Les souvenirs sexuels sont des coarctations aortiques…
Cinquième partie
“Quand je serais vieux et que tu seras vieille
Quand mes cheveux bruns seront des cheveux blancs
Sur le petit banc auprès de la treille
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants
Je te dirai je t’aime et comme au premier jour
Tu poseras sur moi tes yeux remplis d’amour
Et puis, timidement, nos mains se chercheront
Nos corps, vieillis par l’âge se réuniront
Quand je serais vieux et que tu seras vieille
Quand tes cheveux blonds seront des cheveux blancs
Sur le petit banc tout rempli de soleil
Nous irons nous asseoir, un peu comme à vingt ans”…
Patrice De Bruyne
Douce, calme, attentionnée, Anna se révèle un anxiolytique efficace, les mois s’enchainent et son mimétisme parfait d’abord effrayant coule aujourd’hui en elle avec un naturel impressionnant… elle parle, comme moi, possède mes expressions et défauts de langage, le formatage a réussi, la reprogrammation est un succès… le relooking prend également forme, je suis incroyablement satisfait.
Revoir Severine, la semaine prochaine… Je ne sors presque plus, et ce presque est déjà vieux de plusieurs semaines. Ce simili de couple freine les excès, les temporise, les encadre, les assèche. Je suis devenu la boule d’Arkanoïd, pire, un Tetris mielleux qui mange ce qu’on lui prépare. Mon congélateur se vide.
Severine me jette un SMS d’indisponibilité pour toute la semaine. Une petite claque sur le dessus du crâne, étrangement sans conséquences.
Ma libido devient floue, instable, une sorte de brouillard d’autoroute qui s’éclaire parfois quand on le traverse en plein phares. Si l’envie d’autres corps est toujours présente, une motivation molle évite toute action concrète. Les rencontres passagères du sexe opposées restent d’un niveau minable aisément superposables, empilables comme des briques rouges et bleues. Seules quelques gorgées de Mojito en fin de journée rendent son épaisseur au vide.
Quand je m’ennuie, c’est que je ne trouve plus de questions suffisamment préoccupantes. Je me suis beaucoup ennuyé ces jours passés. Beaucoup déplacé aussi. Tellement ennuyé que j’ai invité Assia à déjeuner aujourd’hui, juste parce que je voulais un tête à tête avec une grosse poitrine. J’ai eu un peu honte, et comme souvent, ce sentiment a rapidement été dépassé par un ballottement mammaire nonchalant exploitable.
Assia croisait, serrait et desserrait les bras, faisait ce pourquoi je l’ai invitée, sans oublier de se raconter encore et encore, elle aussi, elle comme finalement toutes. 1h30 de déjeuner sans me poser une seule question. Un échange de bons procédés et je prête mon oreille contre un bonnet D moelleux, graisseux, et me semble-t-il déjà un peu plus près du sol qu’à notre dernière rencontre.
Les jours passés à constater qu’Anna vit ici depuis plusieurs mois versant une larme parce que non, elle ne m’accompagnera pas à Carrefour aujourd’hui.
Ces jours à envisager la fin de ce récit, à constater son pathétisme, à déglutir ce goût amer et pire de l’affligeance des autres. Ce monde médiocre mérite une narration. La balance est équilibrée, je me masturbe autant que je la baise. Le tout bloqué, tel un régulateur de vitesse et d’humeur, sur une autoroute sans paysage. Je n’envoie plus de SMS aux autres, donc n’en reçois plus. La période est propice à une forme de régression, cet échange de procédés argent et sécurité contre attention sans négation. Elle s’occupe de moi comme si j’étais malade. De la queue au ventre en passant par le reste. Du babillage facile, on en inverserait presque les rôles. Elle pleure aussi, assez souvent, pour un oui pour un non, et surtout pour des non. Je n’arrive ni à culpabiliser ni à regretter ses larmes. Je suis un peu mort de tout ça. Les “je t’aime” et les pleurnicheries n’ont plus qu’un effet rassurant.
La semaine s’écoule d’abord professionnellement et les changements s’enchainent. J’échange ainsi quelques voitures moches contre d’autres du même acabit, l’âge en plus. L’ambiance est lourde, pesante. J’achète des mini canettes de coca depuis que j’ai une mini vie faite de mini sorties. La quantité ne s’apprécie plus ces jours ci. Je mange moyennement, je bois moyennement, je baise moyennement. Omnivore psychologique est une condition de l’ennui, envions les maniaco-dépressifs. Et puis constatons qu’une entrée, plat, dessert, ça fait trop pour ce que les gens ont à dire. Je fais du plat et du dessert, uniquement. Obligé de partager 30 minutes d’anecdotes en plus, d’écouter narrer ces vies clonées de bonnes intentions, de resservir de l’eau. A voir cette brune de 30 ans, future rondouillarde assumée se goinfrer de graisse au déjeuner, flanquée d’un haut blanc informe faussement dentelé C&A, deux plats sont déjà trop. Elle est là, sans aucun maquillage, souriant uniquement quand son ventre éparse est comblé, l’œil bovin hypertrophié surplombant une bouche fine possédée par des cordes vocales populaires, paysannes, a une frontière ambigüe du règne animal. Celle là fera 2 heures d’embouteillage dimanche sur le parking d’Ikea pour une étagère à 20 euros, main dans la main avec un mâle sans consistance, résigné mais héroïque. Le monde du 42/44+ est globalement lent, pointé d’humour et d’autodérision piquante. Un monde créé de toute pièce par une incapacité physique à donner de l’envie, une évolution nécessaire pour trouver une vague reconnaissance. La vie de masse, la galerie commerciale d’un Grand magasin, sur une banquette en skaï rouge et grise suintante. C’est ici, le cimetière des éléphants pour anciennes jeunes serveuses ; quand tout s’écroule, les pommettes, les lèvres et les seins. On s’y expose quand même.
Au centre du comptoir, gang-banguée du regard par quatre ou cinq habitués des Ricards, demis, et petits blanc, presque palpée à chaque service, la serveuse quadra sert et meurt un peu plus à chaque verre. Pire, elle a l’air d’aimer ça, comme une dernière reconnaissance. Ils arrivent ces moments ou n’importe quelle main au cul fait l’affaire, ou l’on découvre des charmes finalement cachés, même à l’ouvrier de l’Auto5 d’à côté. Elle prend place entre eux sur ce tabouret grinçant, joue des cheveux et du regard. En un instant, elle rend les putes de Benidorm élégantes et glamour. Avant, ici, je baisais n’importe qui.
Baiser trouvait son sens dans la multiplication furtive et non dans la réalisation, dans l’idée plus que dans la concrétisation. Profiter du partage intense de deux corps, un contrat déterminé dans l’amalgame vaporeux des pensées dont la baisée ressort comme une simple cible, une ambition passagère. Quels que soient les endroits et les jeux, aujourd’hui ce verbe perd totalement son sens. Malgré la meilleure volonté, malgré les lieux et les occasions, le quotidien ne se baise pas. La prétention des autres au profit d’une seule. La pire des fins. Dans la banalité d’une insomnie, une solitude accompagnée. Je laisse la compagnie au lit pour retrouver cette vérité qui se vit seul. L’insouciance est un continent submergé depuis longtemps, depuis que le premier pari a échoué, et que l’unique a pris part de se multiplier. Ainsi, le grand sentiment est un modèle variant des chaires, encore et encore jusqu’à son épuisement.
Partager la jeunesse d’Anna est un détour pervers, et j’avance à reculons vers le Mako moulage. Comment fait-elle pour s’extasier d’une ficelle emballant un paquet cadeau, d’un nuage rosé accrochant les montagnes, d’un calendrier de la poste, d’un pain au chocolat rapporté pour son goûter, d’une simple bite cinquantenaire ? Les premières fois s’endorment quand les autres se souviennent des leurres. Anna brille et je m’éteins. Heureusement, l’implacable logique prend place et je baise déjà moins le présent que certains souvenirs passés. L’apport d’oestrogène et de progestérone ne lui ont permis qu’une augmentation mammaire relativement faible et finalement décevante. Le seul avantage apparent étant un achat de petits tops facilité par une absence totale de réflexion-projection, épargnant les essayages laborieux. Le budget “dessous” se trouve également largement amputé, comme elle. Pour autant, je n’ai encore rappelé aucune fille à bonnet C ou D. J’attends qu’on me nourrisse, qu’on mette du liquide dans mon verre, qu’on diaporama les photos, qu’on me prenne en bouche ou qu’on m’insulte. L’essentiel but reste d’en bander fort. Un simple monstre éjaculant de chaque orifice.
Hier, Assia et Amandine m’accompagnaient, et j’ai bu encore et encore, pour en rendre une plus jeune et l’autre plus mince. Ces deux bonnets D se sont contentés d’être faciles, rieuses et courtoises. Ne pas chercher à comprendre à qui est cette main étant la seule attente à laquelle elles répondent encore parfaitement. Embarqué dans une sauce sociale pathétique au centre d’un pub médiocre, échanger quelques palpations et regards dans le désespoir du temps qui passe. Il passe, je bande moins et je rentre seul. Malgré leurs deux culs plutot dociles, je reste inerte… Les plaisirs simples disparaissent devant l’apparition de ma propre médiocrité. Rien ne va mal quand rien ne va bien. Les clichés m’entourent, ces gens encore jeunes apeurés comme moi, ces gens déjà vieux terrorisés comme moi, ces gens vraiment jeunes les rejetant tous comme moi. Dans l’alternance du continu, une vie paradoxale d’autodestruction, d’insatisfaction. Il reste la masturbation, la lecture et l’alcool.
Apres midi d’alternance. L’idée de tester une escort-girl par internet ne s’est pas concrétisée; il n’y eut que les 2 putes de Bénidorm cet été pour égayer un tantinet toute idée de rencontre sexuelle classique et pour constater qu’il existe bien des russes aux gros seins, des pétasses défiant les lois du maquillage et de la vulgarité orale, toutes flanquées d’ornements douteux et d’artifices bon marché. Une valse de médiocrité, rapidement agaçant, gloussant et creusant leurs rides déjà tellement présentes ; ces escort-girls m’ennuient et me fatiguent, sans jamais saisir le ridicule, sans jamais susciter la moindre tension érectile. Concernant l’hôtel minable, les miettes de pain dans le lit rivalisent d’ingéniosité pour éviter les cafards du couloir. Je mange mal, je dors mal, et jamais, ne peux poser le regard sur une chose plaisante, quelle soit artificielle ou féminine. Les autres fument autour de moi, et je m’attarde volontiers à converser avec une petite grosse acnéique prétrentenaire pour la voir aspirer quelques bouffées de fumée. Je la prends dans la chambre, dans le noir, en levrette, allant et venant, cernés de nos propres pertes en imaginant évidemment nous en être sortis. Voir dans ses yeux, toute l’incidence de mon propre pathétisme me serait insuportable. Et la tendresse bordel ! Elle pose après copulation, une main sur mes couilles, et dit qu’elle me trouve beau, très beau.
J’ai en tête une scène de Benny Hill…, finir petit, vieux et chauve et qu’on m’humilie le crâne.
L’année reprend après les premières semaines, c’est toujours comme ça, ce balbutiement de janvier ou l’on cherche quelques nouveaux repères en se rendant rapidement compte que ceux de l’année d’avant sont bien là, immobiles et envahissants. J’ai décidé d’étaler plus assidûment le stop-rides de L’Oréal, mais l’anti-effet placebo contrebalance le picotement des rides d’expression par le fait que ce cosmétique s’achète à Carrefour. Je n’ai pas encore appliqué par contre, l’hydra-energetic autobronzant naturel à la vitamine E + DHA. Le gel Play de Durex, à l’ergonomie d’une bite de taille moyenne mais plutot large, m’a presque autant déçu que l’anneau vibrant. L’odeur est désagréable et l’ouverture mal pensée.
Je baise donc Anna classiquement, en pensant étrangement à son plaisir. Elle me suce de mieux en mieux et ne s’ennuie plus à enfoncer ma bite droit au fond de sa gorge, évitant même désormais facilement tout bruit aérophagique ou salivaire. Elle reste ainsi enfoncée plusieurs secondes. Et je me laisse aller dans sa bouche. Je baise rarement Anna entre midi et deux heures.
Quand je rentre de mon garage, je regarde le zapping et lis quelques blogs, ou plus spécialement certains commentaires. Alors aujourd’hui est un jour moins commun, et je me perds rapidement dans une chatte russe entre une portion de ravioli Rana aux cèpes et un yaourt panier de Yoplait Quartiers de fraise décidément très bons. Et cette psychologie fameuse, qui n’en épargne aucune, toutes classes et âges confondus. Mélange malhabile entre faux fantasmes et vrai passage à l’acte; cette recherche d’un bout d’autre profondément ancré en soi, un autre freiné par des règles sociales. Salope rime pour elles avec ultra sexy, regards fusant de tout mâle normalement constitué, allumage et quasi vulgarité. Salope, la plupart du temps, rime avec prohibition voire propre rejet.
Pourtant, la meilleure définition de la fulgurance, du désir sincère et soudain n’est vérifiable qu’à travers elle. Alors, sous la bienveillance de l’autre, dans le regard-pardon-tolérant du couple, la femme s’autorise en y étant parfois invitée. Parce que se faire baiser comme ça, sur un bout de table, un coin de mur et presque une assiette froide, est synonyme pour l’autre de pulsion, de désir ultime foudroyant l’espace d’une minute toute correcte représentation de soi, au profit d’une autre, la salope autorisée.
La transgression a pour utilité d’atteindre les hautes cimes de sa propre représentation en tant qu’être désiré. Un éclair de lucidité animal dans un monde social. Un monde de services et de sévices ! J’ai peu à peu remplacé la cocaïne, les filles infréquentables, les plats surgelés, par une vie faite de végétaux cuisinés, de coca light, de promenades et de concessions. Je suis sédentaire et fidèle depuis Septembre. Le dégout de mon propre passé, une certaine définition sociale de la léthargie. On le sait, on peut tous devenir comme ça. Au fond, c’est une possibilité. Je m’y attendais comme un effet secondaire typique de la rencontre féminine. Au fond, ne pas se vautrer dans une conduite apathique typique du couple naissant est un signe visible de dysfonctionnement. Je me dois donc d’être moins disponible pour ne pas choquer ce que les autres attendent d’un nouveau couple. Sortir avec Anna plusieurs fois par semaine serait d’une plus mauvaise image sur notre relation. Je m’applique à ne pas rappeler quand on me propose une sortie, voire être désagréable, condescendant, mauvais menteur, et pire, rentrer extrêmement tôt laissant les autres à leur vie solitaire étrange et douteuse, probablement anormale. Dans le but de m’en sortir un jour, j’ai gardé l’alcool et la masturbation. Je me branle moins souvent, mais plus rapidement. Je bois plus souvent, et plus longtemps… Trop de temps passé à faire le grand écart entre ma vie sexuelle et ma vie sentimentale.
L’illusion du conformisme et de l’adultère, le frisson minable des chambres d’hôtel pour baiser à la va-vite des filles à qui j’essaye de ne rien promettre. La fatigue et la lassitude quand ma libido se réveille trois heures après un cinq-à-sept torride et minuté. L’introspection rageuse et le mépris de moi quand, même la routine, vient à me manquer cruellement. La solitude glauque, entrecoupée de passages aux putes et de beuveries masculines. Le dégoût, la désillusion et l’appétit de frissons sordides pour conforter ma détestation quotidienne. Jouer le pygmalion asexué avec une demi nipponne de la moitié de mon âge perdue entre hystérie et déprime. Etre fasciné par sa peau mate, ses mutilations sexuelles, jouer les bodyguard d’opérette pour l’accompagner en soirée fetish puis SM en compagnie d’une psychologue pénitentiaire latexisée jusqu’au lobe des oreilles. Deviser du temps qu’il fait tandis qu’une loque harnachée de cuir lèche consciencieusement mes chaussures. Partir en soirée goth, bousculer la femme en bas résille qui se frotte contre mes jambes en cherchant mon sexe. Partir, parce que les cendres me réchauffent. Bosser comme un con au mépris de moi-même. M’oublier dans les boite-à-cul avec des responsables de compagnies pétrolières et des analystes boursiers. Descendre plus bas encore, tel le souvenir de cette boite immonde où un soir une femme enceinte se faisait tripoter par une dizaine de types hagards. Vomir des hectolitres d’alcool. M’enfuir après un entretien avec un avocat d’affaires pourri d’oseille organisateur de gang bangs, éleveur d’étalons humains qui voulait m’acheter une Excalibur. Tenter l’aquoibonisme et le dégoût radical des milieux branchés. M’éprendre de théories fumeuses sur les rapports amoureux, tester tout et n’importe quoi. Faire des rencontres, élaborer des manipulations minables pour amener des filles trop sages à plonger plus bas dans leurs instincts. Me réjouir quand elles prennent plaisir à révéler l’animal vorace qui gît dans un coin de leur jolie petite tête. Jouer les pygmalions SM, me piquer d’éducation sensuelle et de “dressage du rien”, me fasciner pour les cravaches, leur ligne épurée, le tressage du cuir, la prise en main et le cinglement dans l’air ou sur un épiderme. Rire des cocottes fétish à peine majeures qui s’effarouchent d’un regard trop appuyé et frissonnent de dégoût dans leurs “barbie wear” en vinyle. Ricaner grassement devant toute manifestation de sentimentalisme, se cloîtrer dans l’ironie et la distance.
Souffrir… De tout et de rien, de l’absence d’émotion comme de l’ennui sidéral qui commence à pointer son nez. Rencontrer quelques étoiles paumées ou fracassées, me surprendre à avoir envie de nouveau, mais rester paralysé, la routine solitaire et la crispation névrotique sur des acquis minables de pseudo liberté. Retrouver un sens de la meute, doucement, doucement, la voir s’éparpiller au gré des vents contraires laissant un noyau en forme de cœur.
La découvrir, la séduire avec des mots tendres et des gestes crus, jouer les mystérieux, les blasés. Frissonner de nouveau devant une jeunesse avide et à vif, une maturité monstrueuse, tenter l’apprivoisement, échouer, tenter de nouveau, fuir et revenir. Etre foudroyé, puis repartir en courant vers le repli en moi, me répéter ad nauseam que le cœur n’est qu’un muscle. La perdre… La voir s’éloigner, remplacer, rêver de nouveau. La harponner comme on chassait la baleine, me cramponner au filin comme le capitaine Achab. Argumenter, construire, polémiquer, me résigner. Entrouvrir une porte au hasard du pathos, y entrer à deux, comprendre que tout se transforme.
Vibrer de nouveau dans la découverte de noirceurs communes, me faire mal, tenter l’extase tantrique dans une voie sénestrogyre. Comprendre que l’animalité permet la métamorphose, être terrifié par des révélations sur moi-même, toujours sues, jamais acceptées. Assumer ma bestialité, mon sadisme, mon voyeurisme, mes pulsions qui se carbonisent une fois révélées. Faire œuvre au rouge puis œuvre au noir. Me vouloir pragmatique, me redécouvrir mystique. Savoir que Dieu est un sexe de femme M’autoriser l’épiphanie de l’ordure, en être tenté, séduit, effrayé, m’interroger Plonger ?
Je lime Anna dans une vie sans soleil, puisqu’à bander sans âme, on éjacule sans grande conviction. Bizarre !
Mais, le constat est sans équivoque : il faut que ça change… C’est arrivé…
Nous étions allé dans un hôtel sordide, dans un lieu qui l’était tout autant, au bout de nulle part, dans un trip halluciné purement sexuel, elle voulait une expérience nouvelle, être ma pute d’une nuit… Tout était merdique. L’hotelier, totalement bourré avait demandé 100 euros sans exiger une identité, on était monté dans un enchevêtrement de couloirs crasseux, elle avait poussé un cri en découvrant les fleurs en plastique sur la table de nuit… Elle sest allongée à côté de moi, me fixant l’air béat… Enfin bête surtout ! Sa vulve est encore chaude et dégoulinante du sperme de mes bourses. Alors, je prend l’air grave et sévère. Mais, elle me questionne quand même : “Pourquoi tu regardais de côté pendant qu’on faisait l’amour ?”
L’amour ? Mais, qu’est-ce qu’elle croit ? Ca n’est juste qu’un puit sans fond de plus où je me suis dégorgé. Tu n’auras pas de considérations supplémentaires, cette blague ! Réflexion faite : ce qui me gêne réellement doit résider dans le fait qu’au point de non retour, où elle supplie de recevoir l’absolution de mes entrailles, je perd une partie de moi, je me gâche ! Alors, je feins de ne rien comprendre. Pour avoir la paix. Mais, elle insiste !
Quelle belle hypocrisie romantique venant d’une femme qui salive abondamment sur mon bout de chair : “J’ai envie que tu me pénètre lentement en me fixant. Les yeux dans les yeux, ça m’excite ! Viens !”… Je réfléchis un instant. Lui écarte les jambes et m’introduit tant mou que mal. Et je la fixe. Au départ, je fuis, n’arrive pas à fixer ce regard vide. Ca me dégoûte presque, mais, j’insiste, je me force par fierté, pour ne pas débander maintenant. Plus ses yeux me cherchent et plus je me sens traqué, mal à l’aise, en danger ! La panique grimpe au rythme de mes coups de butoirs, qui montent en cadence, de plus en plus violents. Une bonne baise bien viscérale, avec les bruits crades de nos muqueuses qui se collent. Son visage se crispe. Ses yeux prennent une nouvelle lueur, celle de la peur. Après m’avoir encore demandé d’être plus tendre, réalisant mon délire, elle m’attrape les cheveux et me crie d’arrêter, l’air furieuse.
Son regard cherche une fois de trop à pénétrer mon cerveau, m’irrite de plus en plus, me provoque, alors je cogne violemment ma tête sur son nez qui éclate, avec un mélodieux bruit de craquement. Le sang en coule abondamment et noirci le drap immaculé. Après une nouvelle série d’assauts forcenés, elle perd conscience. Ses yeux se ferment. Je peux enfin jouir tranquillement, son regard ne me trouble plus. Alors, je la lime de plus belle. Mes coups de reins s’accélèrent. Puis, je me tétanise, éjacule dans ce corps inerte quelques gouttes de spermes, mais…. Les yeux de cette salope d’Anna sont ouverts, me narguent, me transpercent. Mes poils se hérissent, la haine fait courir un frisson étrange. J’attrape violemment sa gorge pleine de sang et serre de toute mes forces : “Crève ! Anna, crève !“.
Les convulsions animent un temps son corps, la terreur, ses yeux, et puis, en un instant, plus rien et deux filets de sang perlent à ses lèvres. L’agression dans ses yeux laisse place à une expression de paix. Je respire un coup, le calme est revenu dans ma tête. Je me retire d’elle. Je prend l’oreiller sous sa tête, m’essuie les caillots et le sperme sur mon sexe, puis le dépose sur sa figure, afin de masquer son regard. Une fois rhabillé, je sors de la chambre et laisse la porte ouverte. Qu’on puisse admirer mon œuvre, cette fin. Amusant, je n’aurais cru que la fin du voyage me permettrait d’être créatif…. Artiste même !
En roulant à tombeau ouvert, je mets la radio. Coïncidence troublante : ils passent “Les yeux de ma mère“, titre d’Arno. Quand j’y réfléchis, cela reste le seul regard qui ne m’a jamais troublé. Peut-être parce qu’il était pur et désintéressé. Qui sait ? Personne ! L’odeur des sécrétions d’Anna, encore présentes sur mes doigts, m’agresse par surprise, me révulse. La sensation attaque mon cerveau comme un coup de couteau. L’odeur de mort se diffuse dans mes veines, crispe mes neurones, brûle mon estomac. Je commence à voir des étoiles, puis plus rien. Ma tête devient lourde, trop lourde. Je perds le contrôle de la voiture. M’écrase contre un arbre. Et sombre. Le choc a été violent et je reprends peu à peu mes esprits, car une autre odeur a pris le dessus : celui du siège qui crame et d’essence. Je m’extrais difficilement de la voiture, gêné par l’airbag. Parcours quelques mètres, tombe, épuisé par les événements et perd connaissance. Je ne sais pas si ce sont les voix des flics ou les bruits d’explosions de ma voiture, prise sous les jets d’eaux des pompiers, qui m’ont réveillé en premier. Peu importe : je suis en vie. Au bout de quelques minutes, je commence à discerner les paroles de l’agent : “Que s’est il passé ?“. Alors, pris dans mon délire, je raconte la soirée, la pipe, la baise de forcené dans l’hôtel et l’odeur de mouille funèbre.
Pris d’un accès violent, réalisant ma connerie, je dégueule sur le flic. Tranquillement allongé sur mon matelas, je finis de me branler en repassant la nuit dans ma tête. Quel pied quand même ! Ca en valait presque les conséquences ! Puis, j’essuie ma main sur le mur de ma cellule, bien maculé de spermatozoïde.
Deux ans déjà, comme le temps passe vite. Le tribunal a jugé mon cas de folie passagère. Quelle bêtise de rabaisser ainsi mon œuvre. Mais, mon avocat m’a précisé que c’était plus simple. Que cela soit ainsi ! Le psy qui me suit m’a conseillé de me masturber devant un miroir, en me regardant dans les yeux. Cela devrait m’aider à combattre ma pathologie au moment de l’éjaculation. C’était si simple que cela en est insultant ! Faire l’amour avec moi-même, plus de gâchis.
Fin provisoire…