Le faste américain des fifties…
Le motel (contraction de «motor» et «hôtel»), une institution américaine née en Californie, revient au goût du jour.
Chics, design ou délirants, symboles d’une certaine nostalgie des années ’50, ces “boutiques motels” redonnent des couleurs au rêve américain.
Moteur !
Une centaine de voitures de collection se retrouvent le weekend à Bob’s Big Boy, un fast-food de Burbank, pour un remake d’«American Graffiti». (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
Drôle de nom et drôle d’endroit pour un motel.
En plein Beverly Hills, le Farmer’s Daughter est un motel situé en face du Farmer’s Market, un surprenant marché couvert voisin du studio CBS.
La chaîne TV y logeait les concurrents de son jeu télévisé “Le Juste Prix“.
Rebaptisé Farmer’s Daughter, The Price is Right Motel, un ancien de la chaîne Best Western, s’est fait un lifting assez original pour devenir “hype” et rester “cool” au regard des petits budgets.
Un look de ferme en pleine ville !
Un architecte de Los Angeles a racheté un motel à Desert Hot Springs pour le transformer en Miracle Manor. (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
The Farmer’s Daughter ne correspond pas à l’image que l’on se fait du motel : un bâtiment de plain-pied au bord d’une nationale ; une enseigne lumineuse qui se remarque et la voiture parquée devant la chambre.
Cette institution américaine est née en Californie, à San Luis Obispo, au nord de LA.
Le long de la route 101, une bâtisse délabrée aux allures de mission espagnole fut le premier motel au monde.
Créé en 1925, le Milestone Mo-Tel (contraction de motor et hôtel) se composait de bungalows attenant à des boxes.
L’émergence du motel ne représente rien moins que le début d’une révolution.
Que serait la Californie sans la voiture ?
On n’imagine même pas !
Un réseau tissé de highways, de freeways et de motorways définit son identité.
L’automobile, surnommée làbas la “machine“, règne sur tout et va, dans les années ’50, créer une architecture commerciale exubérante qualifiée de googie : motels, centres commerciaux, stations-service, enseignes lumineuses, blanchisseries et cafétérias.
Vivre ici, en banlieue ; travailler là, en centre-ville.
Le motel est le symbole d’une société en mouvement.
“Le motel apparaît dans le dictionnaire dans les années ’50“, précise John English, grand connaisseur de l’architecture googie, qui m’attend dans le lobby de l’Avalon.
Jack, ancien restaurateur à Malibu, est le propriétaire du Del Marcos à Palm Springs, bâti en 1947. (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
Le Beverly Carlton de 1949, qui hébergea Mae West et Marilyn, est devenu l’Avalon, un délicieux endroit rétro-hype.
En fait, motel est un terme générique: on distingue highway hôtel, motor court, motor inn, tourist court, auto court, toute une gamme d’hôtellerie située en ville ou en périphérie, près d’aéroports ou d’échangeurs, proposant une place de parking gratuite mais pas forcément devant la chambre.
Situé à Downtown, près de plusieurs échangeurs, The Standard, un immeuble de 1955 en forme de L, pourrait répondre aux critères du highway hôtel.
En fait, le siège de la Standard Oil s’est métamorphosé en un lieu délirant, décalé, un décor rétro-futuriste dans lequel évoluent des serveuses habillées en pom-pom girls autour de mobilier en formica sur un gazon artificiel !
De Beverly Hills à Downtown se succèdent d’autres motels qui résistent tant bien que mal à l’usure du temps.
L’enseigne néon tape-à-l’oeil, à laquelle il manque des ampoules ; le propriétaire-réceptionniste qu’on sort de sa tanière ; des gobelets en plastique ; la TV fatiguée, et une douche qu’on s’abstiendra de prendre pour éviter la mésaventure survenue à l’héroïne de Psychose.
Depuis l’âge d’or des années ’50-’60, cette icône a progressivement perdu de son aura.
Au Standard, à Los Angeles, les célébrités viennent pour se montrer au bar. (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
Pourquoi si peu de motels chics à LA ?
“Il y a le Farmer’s Daughter ou l’Avalon et puis les autres motels, les miteux, les oubliés, situés dans des quartiers mal notés mais, à Los Angeles, les promoteurs veillent au grain. Ils les rachèteront au bon moment, les raseront pour y mettre des condominiums“, souligne Tony Merchell, spécialiste de l’architecture des années ’50 et manager du Miracle Manor.
Pour trouver des motels semblables au Farmer’s Daughter, il faut se rendre dans le désert de Mojave.
Là, des “moteliers” venus du graphisme, de l’architecture, de la brocante ou de la restauration refont le monde autour d’une piscine.
La piscine du Miracle Manor à Desert Hot Springs. (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
Le ruban asphalté de la 10 file vers Las Vegas sans s’attarder.
A Cabazon, un brontosaure et un tyrannosaure géants semblent garder l’entrée de la vallée préhistorique de la Coachella, où se trouve la cité des mille et un motels.
Palm Springs a été lancée par l’élite hollywoodienne qui cherchait un refuge paisible.
Une ville comme figée dans les années ’50, illustrée par une bonne dizaine de motels rétro-chics.
C’est à partir du nouveau millénaire que les premiers établissements comme l’Orbit Inn, le Miracle Manor ou le Hope Springs donnent le ton et hissent le pavillon des années ’50, une époque radieuse où l’Amérique affiche son opulence.
Leur charme est d’offrir, outre la piscine et le soleil, présent 354 jours par an, un art de vivre.
A l’heure du cocktail – s’il vous plaît, un Dean Martini inventé au Movie Colony – naît le sentiment privilégié d’échapper au monde moderne et de faire un joli retour dans le passé.
Jinny et son mari ont séjourné à l’Orbit Inn, qui date de 1947, et ils en ont été marqués à jamais.
Appuyée au bar en forme de boomerang, cette Coréenne a un port de séductrice.
“Lors de notre séjour à l’Orbit Inn, une étoile filante a traversé le ciel. Nous avons fait chacun un voeu qu’on a tenu secret. Finalement, nous avions le même : posséder l’Orbit Inn“.
Comme on est en Amérique, ils en sont devenus propriétaires, en octobre dernier.
Pas de mystère, la passion de ces “moteliers” est à la base de la réussite de ces “boutiques motels” où la volonté de reproduire les années ’50 n’oblitère pas la part du rêve.
La piscine de l’Orbit Inn à Desert Hot Springs. (Éric Martin/ Le Figaro Magazine)
La consécration internationale du motel arrive avec l’émergence de chaînes comme Holiday Inn et Best Western.
Toute une nation sera logée à la même enseigne.
“La meilleure surprise est l’absence de surprise“, claironnait Holiday Inn pour signifier qu’on pouvait trouver une chambre identique dans chaque Holiday Inn.
A l’inverse, ces motels de la nouvelle génération garantissent un séjour et une expérience uniques. L’autoroute n° 10 sépare Palm Springs de Desert Hot Springs.
Deux mondes séparés de 15 kilomètres ; en réalité, un abîme entre une annexe de Beverly Hills et une ville de l’Ouest digne du Far West.
Desert Hot Springs a aussi son lot de motels des années ’50 agrémentés de spas.
De loin, on croirait un tableau d’Edward Hopper.
Le Miracle Manor est là, posé au milieu de nulle part, un pick-up devant.
Il était une fois dans l’Ouest…, le motel.