction initiale de la ville.
Des camions amenaient l’eau depuis la rivière Tumnin alors que les générateurs d’électricité étaient coupés durant la nuit…, rien que pour acheter à manger, les habitants devaient marcher jusqu’à la station de train la plus proche située à 5km.
Dans le même temps, la base était devenue une installation militaire stratégique vitale chargée de projeter la puissance aérienne soviétique au-delà de ses frontières de l’Est…, différents appareils furent basés à Mongokhto au cours de l’histoire et quasiment tous étaient des bombardiers lourds.
Le Tu-16 Badger fut l’un de ceux qui restèrent le plus longtemps…, les deux premiers Badger atterrirent à Kamennyi Ruchey le 2 Février 1957 ; les entraînements et la transition sur cet appareil commençant en Octobre de la même année.
Le régiment changea de désignation pour devenir le 568 ème MRAP (Morskoy Raketonosnyi Aviatsionnyi Polk ou Régiment de Bombardiers de l’Aviation Navale) tandis que le 310 ème OPLAP (Otdelnyi ProtivoLodochnyi Aviatsionnyi Polk ; ou Régiment Aérien Indépendant de Lutte anti sous-marine) disposait de Tu-142.
Cependant, une restructuration eu lieu au tournant du siècle et les Tu-22M3 du 568 ème OMRAP (Otdelnyi Morskoy Raketonosnyi Aviatsionnyi Polk ; ou Régiment Indépendant de Bombardiers de l’Aviation Navale) et les Tu-142 du 310 ème OPLAP furent réunis au sein d’un seul et même régiment.
Le principal occupant de la base aérienne est donc désormais le 568 ème Gvardeyskiy OMSAP qui est équipé de bombardiers Tu-22M3 ainsi que de Tu-142MZ de lutte ASM et d’avions relais de communications Tu-142MR Bear J.
Le gigantesque Tu-142 constitue l’ossature du parc d’avions de lutte anti sous-marine (ASM) de la Marine russe…, il a été dérivé d’une version maritime plus ancienne : le Tu-95RT Bear D.
Les premiers Tu-142 de la base arrivèrent en 1979 depuis Horol…, leurs équipages et leurs familles occupèrent tous les logements vacants de Mongokhto, créant une surpopulation massive de la ville.., ils sont encore appelés “hunhuzy”, un dialecte local pour le mot russe “razboyniki” (voleurs ou pirates).
Le Tu-142MR Bear-J est une variante rare utilisée comme relais de communication, produite par Beriev et basée sur la cellule du Tupolev, l’appareil est équipé pour les communications hautes et basses fréquences avec les sous-marins en opérations et pour relayer les messages avec les postes de commandement de la marine.
Également connu sous le nom de Oryol (aigle), le Tu-142MR est équipé de diverses antennes de communication et d’un système relais Etyud situé dans de la baie abritant les armements des versions de lutte ASM…, pour communiquer avec un sous marin en opérations, un épais fil de 7,5mm s’étend sur 7,5 km depuis un carénage sous l’avion pendant que ce dernier vole en cercles serrés ; ce qui permet au fil d’être suspendu quasiment à la verticale.
Le manque d’informations sur les opérations aériennes quotidiennes à Mongokhto reflète le caractère secret de la base…, cependant, j’ai le plaisir de vous offrir ce reportage et cet aperçu privilégié de l’une des bases les plus fascinantes, les plus isolées et les plus intrigantes au monde.
L’un des pilotes les plus respectés de Mongokhto est le Colonel Anatoliy Viktorovich Semyonov, Commandant en second de l’escadrille ASM…, c’est un pilote très expérimenté avec, comme ils disent : “un divin talent pour le pilotage”, mais également connu pour sa manière de voler peu orthodoxe.
Il est bien connu des pêcheurs locaux de la Mer d’Okhotsk parce qu’il aime piloter son Bear à des altitudes tellement basses qu’il incommode quiconque se trouve sur la mer (moins de 20m au-dessus de certains bateaux de pêche).
Un Dimanche de Juillet, Semyonov et son équipage furent chargés de localiser le porte-avions américain USS Kitty Hawk (CV-65) qui menait des exercices dans les eaux internationales au large de la côte Est russe.
Semyonov trouva rapidement le navire et réalisa plusieurs passages beaucoup plus près du navire et beaucoup plus bas que les usages officiels alors en vigueur entre les deux nations…, tout en prenant des photos…, un F/A-18 Hornet fut envoyé à la poursuite du bruyant Tu-142 et fut aussi photographié par l’équipage de Semyonov…, le Hornet vola directement entre le Tu-142 et le porte-avions avant qu’il ne fasse demi-tour quelques minutes plus tard lorsque le Bear s’éloigna.
Suite à cette mission réussie, l’équipage de Semyonov déboucha le champagne sur le tarmac de la base aérienne…, l’US Navy envoya ultérieurement une note de protestation soutenue par une vidéo de 12 secondes qui confirmait la violation !
Dans la forme, j’admets que les photos ramenées pour illustrer ce reportage, vous font penser aux productions pornographiques russes qui cartonnent en ce moment sur internet…, on est ici, pourtant dans une veine nettement plus “réaliste” (en un peu plus soigné tout de même) que divers reportages précédents.
Ma volonté de ne pas directement céder aux avances des beautés russes, est pour beaucoup responsable de ce rendu, mais c’est aussi une volonté de ne pas trop me poser de question dans la mise en scène, qui donne une ambiance glauque, ce qui n’était pas gagné avec un casting qui dans l’ensemble allait du correct à l’épouvantable, avec des plans nichons toutes les cinq minutes, pendant que mon ami pelotait ces filles de l’est en string…
Je ne vais pas me voiler la face : ce reportage, s’il est lu (et regardé), marche essentiellement par mon écriture plutôt que par les photos…, c’est le premier degré qui triomphe ici… et l’absence de recul dans va dans ce sens, car c’est destiné à vous mettre la tête dans le seau (si je puis dire, sans ménagement) !
Qui plus est, je traite également (avec brio), du rapport à l’autre, via la théorie du quatrième mur chère à divers fous, mais revisitée par mes soins…
Ce sont exactement les règles de la bourse : à un niveau d’abstraction donné, on ne pense plus aux vies humaines en jeu, il s’agit d’un mécanisme ou tout est rationalisé : passer le temps, pour ressentir l’excitation des chasseurs primitifs !
Il ne s’agit plus seulement de faire souffrir quelqu’un sadiquement pour assouvir l’extase perverse ultime, il s’agit de faire disparaître aussi les contraintes de l’âge en donnant une illusion de risque tout en garantissant un résultat…, mais à aucun moment il n’y a de passion, pas plus d’ailleurs que chez mon ami, qui a toutefois hésité 5 minutes avant de tromper l’amour de sa vie avec une russe camée…, ce geste ayant fait de lui un épicurien au milieu des stoïciens.
Ceci écrit, l’homme est une raclure comme une autre, et ce sont les plus riches qui survivent dans la grande majorité des cas, avec tout ce qu’il est nécessaire de fureur et d’engagement, avec moult palabres et grandiloquence, mais aussi pureté et quête de la Vertu !
Qu’importe la foi intangible qu’ont les héros, du dévouement absolu que nécessite la Grandeur d’âme, de la futilité du courage quand il n’est pas le fruit de valeurs pures.
De visu, là-bas au bout du monde, j’ai cru à un moment, que mon ami était engoncé dans des valeurs pudibondes, dans une austérité moyenâgeuse, alors qu’il n’en était rien…, il poursuivait ses chimères ; la liberté, l’Anarchie, le sens du devoir, l’ordre, la télévision, le mercantilisme…, mêlant ses obsessions à celles de marginaux improbables.
Dans une Geste quasi mythologique, il a fait défiler devant mes yeux hagards, quelques figures emblématiques de l’héroïsme des contes d’antan, les confrontant à notre monde vidé d’idéaux, vendu aux plus offrants, aux monopoles décadents, aux télévisions hystériques, aux chiens braillards et avides que sont devenus les Hommes…, car il s’agissait pour lui d’une symbolique, d’un combat vital, métaphysique, de la vision d’un homme, de la chasse du Dragon d’autrefois, des princesses et de leur Amour vénérable…, comme il y a des siècles, un retour aux années d’obscurantismes, aux prophètes hystériques, aux banquiers mégalomanes, tout étant projection, anticipation, manipulation.
On ne parle plus aux laissés pour compte, on leur ment, on les chasse et les torture…, on est dans un cirque, bouffons devant les foules adipeuses et suintantes…, on est au siècle des mass-médias, du médium-roi, Avalon est un ilot fétide où les iphones ne passent pas, Morgane est une pute décrépie de télé réalité, l’Homme-masse et ses non-projets se noient dans la grande dérive du siècle.
Personne n’est déterminé au sens noble du terme, pas une action ne doit subir le lourd fardeau du temps, l’échelle n’est plus la vie, c’est la micro seconde…, ce n’est pas être réactionnaire que regarder dans le passé pour évoquer le néant contemporain.., l’Histoire et la mémoire sont en effet les tenants de la civilisation.
On ne rendra pas la forêt moins primitive qu’avant avec des tapisseries qui la dissimule…, la civilisation est un artifice, une construction de tous les instants…, on ne peut pas jouir de ses avantages sans se préoccuper de la soutenir…, car sinon, en un instant, toute trace de civilisation aura disparue.
Quand, devenu chien errant, votre hurlement rejoindra les milliers de hurlements qui monteront de la Terre vers les étoiles, demandant désespérément à un Dieu un chemin, un commandement, quelque chose à faire de votre vie, c’est de mecs comme moi dont vous aurez besoin…, quitte à crever, en vous focalisant sur une bande de potes idéalistes aux prises avec leur époque !
Dans une dernière extase que la fin d’été attisait, je me suis dirigé ému vers l’avion qui nous ramenait at-home, assuré que tout ce que je venais de vivre et d’écrire, valait son pesant de nougat mou…
@ plus…