L’extractivisme généralisé…
Sans le savoir, le désirer ou même s’en rendre complètement compte, les infos Fake-news en continu sont devenues un art de l’eschatologie. Arpenteur des ruines, rescapé des pires catastrophes, dernier espoir de contrées exotiques agonisantes, de pseudos journalistes passent leur vie (surtout leurs nuits) à œuvrer pour que celle des autres dépérisse, engloutie par une apocalypse toujours renouvelée et ludifiée.
Si les inquiétudes sont le lot de toutes les générations, jamais le futur n’aura autant été autant rempli de craintes et de sueurs froides qu’en TV, un nouveau monde où les boomers font encore bombance en se moquant de la sobriété, et où les jeunes font grise mine. L’opposition entre le barbon porté à morigéner le présent et une jeunesse frémissante d’impatience et d’ennui est un classique de la comédie depuis des millénaires.
Mais on constate, ces dernières années, une inversion de ces stéréotypes, inversion dont la signification éclaire peut-être notre rapport au temps, et les temps que nous vivons… Les études électorales le montrent, les vieux votent “nouveau monde” par intérêt patrimonial bien compris. Rentiers, jouissant de leur retraite, ils approuvent l’allongement de la durée de cotisation.
Mais frileux, ils approuvent “l’ordre, l’ordre, l’ordre” comme aux plus belles heures de la “révolution nationale” ; dispendieux des ressources communes, ils se moquent de la sobriété et s’émeuvent de toute ‘radicalité’ écologique à l’instar de leur tête de gondole – le fringant vieillard qui s’est fait le porte-parole de leurs bas de laine, le faux jeune qui ne jure que par les solutions, déjà obsolètes à l’époque, de la fin des années ’70.
Quoi donc ? Des phases de réaction contre le keynésianisme et une écologie politique en pleine efflorescence… Le “nouveau monde” et son idéalisation béate d’un avenir technophile vit à crédit et à tombeaux ouverts, lancé à pleine vitesse vers le néant que l’on nie à longueur de discours officiel et d’éléments de langage marmottés sur les plateaux TV : la “croissance” reste l’horizon de ceux qui ne savent qu’extraire, accumuler, consommer et dévaster.
Contre cette danse macabre, les jeunes les plus conscients s’engagent pour la protection du vivant, contre la dégradation du climat et refusent de plus en plus souvent d’avoir des enfants. Quelle pitié, s’émeuvent les jet-skieurs amateurs de LBD : il faudrait que tous ces jeunes ambitionnent d’être milliardaires ! Ils tireraient la société, en bons premiers de cordée, et leur argent ruissellerait, selon cette croyance que plus personne ne prend au sérieux…
Sauf au gouvernement… Front renversé, donc : les boomers font bombance avec leur petit fondé de pouvoir, et les jeunes, les vrais, font grise mine. Bref, nous vivons une crise de l’avenir, sans précédent ni comparaison. Les inquiétudes sont le lot de toutes les générations, certes – l’espèce humaine, par sa conscience du temps qui passe, est l’espèce inquiète par excellence – mais jamais à ce point-là. L’illusion d’une liberté sans limites est finie.
Les grands capitalistes comme Bernard Arnault et François Pinault ont mis la main sur le marché de l’art pour en faire un placement financier et nous imposer leurs goûts. En nous imposant leurs artistes, pour la plupart sans talents, si ce n’est celui d’avoir le sens du business, ils sont certains de faire fructifier leurs nouveaux placements.
Il en est de même en musique. Malcolm McLaren, en bon situationniste, pensait que l’art pourrait domestiquer l’argent mais c’est l’argent qui a domestiqué l’art. Les métaux sont rentrés dans le Temple. Cependant, il existe des villages d’irréductibles gaulois.. Invoquera-t-on les années 30 ? On y trouve l’inquiétude économique et la désespérance sociale, l’anxiété internationale et la peur du fascisme, assurément.
Mais aussi des espoirs et des espérances dont on peine à trouver l’équivalent de nos jours : la grande lueur à l’est était une réalité concrète, intensément vécue, par des dizaines de millions de fervents de la cause soviétique qui, partout dans le monde, communiaient dans l’eschatologie communiste mais aussi dans l’ignorance des crimes de Staline, qui a méthodiquement trahi et gâché tous ces espoirs.
Pour d’autres, il y eut cette utopie concrète et les avancées généreuses du Front populaire, riche de réalisations et d’espoirs en France, mais aussi dans tous les pays (Espagne, Chili…) qui pouvaient espérer dans les avancées sociales d’une gauche humaniste et internationaliste au pouvoir. Pense-t-on à l’an mil ? Il y eut quelques sueurs froides et angoisses de fin du monde, mais elles furent cantonnées aux clos des monastères et aux scriptoria des clercs…
Et surtout de ceux qui priaient, lisaient et écrivaient, sans que leurs hoquets ne débordent sur une population largement ignorante du comput calendaire et du millésime de l’année en cours, une angoisse socio culturellement très circonscrite, donc. Evoquera-t-on les années ’60, la peur de la Troisième Guerre mondiale et de l’apocalypse nucléaire ? Cette décennie est une candidate plus sérieuse à la comparaison…
En effet, les progrès de l’alphabétisation et de la diffusion de l’information la rapprochent de nous. Mais la peur atomique fait plus l’effet du frisson d’épouvante que l’on s’offre dans un univers serein pour en éprouver tout le confort, un peu comme on opte pour un film d’horreur en plein été : les ogives nucléaires et la crise des missiles de Cuba font figure de délassement (tout dépendait de téléphones de couleur rouge et de boutons fantasmés).
Par rapport au caractère universel et destructeur du dérèglement climatique, une constance notable, les “responsables” minimisent ou nient. Que faire ? Voter et lutter contre ceux qui ne jurent que par le pire du XXe siècle (méga-événements sportifs, football débilitant, fascisation rampante, consommation à outrance) ou du XIXe (extractivisme généralisé, culte morbide de l’argent, régressions juridiques tous azimuts), en nous refusant obstinément tout avenir…
Les jolies dénudées vous ont elles incitées à lire ce texte libérateur ? Je l’espère…