Burj al Babas est la concrétisation d’un rêve totalement fou…
Au cours des derniers siècles, les monarchies européennes ont beau avoir perdu de leur pouvoir et de leur influence sur la politique de leurs pays respectifs, leurs majestueux châteaux et palaces ont résisté au temps. Quelque chose dans l’extravagance et l’opulence incontestables de ces demeures leur confère un caractère éternel. Voilà peut-être ce qui a poussé les frères Yerdelen, entrepreneurs immobiliers, à faire construire un village tentaculaire et hallucinant de 732 mini châteaux, nommé Burj Al Babas, près de la mer Noire.
Burj al Babas, nouvel eldorado de clients fortunés…
L’idée semblait bonne au départ : les riches étrangers las des charmes du Sud de la France ou du Nord-Est de l’Espagne pourraient profiter du climat méditerranéen sur des toits-terrasses de style Gothico-Turc surplombant une luxuriante forêt turque. Sans omettre de parler du fait important que les promoteurs du projet, Sarot Group (dirigé par les deux frères Yerdelen et leur partenaire Bülent Yilmaz), ont choisi avec soin le site de leur petit royaume : la ville thermale de Mudurnu, célèbre et prisée pour ses sources chaudes et ses eaux réputées curatives. Les villas sont dotées d’un système de chauffage par le sol et de jacuzzis à chaque étage, gage supplémentaire d’un luxe à l’européenne au Moyen-Orient.
Burj al Babas victime de la situation politique et de la pandémie…
Et puis soudain : un coup d’État manqué a frappé le pays, suivi d’attentats terroristes, de la pandémie Covid et des vaccins plus mortels encore que le virus. Résultat, l’économie de la Turquie a été ralentie, les promoteurs ont été contraints de déclarer faillite. Investisseurs et acheteurs ont par ailleurs retiré leur argent du projet de 200 millions de dollars, anéantissant tout espoir pour Sarot Group de rebondir. La vallée parsemée de manoirs a pris l’aspect d’un quartier de carapaces vides et à moitié terminées. Mais les idées les plus loufoques fusent, souvent à connotations de déviances sexuelles BDSM…
Burj al Babas, nouveau village fantôme…
De loin, le lotissement de toits gris semble tout droit sorti d’un film de Disney, ou d’un conte de fées – La Belle et la Bête – mais, à y regarder de beaucoup plus près, Burj Al Babas dégage une étrange atmosphère post-apocalyptique, avec ses rangées de châteaux inachevés, son aménagement paysager parcellaire et son absence totale de vie. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le village désert fait froid dans le dos, à la manière d’une ville pleine de vie brutalement ravagée par une guerre bactériologique.
Burj al Babas, l’investissement du siècle…
A l’époque, avec l’achat d’un mini-château qualifié d’investissement, le dictateur Turc, Mr Erdogan, en personne offrait la nationalité Turque aux acquéteurs, sans compter que les promoteurs avaient appâtés les chalands en leur vantant les charmes des châteaux devenus quasi miraculeux grâce aux sources chaudes sur lesquelles ils étaient construits : “Le développement chevauche les sources chaudes de la région, et chaque mini-castle aura un chauffage au sol et des jacuzzis à chaque niveau, avec une option pour une piscine intérieure.L’eau thermale Turque peut être utilisée pour la boisson et la thérapie à la vapeur, c’est de la pure première classe dans le monde”, déclarait Mezher Yerdelen, qui ajoutait : “Vous pouvez boire les eaux et guérir les maux d’estomac et les calculs rénaux. Si vous vous baignez dedans, il guérit les problèmes de peau, les rhumatismes et les articulations”… Bref, c’était la panacée !
Burj al Babas, un cauchemar paradisiaque…
Des espaces verts ( très petits) et un centre commercial central (très grand et très laid) étaient prévus ; les frères Yederlen, propriétaires de la compagnie Sarot sont les promoteurs du complexe immobilier et c’est leur partenaire-architecte Bulent Yilmaz, qui a dessiné ce cauchemar. L’ensemble me fait penser à une cité pour seniors comme on en voit aux USA mais celle-là est réservée aux princes et princesses Disney qui ont bigrement vieillis… Depuis la nuit des temps, l’homme est un bâtisseur, de tentes, de maisons, de châteaux, de cathédrales… Pourtant, que penser des projet pharaoniques qui finissent par s’ensabler, comme ces autoroutes qui ne mènent nulle part, ces ponts qui ne relient rien er/ou ces vastes projets immobiliers abandonnés ? Ils s’inscrivent dans l’air de notre temps marqué par la folie des grandeurs, la corruption endémique, les ambitions politiques et l’appât du gain facile. Cela dit, la nature elle-même contribue à trancher dans le vif et là aussi, les cyclones, les inondations et les changements climatiques mettent en relief le besoin d’étudier très sérieusement la manière d’exploiter des territoires qui ne devraient pas l’être…
Burj al Babas, les grands travaux inutiles…
L’expression “grands travaux inutiles” qualifie ainsi depuis le milieu des années ’80, des réalisations imposantes qui se sont avérées a posteriori de plus en plus économiquement et/ou écologiquement contreproductives, superflues ou déficitaires. J’envisage de publier une petite compilation de ces structures inachevées qui resteront pour la postérité des mystères, mettant en jeu la capacité de l’être humain à entreprendre le meilleur pour n’en tirer que le pire…
Burj al Babas, un univers surnaturel…
Si vous êtes amateur d’univers surnaturels, vous savez sûrement que la Turquie est un pourvoyeur parmi les plus prolifiques d’histoires sexuelles des plus épouvantables et abominables, sur en tête, les fameux bordels Turcs d’Istamboul qui viennent en partie asseoir le pouvoir d’attraction de ce versant des cultures d’un monde en frontière de nos cultures occidentales, une vague culturelle mystérieuse, voire totalement sombre, y est incontestée. L’imaginaire des moustachus Turcs a littéralement pénétré l’Occident imaginant divers phénomènes spirites…
Burj al Babas, fantômes partout, réel nulle part…
Le surnaturel occupe tout l’espace de Burj al Babas, un monde quasi métaphysique incluant les sphères du sacré et une multitude de croyances païennes, esprits, divinités et autres créatures extraordinaires y sont innombrables et forment même communément un syncrétisme tout à fait assumé. Du fait de cet abondant socle culturel, l’ensemble de la société Turque se voit rigoureusement habitée par un monde fantastique et mystérieux, loin de ne concerner que vieux cimetières ou sanctuaires abandonnés, la Turquie est hantée de toutes parts de récits formant une esthétique fantastique nationale. Certains Turcs sont Toutefois de joyeux farceurs…
Burj al Babas remis au goût du jour par des artistes…
Certains alimentent les croyances populaires dans un foisonnant bestaire de spectres, monstres, démons et succubes se nichant dans les recoins des châteaux de Burj al Babas. Nourri aux histoires de fantômes à l’anglo-saxonne, l’Occident a cantonné les bâtis de l’épouvante à certains grands clichés topographiques. Châteaux d’aristocrates, vieilles demeures bourgeoises, cabanes dans les bois, hôpitaux/sanatorium/asiles et orphelinats, qui forment, avec d’autres édifices principalement abandonnés et ruraux, les hauts lieux de la hantise. Traînant ces stéréotypes hérités de légendes urbaines plus que datées, Burj al Babas pourrait ainsi devenir une métropole contemporaines occulte…
Burj al Babas, des ectoplasmes derrière les fenêtres…
Les spectres de la guerre, des catastrophes économiques plus ou moins récentes viennent nourrir diverses représentations modernes “à-la Turque” de la hantise, dans une réadaptation à la vogue de l’urbex. Généralement les villes-fantômes cultivent et renforcent l’attrait d’un certain public pour les lieux hantés. Malgré un folklore foisonnant et une histoire touffue, divers phénomènes intangibles seraient créés durablement dans les divers châteaux désertés.
A Burj al Babas le surnaturel ne naîtrait pas de légendes anciennes et des décors a priori lugubres, mais s’ancrerait dans la vie quotidienne, les châteaux étant habités par une multitude de monstres… et assujettis à toutes formes supplices sexuels…
Burj al Babas, deviendra-t-il un parc d’attraction sexuel…
L’idée d’en faire une ville “Bordel” a germé dans l’esprit de quelques aventuriers. C’est assez proche du pitch d’un bon nombre de scénarios pornos adaptés aux fonctionnalités de la Burj al Babas. Cela ne troublerait pas le quotidien des habitants puisqu’il n’y en a pas. Chaque château serait donc un bordel avec ses spécialités couvrant absolument tout les vices. L’ensemble du parc serait une propriété privée, chaque château serait comme une résidence sexuelle louée pour ses spécialités de sévices, à la journée où à la semaine ! Plus si affinités !
Burj al Babas, des phénomènes étranges…
La licence Yokai Watch, qui cartonne dans le monde entier depuis 2013 dans le jeu vidéo, pense qu’un quartier complet de Burj al Babas serait le pôle de direction des résidents occasionnels qui, à l’aide d’une sorte de montre connectée avec le monde des esprits, explorerait les pulsions refoulées infestées de monstres. Calquées sur un bestiaire de déviances et jouées dans le privé des châteaux devenant des espaces Metaverse, les pires déviances étant virtuelles, échapperaient à la répression. La progression du jeu ressemblerait à une fouille urbaine sans relâche de divers châteaux, servant de donjons 100% sexuels sado-masochistes amenant les clients à visiter les quartiers riches autant que les égouts. Finalement, ce serait une sorte de Pokémon en dérives sexuelles.
Burj al Babas capitale mondiale du tropisme…
C’est encore la licence Yokai Watch qui est à la manoeuvre, pour exploiter des œuvres plus anciennes comme les films d’animation Amer-Béton (2006) et Pompoko (1994) ou la série de bandes dessinées Kitaro le repoussant (1959-1969), chacune faisant évidemment écho à son contexte spécifique de création d’une communauté de dépravés sexuels transformistes organisés mal intentionnés s’appropriant les enjeux urbanistiques en détournant la totalité des dysfonctionnements des rouages urbains les plus triviaux (canalisations bouchées, coupure d’électricité), ou en réinterprétant les rapports de pouvoir inhérents aux processus d’expansion urbaine. En somme les résidents paieraient pour vivre un cauchemar perpétuel ! Les problématiques immobilières abordées par le prisme du fantastique. Chaque mini-château serait un lieu de débauche sur une déviance déterminée… J’ai fait remarquer qu’il y avait plus d’un millier de chateaux à Burj al Babas, il m’a été répondu que les Turcs et les Turques avaient beaucoup d’imagination concernant les déviances sexuelles.
Burj al Babas, créer une ville d’un autre monde. Question de Gatsby au promoteur…
-“Cher Promoteur. Chaque château de votre complexe a sans doute été pensé comme devant être une résidence d’un complexe hôtelier avec une scientifique gentrification des quartiers façon époque féodale mettant en avant le fantasme des bâtiments abandonnés comme théâtres de hantises. C’est aussi ancien que d’actualité. Ce serait intéressant de comprendre le procédé artistique incorporant le mythe classique de la maison hantée. Comme vous êtes le fameux et incontestable promoteur-propriétaire immobilier de ce complexe hallucinant, il est nécessaire que vous me répondiez !” …
Burj al Babas. Surréalisme Turc. La réponse du promoteur Mezher Yerdelen…
-“Monsieur Gatsby De Bruyne, j’aime les états psychologiques résultant des pressions que fait peser la cité sur ses habitants. Pour moi, ce qui est passionnant c’est de plonger au plus profond de la psyché. Dans la vraie vie, les passants contournent les territoires interdits. On alerte les voyageurs non-initiés, ou on fait mine de ne pas croire aux rumeurs… Sans jamais s’y rendre. Mon idée a été de les recréer pour que les amateurs de pratiques cauchemardesques sexuelles puissent vivre leurs fantasmes. On détermine d’avance des “No-go zones”, une véritable géographie de la frayeur se forme ainsi localement. Chaque recoin sombre pourra être le refuge d’un spectre cruel et de pratiques abominables ! Et les innombrables légendes urbaines qui rapporteront leurs méfaits ne feront que distiller une angoisse souterraine. Les fantômes ne vengeront pas une injustice, comme les ancêtres, mais seront la métaphore d’une maladie sociale et d’une menace pour l’humanité. Ils frapperont au hasard, aveuglément. Les hantises circuleront ainsi par contamination. Cela vous va comme stupidité ?”…
Burj al Babas, un monde angoissant…
Tout y est est angoissant, le bâti, l’atmosphère de la cité-châteaux entière n’est pas en reste. Les espaces urbains seraient transformées en un décor récurrent d’un des fondements majeurs d’une cité de l’épouvante “chic et choc” ! Ce complexe est plus proche du drame social qu’issu d’un film d’horreur classique. L’ambiance pourrait être accentuée via un système de communication informatique (pré-Internet et réseaux sociaux), un monde virtuel dans le réel ce dernier prenant de moins en moins de pouvoir il faudrait faire entrer des avatars numériques dans le complexe. Comme si un virus informatique venait pirater le monde physique. Les identités numériques les plus puissantes se retrouvent ainsi à hanter le quotidien. Cette invasion se manifeste par de nombreux bugs qui dérèglent l’équilibre social et mental des personnages. Des hologrammes spectraux sont même parfois visibles à même la rue…
Burj al Babas, le cauchemar du piéton…
Plus généralement, le complexe résidentiel est froid, inanimé et forme cependant le décor omniprésent d’une intrigue. La signalétique, l’éclairage inexistant et le coté déshumanisé ajoutent à l’ubiquité fantomatique, le complexe joue d’ailleurs le rôle d’un spectre. Elle est la toile de fond qui rôde autour des habitants qui viendraient s’y encanailler dans un égarement social et psychique, totalement désincarné, créant une atmosphère urbaine des plus étranges. Chaque château est à vendre 500.000 euros…
Burj al Babas, pour conclure
On peut suspecter que divers entrepreneurs veulent renouveler une culture horrifique et fantastique avec des œuvres vieilles de 20 ans qui ont su su anticiper certaines questions liées aux mondes numériques d’aujourd’hui, il nous tarde de voir émerger l’étincelle décisive. Et si la meilleure science fiction se trouvait dans ce complexe ?
2 commentaires
Tout le charme de l’Orient… cet excellent article de Gatsbyonline montre qu’il s’agit de perpétuer une longue tradition. https://www.gatsbyonline.com/secrets-interdits/serail-1-331429/
Les secrets interdits de l’Orient…
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