Les souvenirs sexuels sont des coarctations aortiques…
Quatrième partie
“L’heure est au zapping émotionnel, l’ère de l’Homo Consumericus, une espèce de turbo-consommateur décalé, imprévisible dans ses gouts et ses achats, largement affranchi des anciennes cultures de classe, à l’affût d’expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie et de santé, de marques et d’authenticité, d’immédiateté et de consommation”.
Gilles Lipovetsky
Hier soir je prenais un pichet de rosé plutôt tiède dans une pizzéria, à la table de gauche, une blonde bronzée portant un haut noir et un collier ruban autour du cou, en face d’elle, une magnifique métisse moulée dans un jean’s Diesel ; entre nous par moment, une serveuse approchant la quarantaine, également moulée, massivement vulgaire… à quelques mètres, deux autres filles, une blonde aux traits fins, une métisse aux cheveux asymétriquement plaqués.
Devant moi, un menu, une foultitude de pizzas.
Bouillonnant en moi, un nouveau monde, fait de pâtes classiques et de culs à découvrir, de napolitaines et de françaises, avec ou sans anchois et des palpitations frénétiques; l’hyperconsommation, le devenir au présent. De la rencontre comme du loisir, de la blonde post ado, de la pré-trentenaire effarouchée, de la petite bourgeoisie rondement engraissée à la prolétarienne métissée, toutes sont là, présentes, intéressées, atteignables, consommables.
Pourquoi n’en choisir qu’une. Le sentiment d’attachement comme mutation d’un hypothétique amour : un graal périmé. La lenteur d’un quotidien du couple, la vieillesse comportementale du binôme sexuel contrastent avec la fulgurance des comportements hédonistes d’aujourd’hui.
La longévité du couple du XXème siècle n’était qu’une conséquence d’un modèle patriarcal, d’une domination masculine psychologico-financière, d’une belle bite fière encore bien raide. Paradoxalement, le couple qui dure, qui fonde et rassure, devient plus que jamais la chimère qui va stabiliser les peurs. L’idéal d’une relation pure et durable, le modèle social à tout prix. Quitte à en oublier les moyens, seule une belle fin compte. J’ai pris une pizza 4 fromages, en attendant de les baiser toutes, une par une.
“Mon cher enfant, aucune femme n’est géniale. Les femmes appartiennent à un sexe ornemental. Elles n’ont jamais rien à dire, mais le disent avec le plus grand charme. La femme représente le triomphe de la matière sur l’esprit, et l’homme le triomphe de l’esprit sur la morale.“
Oscar Wilde.
Et puis voilà. Une journée qui paraissait banale. Une forme, des cheveux, un profil. Loin d’imaginer qu’elle se tiendrait là, en face de moi, à dix, cinq, puis deux, et top. Elle attend son repas, dehors, là ou on vend à emporter. Elle c’est tout à la fois. Aujourd’hui c’est un coca et une barquette de frites. Vivre dans l’image, dans le souvenir, dans un temps arrêté il y a quelques années. Une photo, une seule suffit. Je m’arrête, dégaine mon téléphone comme une consistance là, tout de suite alors que je rapetisse chaque seconde. Sa tête va fatalement tourner. Et moi je vais en mourir aussitôt. Les secondes passent… Je reste là, suspect, accusé, levez vous. Quelques minutes passent encore, si longues, si lourdes. Me voilà face au passé : le plus grand de mes prédateurs. Ma jambe gauche meurt en premier. Respiration. Son attente traîne, j’ouvre les yeux. Là, ce mélange de colère et d’odeur de frites. Là, 37° à l’ombre et moi, juste froid.
Je m’avance. Nous parlons. Je ne suis que des yeux, je ne l’entends plus. Elle est là, elle. Elle qui a vieilli, atrocement marquée. Elle qui s’est laissée allé, elle et ses nouveaux kilos, là, et puis là, là encore, ses bras, ce ventre, ce haut minable, cette jupe marron douteuse, ce cul qu’on constate plus qu’on ne devine.
Large, gros, mou. Ce teint terne, cette carence martiale comme nos mots, ces voix stressées dans un flot de banalités propres aux anciens amants qui se rencontrent par erreur, dos au mur. Ce portrait idolâtré depuis des années, la chute. Enfin. Elle est une autre et pire, elle est Elle… et je suis un autre.
Une longue journée et la preuve de la nocivité des extrêmes. Je passe 10 heures en compagnie d’une blonde victime d’hypertrophie mammaire. A en être trop gâté, on en devient confiné. Coupable d’une peine sans maîtrise : les laisser aller là, sans contrôle aucun, sur le bord des tables et du désir. Alors les coutures se tendent et le coton imite des vergetures flanchant déjà là, et puis là, bientôt là aussi. Et la ptôse règne dans les lobes et les lobules. Entre la troisième et la cinquième côte, mes yeux et des glandes. Impitoyablement aspirés. Impossible d’en tourner le regard, celle là qui boit son coca light a passé une journée sans tête. Ses yeux sont bleus ou marrons, probablement.
Ce soir, un appel filtré, Assia, comme hier déjà. Cette jeune femme s’ennuie. Métisse délicatement aguichante. Elle prenait ma bite en main il y a un an, là comme ça, quelques minutes entre amis d’amis, et se présenter surtout. Un second appel ce soir. Un deuxième refus, et une excuse de trop. Elle n’appellera plus, sera certainement indisponible si je change d’avis. Juste parce qu’il le faut. Quelle drôle de sensation de dire non. Délicate situation. Légère tension.
Malgré une soirée agréable, l’habitude d’entendre cette fille devient un manque pernicieux qui fait lever de table. Pourquoi rien. Pourquoi quelque chose.
Appeler pour entendre, écouter pour comprendre. Il y a pourtant bien un cul derrière ce micro, talent de le faire oublier. Dans l’attente, ce mélange rassurant de frustration et de désir, un semblant de maîtrise fantasmée, un doute objectivement sain. Je passe ainsi d’une pièce à l’autre accompagné d’une simple voix des heures durant. Assia quant à elle, est finalement venue hier soir, de rose bonbon vêtue. Un bonbon mou légèrement humide, emballé presque ouvert.
L’omniprésence de sa poitrine : une plaidoirie suffisante pour oublier le boudinage en règle de cette robe usée qui devait un temps être à sa taille. Le reste ne fut que banalités et maux de tête.
En règle général, l’insomnie vient du tourment ou de l’excitation. Pour les plus chanceux, des deux réunis. La raison est triple si l’on ajoute de l’exogène comme un moustique. Dans ces moments, une nuée de pensées jaillissant de nulle part rebondissent contre les murs, dans ces moments, le lit est au centre de la pièce. Chaque seconde allongée dans l’œil du faisceau démoniaque emmêle les temps pour créer en chaque certitude un doute. Le sol est immobile.
Je vais sur le web me fatiguer à coup de dopamine. Après une certaine dose de films x, une profonde sodomie ressemble à une carte météorologique, une énumération de températures, et 22 à Strasbourg. L’excitation est profondément incompatible avec l’habitude. Moi je ne dormirai pas. Anna m’envoie à la chaîne un mail midi et soir, à lire comme on avale un gros comprimé effervescent sans eau. Ses phrases ruissellent de mots d’espoirs. Ainsi, le soleil, la vie ensemble, les étoiles, le prince et l’amour sont les virgules et les points d’une sémantique étrange. L’unilatéralité transforme le sucre en aspartame et la lecture prend un goût d’écœurement. Celui d’avoir créé cette situation, créé de l’inutile avec du rien. Cette avalanche de mails pour ne pas oublier, un lancinant programme de propagande partiellement efficace. Ne pas oublier le futur sans elle, ce sera dur de lui expliquer. Pour vivre une histoire d’amour, il est inutile d’être deux. L’intensité est d’ailleurs à son paroxysme quand ce sentiment devient unilatéral. De l’amour non partagé, du désir frustré, de l’indifférence à hurler à chaque silence. Un non alors que notre être entier demande pour vivre un simple oui, un non comme un attentat, un meurtre de 3 lettres alignées, une cicatrice à tous les degrés.
J’ai revu Anna mercredi. Voilà. Amincie, presque bronzée, fraîchement rentrée de Russie. Elle se blottit dans mes bras en tremblant de longues minutes.
Des retrouvailles. A ce moment précis, je suis un démon qui pense ailleurs, à quelqu’un d’autre. Elle tremble quand j’attends simplement que mon portable vibre. Un monstre, mais bronzé. Elle est là, maintenant, dormant sereinement dans mon lit. Jeune et terriblement belle. Elle a 30 ans, toujours.
Dans la nuit, des bouffées de tendresse, des sanglots de “mon chairi comme tu m’as manqué“, pire, je réponds sans savoir si je mens. Dans ma nuit, des cauchemars de rééducation massés par des idées de timing glauque. Si elle est a sa place, c’est bien moi qui n’ai plus rien à faire dans mon propre lit. Cette constatation devient récurrente. Je suis une chambre d’hôte. Qu’est ce que je vais faire de nos vies. La logique serait une destruction rapide et violente de ce petit nous qui penche d’un côté. Un couple : une balance affligeante ou chaque mot, comportement, réaction, sont autant de poids d’abord légers, qu’on pose immuablement à la recherche d’un équilibre fictif. Trop d’elle ou pas assez de lui, trop d’explicite, de démonstratif, une sémantique mal adaptée, une autonomie et sa dépendance, fuir ou suivre. De quoi écrire de multiples John Gray. Quand Mars veut juste baiser Vénus, on évite beaucoup de problèmes.
“Quant au couple, avec la sphère pour emblème, il lui reste à expérimenter au quotidien le destin de l’autiste, refermé sur lui-même, prisonnier de sa nature, contraint à tourner en rond sur soi, à multiplier les répétitions onanistes et les réitérations solipsistes de l’animal en cage. Le couple invente la giration répétitive du derviche tourneur. Et interdit tout autre mouvement que les rotations sur place. Considérer la sphère comme modèle du couple instruit la plupart des névroses que l’Occident génère en matière d’amour, de sexualité ou de relation sexuée. Car quêter une perfection substantiellement inexistante, viser un leurre, conduit sûrement au désenchantement, à la désillusion, lorsque cessent les enchantements factices du début et les illusions pénibles de la suite.”
Michel Onfray
Il y a des filles qui se font insulter dans la rue, celles qui se font suivre, siffler, klaxonner, celles qui ont un mot sur leur pare-brise. Et puis il y a celles qui donneraient tout pour vivre une seule heure, un seul trajet, la vie des premières. Les acteurs et les spectateurs. Une vie et combien de procurations.
Moi, pour l’heure, je me remets de mes émotions, comme un tour de grand huit. On attrape des peluches avec de grosses pinces, on carabine les cartes, on autotamponne des prénoms, et puis une fois, on se fait peur. Monter sans attaches, la tête à l’envers. Nu, blanc, presque vierge. La facilité de l’acquis parfois, comme un coussin douillet. Des gestes offerts. Un bras qui caresse, une bouche qui suce. Anna s’amuse et chahute, je remue. On peut faire un couple avec ça, sans doute, celui du pauvre. On ne parle pas, elle me regarde. Et puis le contraire aussi. Les bases d’un échange, sans doute, celui du pauvre. Ce soir, elle boit une demie bouteille de rhum, apprends le terme deepthroat, reconnaît Sylvia Saint et Jenna Jameson, puis danse dans le salon devant un clip de Shakira, mieux qu’une pute du nord de Benidorm. On peut faire une nuit avec ça, pas de doute.
Ahhhhhhhh !!! Benidorm ! Voila. Voila l’horreur. Un des coins les plus laids d’Europe. Benidorm. Y tenir 8 jours entre l’exhibition hors du commun des caractéristiques codifiant les beaufs de part et d’autre venus se retrouver là, partager l’exhibition de ventres et de graisses dégoulinantes des trottoirs aux plages. Ici, des cheveux dans la nuque et des matelas gonflables jusqu’au plus profond recoin d’un 4 étoiles, là, des odeurs transpirantes, des culs oubliables.
Ici, l’inimaginable. Y tenir 8 jours ? Impensable. Les enfants crient, et plus fort qu’ailleurs, on siffle, beugle, hurle et le port d’arme est interdit. Pourquoi moi ?
Comment ont-ils fait pour en arriver là ? Comment se retrouvent-ils tous ici à bouffer des moules-frites et des steak-frites avec une pinte de bière belge ?
Ici, la pollution, le bruit, et ces tours immenses colorées jouxtant les plages. La capacité d’adaptation s’arrête à mater du fion jeune aux hanches cambrées, exagérément bronzées, les filles d’ici offrent le soir des tenues indécentes à souhait.
Du micro short au demi boxer en passant par de la mini jupe…, toujours avec du cuisseau à perte de vue. Du jamais vu. Ainsi, déambulent gaiment des poitrines espagnoles et flamandes découvertes, perchées sur des talons vertigineux, sous les yeux de buveurs de pinte a 1€uro. Ici, on montre sa croupe le soir sans incident social ni malaise. C’est peut être ça après tout, Benidorm. Ici on ose tout, le meilleur et le pire. Et si le pire prend de multiples formes la journée, son revers tend la main dès le soleil couchant pour boire les premiers verres jusqu’au petit matin, des grappes rarement sauvages sans aucune frontière linguistique, tant que c’est flamand…
Je bois sans oublier. Des détails, des acras de chairs, des regards, des courbes, tout reste au matin, pire, tout reste le soir même. Etre là dans l’instant, parfaitement réel. Une première fin. Je ne baiserai sans doute plus de filles moches. Je baiserai sans doute moins. En Espagne 4 rencontres, dont deux payantes. Se retrouver là, au club Cocktail de Benidorm, entouré de putes étrangères. Là, malgré des records d’abus, il est 4 heures du matin.
Une fille s’approche. Moi je suis seul. Assis dans le presque noir, dans le presque intense. Il était une fois dans le Nord de Benidorm… Ici tout est clair pourtant, ici, un ukrainien me tend un papier, une grille et des cases, des prénoms de filles, des boissons. Nous sommes tous des croix. La première est Samia, marocaine, parlant poco français, 70 euros, 30 minutes, aussi froide que ces chiffres. La seconde Lucia, russe, parlant mal espagnol et anglais, elle mime en plaisantant, ici la langue est universelle, la chambre est petite, elle y vit. Sa gorge est belle, profonde. 80 euros, 40 minutes : 100 euros un complet d’une heure ! Ici on échange du procédé, on rencontre les mondes. Sa peau est douce malgré mes euros sur la table de nuit. Elle me regarde de face comme de dos, blonde à longues couettes. Faites pour moi et eux.
Ici, embrasser est pornographique, alors on jouit sur des visages ou entre des seins. Nous descendons de la chambre main dans la main. Rien n’a de sens ici.
Elle se serre contre moi, c’est bon, mais se serre trop fort, c’est une pute qui raccompagne son client. Yuri hoche la tête, et commande ma voiture. A la porte avec l’ukrainien, nous parlerons le temps d’une arrivée de Taxi.
La solitude abyssale qui suit équivaut à 15 minutes de trajet entre le nord et le centre de Benidorm, la tête collée à la vitre d’une Passat Break noire, quelques arbres et des tours, qui filent avec moi. Pourquoi sourire à ce moment précis. Je ne sais plus. On ne pense plus à cette heure. Le chauffeur écoute Ella fitzgerald, Summer time. J’ai acheté Biba, Elle hors série “Nos 100 looks préférés“, Cosmo… Anna est allée chez Zara, Lola, Mango et Kookai. Moi j’ai suivi.
J’ai suivi parce que je relooke en totalité. J’ai suivi parce que le b-a b-a, c’est laisser penser à l’autre que l’idée vient de lui. Jouer avec les ficelles et les cabines d’essayages. Le résultat est convaincant : 520 euros en 2 heures. Entre les petits tops chocolat et les jean’s slim, on la regarde passer. Trop.
Le monde la dévisage, on plaisante sur son passage, souvent les mecs plutôt petits accompagnés de grotesques truies gavées de cet humour qui flirte avec le 42/44. Mais le plus inquiétant sont ces jeunes femmes extrèmement attirantes qui regardent le mec accompagnant cette fille. Le plus inquiétant est que sans le savoir, Anna me donne plus facilement accès aux autres. Qu’on me regarde plus, qu’on me suit des yeux à se demander pourquoi et comment je l’ai eu. Aujourd’hui, on m’a analysé. Aujourd’hui, j’ai touché du doigt une qualité féminine complètement absente d’un cerveau de mâle.
L’imagination. L’embrigadement relatif du couple aurait donc dans sa matrice, sa propre perversion, une porte de sortie, à l’unique condition que la fille choisie soit profondément séduisante voire jalousée des regards d’autres femmes. Il n’est donc pas suffisant d’être une très jolie apparence pour voir s’éloigner les risques de coucherie adultérine. Il est même possible que cela en desserve certaines, en attirant et créant elles mêmes, leurs propres rivales.
Anna, tissu cintré et service rendu. La promiscuité et cet état de sérénité passive commence à m’épuiser. On s’enfonce facilement dans un matelas trop moelleux. On en profite, on s’y laisse bercer par une totale inaction et un refrain déjà au bord des lèvres. Converser, échanger, raconter, communiquer.
Un devoir. Moi, j’apprécie de plus en plus le silence post coïtal. Plus les filles rencontrées sont jeunes, plus leur “pourquoi” est manié avec entrain, leur “comment” cadencé et leur “ça va?” qui n’a pas encore connu de dynamiques effets pervers, immodéré. Elles veulent juste bien faire, pourtant.
La fille jeune, appliquée, tente encore souvent la fusion comportementale. La différence comme défaut et danger. D’anciens contes d’adolescentes, un fossile génétique social, une préhistoire jouant du prince et de la princesse comme on fait gamelle au baby-foot. Le prince est ressorti. Restent des mecs de bronze, d’argent et d’or. Et l’attente.
On a plus tous ces soucis avec les post trentenaires. Leurs trente glorieuses sont révolues. La recherche du mâle se vit généralement à grand coup de béquilles psychologiques. Etre rassurée par l’extérieur et par le dessus pensant, Bridget Jones, Sex & the city, Desperate Housewifes associent à la presse féminine une nouvelle normalité, une nouvelle modernité. Des pansements comme autant de saisons en Dvd. Créer pour oublier. En général, dans cette tranche d’âge : un grandissime jeu de Mikados, imbriquées entre elles, copines de célibat, victimes de multiples passés, ressurgissant ou pas.
Il y a du Cube la dedans. Mais quand on y pénètre, il y a Burton et Cronenberg. Le soufflet d’idéal est souvent retombé, et la divagation relationnelle, de rigueur. Passé 30 ans, un peu d’odeur du père, de ressemblance dans le cv, de “ce mec me fait rire“, puis quelques verres. On secoue le tout un soir, et on attend un SMS le lendemain. Mais si la réussite d’une nuit ne demande qu’un compromis passager, l’obtention du réel pouvoir sur ces femmes est une course de fond dont le but semble être celui de faire ressurgir tout ce qui a été volontairement et par dépit oublié.
Une sorte de Prince. Une sorte de princesse. Une sorte de rencontre. L’envie d’un scénario parfait. Parler directement à la femme ensommeillée, gavée comme une oie d’espoir frustré. Répondre aux attentes, un full time job. Ici du blanc, ici du noir. Là, tout est étrangement gris, taché, difforme. Complexe.
Une regurgitation paresseuse. Avec tristesse, constater que l’absence de désinhibition rend les soirées contrôlables, et donc ennuyeuses. Avant minuit, les gestes calculés, les paroles maitrisées. Toute une communication et son système. Les gens mangent, échangent et se plaisent dans la retenue. Le regroupement s’organise autour de sujets classiques ou se mélangent actualités, travail, anecdotes, nouvelles de fréquentations communes. Certains cherchent même à être sincères, pire, à s’intéresser aux autres dans le simple but de partager. Le moment est long, principalement alimentaire et les stimulations basiques, d’ordre visuel. Celui à ma gauche veut pourtant simplement baiser celle d’en face, sans rituel. Elle donne longtemps l’impression de ne pas s’en rendre compte. Elle a plus de 25 ans.
La seconde partie de la soirée dévoile les bas instincts. Il faut donc de l’artificiel pour accoucher sans douleur d’un réel qui couvait, là. On oublie les cv, les responsabilités, et le mouvement entre en scène. Une nature envahissante. Quand l’artifice ordonne le réel, quand l’éthylisme reprend le jeu en main, les regards se dilatent enfin, on se frôle. Sous la musique une main contre ma bite. Des doigts boudinés aux phalanges larges. Les dos se tournent aussi vite qu’ils se font face. La bride, pudeur d’un hymen social est enfin déchirée, restent des mammifères. Encore un peu et les odeurs de corps englués envahissent cette animalerie ; les gens en cages dorées sont déjà rentrés chez eux. Le sentiment de liberté explose avec l’absence de repères. La vulgarité remplace l’ennui maitrisé, des langues un peu partout autour, moites et avides de reconnaissance.
Je rentre sain et sauf, décidément passionné de beauté intérieure. Malgré Atarax, Stresam, Tenormine et une fine paille, ces quelques jours furent éprouvants. Sans doute trop. Prendre sur soi, une désagréable sensation. Les centaines de jupes courtes et leurs jambes minces n’ont rien rattrapé, les matins sans érections s’enchainent dans une morosité caféinée et cravatée. Les costumes mal taillés déambulent sacoches noires en main dans un stress ambiant pesant ponctuellement temporisé par un Mickey géant. Borderline. Le monde dehors attendra. J’en oublie même de me masturber quotidiennement. Les plénières sont un rassemblement de 600 mannequins C&A claquant des mains sous un générique. Et le monde tourne toujours.
Longs en centaines de mètres, les couloirs enchainent les chambres et les pétasses pré-trentenaires, mais j’y suis seul passé minuit, sans lumière au bout.
Une nouvelle recrue, au nom de Céline, m’entoure la taille au moindre mot échangé. Ses traits grossiers entachés de rousseur s’oubliant rapidement derrière la qualité idéale de mettre en avant ses atouts mammaires neufs de l’an dernier. Contempler cette fille prête à tout pour s’allonger sans questions.
Le regard fixe sur moi, avec une certitude sans raison, digne héritier d’un temps ou il suffisait à une fille moche d’avoir une grosse poitrine pour se faire sauter. Je ne la baiserai pas. Ce temps pourtant ne sera jamais révolu.
Son insistance visuelle et ses sourires conquis, un moment parfait pour foutre sa langue dans l’oreille de la première voisine venue, sans rien avoir à lui dire.
Il n’y a rien de plus désagréable que deux personnes se susurrant d’improbables phrases dans l’oreille, là, cachés sous une mèche de cheveux. Pire, s’y ajoute parfois une esquisse de sourire complice. Et l’imagination prend le relai fatal vers la frustration. Devant tous, ces deux personnes, cette débauche ultime, une nudité partielle savamment entretenue. Devant Céline, sourira de longues minutes la blonde Katia, et moi, léchant son cou de phrase inutiles. Quand il n’y a rien à dire, inutile de l’écrire. L’univers prend un ton rosacé depuis quelques jours. Il faut me sortir de là. Je n’en ai plus la force. Je vais m’assoir sur le bord d’un trottoir, tendre la main. Et faire la pute aussi, qu’on me sorte de cette maison close. Cet enfer envahissant, cette naissance, désormais extraordinairement réelle, d’une folle complicité. De celle qui nécessite le partage d’une couche et d’étages de réfrigérateur. Ces regards que nous seuls pouvons comprendre, ces instants loin des autres entre dessert et café.
Je le vois venir, ce futur niais qui tend la main à coups de “mone chairi“. Ces gens, ces commerçants qui m’appellent déjà nous. Qui parlent de moi à quelqu’un d’autre que moi. Je le vois celui d’en face qui attend de lire un second nom sur la porte. Ces mains dans les mains, ces tailles agrippées, ces pas calqués, quelqu’un sort de la monnaie quand j’arrive au péage. Trop. STOP. C’est trop. Le trop qui a pris forme. Ce trop, samedi, est devenu blonde. Un de ces trop de 28 ans, mince, sophistiquée, souriante, une frange asymétrique, un jean’s moulant, un petit top blanc. Je bois ses lèvres et ses yeux dans des secondes privées. Dans sa rétine pétillante, je me grave et me vautre, comme un dernier coup de rein hautain. Mon ADN entier dans le regard, et que cette conne le lise et comprenne, pitié. Qu’elle comprenne que je suis perdu, et qu’elle seule peut arrêter ce cirque. M’allumer un bon coup pour éteindre tout le reste.
Simplicité. C’est là, à coté d’Anna, c’est là, que cette envie doit vivre, entre une lampe Ingo Maurer et un fauteuil Mooi.
J’achète à cette blonde une MégaToloméo d’Artemide en parchemin ; cette tête blonde et son corps, ce corps à baiser, à baiser par moi. Dans le Off Kartell d’à côté, dans les Louis Ghost ou sur la table basse Gae Aulenti. Se voir en elle comme une implosion de limpidité. Sorti de moi, ce trop. Un monstre de naturel. Je l’ai attirée dans les toilettes du magasin, ou est-ce l’inverse ? J’ai poussé sa tête parce que ma queue ne disparaissait pas entièrement dans sa gorge. Je l’ai enfoncée jusqu’à entendre ce prémice de régurgitation, suivi d’un léger début d’étouffement. Il manque encore deux centimètres, peut être trois. Le filet de salive était opaque. Je suis bien, maintenant… Le mal se rapproche. Consommé avec une vendeuse blonde il revient sous les traits d’une brune. Il revient et nécrose déjà la fragile possibilité d’un compromis. Le concept fidélité souffre par fulgurance, bientôt il sera trop tard.
9 heures c’est la rencontre de Séverine, son tailleur noir, ses talons fins, ses yeux verts. 9h15 dans ce bar de quartier, et l’adultère commence déjà entre le lobe droit et le gauche, quelque part une connexion, quelque part une information électrique : l’idée de grimper tout en haut du ponton, l’envie de plonger.
En dessous, une Séverine. La jolie brune est ouverte, précise que sur cette carte qu’elle me donne, il y a également le numéro personnel griffonné rapidement. Le numéro qu’on appelle quand le labeur est fini, quand le temps est au loisir, au laisser-aller, au plaisir. Celui là même qu’elle m’offre en le répétant 2 fois. Numéro personnel. Elle me prend de court, propose un déjeuner demain, envoie son premier SMS vers 11h. Le temps n’est plus aux filles sauvages. Les manœuvres sont terminées. Le temps est au furtif, au simple. De l’homéopathie, et baiser des granules. Vivre de l’innocuité.
Severine est venue, sans cheveux, mais avec des cuissardes. Severine les porte désormais courts, trop courts. Petite conne. Je suis d’abord déçu mais le reste de son corps me fera finalement passer un bon repas. Le déjeuner s’écoule, et avec lui la certitude que les femmes jeunes sont désormais à privilégier. La femme jeune ne questionne pas, ne doute pas, la femme jeune parait, se raconte et se vend en oubliant totalement l’autre. Un bonheur. Sa peau est lisse, tendue, élégamment maquillée. Son cul visiblement ferme parce qu’elle a fait beaucoup de sport, Séverine. Y compris à haut niveau. C’est incroyable comme chaque fille de 20-25 ans semble avoir fait du sport sérieusement, avant. Et puis, ça finit en face de moi, avec des souvenirs de compétition à raconter.
Il suffit d’avoir l’air intéressé et de manger proprement. Insister sur un regard de temps en temps. Cette fille a 25 ans, j’oublie de dire mon nouvel âge.
Severine danse, la Salsa principalement. J’oublie de préciser qu’à moins de 400m, Anna nettoie l’appartement. Elle y danse aussi. La charlotte aux abricots est douce au palais, fondante. Severine brille. Je me demande depuis combien d’années je ne connais plus la culpabilité. Je suis un vrai salaud de mec…
Piting ! Ca fait du bien… Je suis un salaud pervers… J’ai ramené Séverine chez moi… Avant d’entrer, je l’ai totalement foutue à poil, mais avec ses cuissardes…
J’ai posé une main sur ses fesses, puis volé ses lèvres. Anna est venue tout près, Séverine lui a caressé les seins. Là, dans la chambre. Dans une autre pièce, j’ai embrassé Séverine et Anna qui se donnaient beaucoup de plaisirs… et moi aussi. Encore. Elles étaient deux. Quelques secondes suffisent pour être trois.
Elles m’ont offert un trait dans le noir. Anna m’enlace. Je suis un être illégitime. Une imperfection parfaitement aguerrie aux gestes de destruction.
Valsent dans les têtes Séverine et Stéphanie, Claire et Anna, et d’autres, en simples pensées. Je m’agenouille, décomposant les amuse-bouches, par voix orale, presque sans bruit, dans le reflux visqueux de l’habitude. Et on s’endors à trois…
Les points de ruptures sont autant de dualités entre stress et rejet total de toute activité travaillée, entre coït sentimental et masturbation désordonnée.
Ejaculer avec une proposition circonstancielle de lieu variable, c’est mieux. Dans l’improbabilité d’un choix, j’attends. Une attente en courbe, au paysage mamelonneux. Osciller entre travail et négligeance, entre désir altruiste et plaisir facile. De la satisfaction irrégulière du même corps, et une petitesse mammaire qui déjà attire ailleurs. Le priapisme mental absurde est né de possibilités mort-nées, de rencontres sans lendemain, pire, sans soir. Faire bon usage d’une journée complète, vite. Une heure complète peut s’écouler sans l’ombre de la moindre envie. Une simple éjaculation, ensuite le regard vide.
Toujours une question, juste là, après cette giclée banale. Est ce que je ne viens pas de définir l’injustice ? Pourquoi tous ces moyens pour cette fin ? Pourquoi en être arrivé là, avec celle là ? Pourquoi encore elle ? Pourquoi rester ? Déjà passée, déjà faute grave, déjà parti. Ainsi, dans le tourment, la quête est une traque. Chaque éjaculation est une question à la réponse aussi soudaine qu’une crise d’épilepsie. Une décharge cérébrale là, qui en suit simplement une autre. La poésie est morte.
La multiplication des expériences pour une équation. Et s’il y avait une réponse différente. Peut-être. Et si toutes les questions suffisaient pour excuser une giclée de solution.
Mieux ?
Me branler entre deux femmes nues qui dorment dans mon lit, l’une porte des cuissardes, 25 ans, et l’autre a les poignets menottés, 30 ans…
Je suis un salaud de mec, à elles deux elles n’atteignent même pas mon âge !!!!
Suite sur le prochain panneau…