Celui qui n’a pas vu le Nord du Vietnam est à mille lieues d’imaginer la magie qui règne dans ces contrées.
Sur les hauteurs des plateaux du Tonkin, les routes sont sinueuses et il est parfois difficile de longer ces chemins entortillés pendant la saison des pluies.
Les mains des paysans se soulèvent pour me saluer allègrement sans interrompre leur labeur.
Le travail en coopératives existe encore dans ce bastion communiste, et c’est par dizaines que les chapeaux coniques s’activent mécaniquement sous le soleil, reproduisant inlassablement les mêmes gestes laconiques sous mes yeux éberlués.
Il y a des enfants qui courent dans les champs… et aussi des vieillards, beaucoup de vieillards qui bien que la peau tannée, ne semblent pas avoir d’âge et partagent les mêmes tâches que les femmes et les hommes à peine entrés dans l’âge adulte.
Alors qu’au Sud du pays, la mécanisation intensive de l’agriculture est le modèle dominant, les paysans du Nord semblent opter pour une agriculture traditionnelle.
Manuelle, répétitive, harassante…
Plus loin, les rizières quadrillées se déclinent en une myriade de verts insolents où une ombre ou deux, parfois, s’égarent…
C’est une succession de tableaux vivants qui se détachent un à un sous le bruit ahurissant de ma pétoire (une vieille motocyclette sans marque que j’ai acquis pour 10 dollars….) et qui me rappelle que je ne suis pas face à une galerie de photos, mais devant le quotidien de la réalité vietnamienne.
Plus au Nord en direction de Dien Bien Phu, j’entrecroise des femmes de minorités ethniques Hmuong, Jörai ou Dzao.
Il est difficile de reconnaître le code de leurs coiffes et leurs habits traditionnels pour mon oeil amateur.
Il existe plus de 50 ethnies différentes éparpillées sur le territoire, vivant sur ces terres retranchées où sévit une sévère politique à leur égard.
Ils vivent de rien, d’un mode semi-nomade où la cueillette et la chasse sont encore les attributs de leur survie.
Je vois souvent des femmes portant de longues hottes, traverser nus-pieds les routes pour s’enfoncer dans les vallons fourrés.
Elles me tournent délibérément le dos, avec une moue sur les lèvres comme des enfants effrayés, lorsque je leur demande si je peux prendre une photo.
Beaucoup croient aux rites animistes, aux esprits qui peuplent les forêts et ces croyances pugnaces qui transforment la boîte noire en une méchante voleuse d’esprits.
Pas pour tous, heureusement.
A quelques dizaines de kilomètres, un marché en bord de route.
Des femmes assises par dizaines attendent patiemment.
Face à elles, des bocaux grouillent d’énormes cafards, de crapauds vivants que le client tâte pour juger de leur bonne consistance.
Les sourires s’ébauchent sur ces visages fermés par la timidité.
Je n’y retrouve pas l’insolence commerciale, pathologique des Vietnamiennes des grandes villes.
Je me dis que ces minorités ont appris à vivre sans faire de bruit, à conserver un profil bas pour ne pas attirer l’attention d’un gouvernement qui les maintient fermement à l’écart.
C’est d’ailleurs, parfois avec une épouvante réelle que les enfants se sauvent à toutes jambes lorsque je m’arrête près d’eux, comme à la vue d’un méchant ogre débarqué fraîchement.
Lorsque la motocyclette est assez loin, ils soulèvent leurs têtes comme des petits écureuils et reproduisent de manière mimétique le coucou que je leur adresse.
Je parcours cool et relax, tel un Gatsby moto-cycletiste en quète d’aventures exotiques, la « fameuse » boucle du Nord Ouest vietnamien sur ma pétoire fumante… et franchement, ce n’est pas une partie de pique-nique !
Ma pétoire qui ne peut qu’être d’origine russe, date sans doute d’avant la chute du mur.
J’ai finalement découvert la marque de l’engin grâce à un paysan local qui circule sur la même et qui m’a arrété pour faire quelques comparaisons…
C’est une Minsk 125cc, guère plus robuste qu’un sèche-cheveux à roulettes.
Elle m’a déjà fait le coup de la casse en matière de bougie, de réservoir (que j’ai dû faire ressouder), de chaîne (qui, bloquant la roue arrière, m’invita à un dérapage heureusement en ligne droite et m’obligea à prendre un bus pour revenir à Dien Bien Phu, puis à louer un camion pour aller la rechercher avant de pouvoir la changer), de pneu (suivi d’un chassé-croisé en dérapage incontrolé face à un troupeau de vaches locales qui a bien failli se terminer en gamelle) et de carburateur (fendu)…
Il va sans dire que faute de puissance, l’engin m’obligeait parfois à descendre dans les côtes trop prononcées.
Idem pour les freins quasi inexistants qui me faisaient goûter les joies d’une descente aux enfers…
Qu’est ce qu’un mec comme moi pouvait bien f…. dans ce bazar de con, en lieu et place de me la couler douce en me grattant les coucougnettes dans un hamac à l’ombre d’un palmier, tout en regardant quelques jeunes et jolies se baigner nues…
C’est le besoin de venir m’em…. et de vous offrir un reportage hors du commun, au péril de ma vie…
Comme en Inde, les camionneurs ne se soucient guère plus des motos que des papillons qui entachent leur pare-brise, il me faut alors constamment coller à l’extrémité droite de la chaussée, sans faucher les enfants, qui par milliers, jouent sur les bords de la route avec tout ce qu’ils trouvent, du morceau de plastique accroché à un bout de ficelle aux cornes d’un buffle placide.
Les chiens pris de folie ne sont pas rares non plus et me commandent d’accélérer dans des endroits où j’aurais plutôt eu l’intention de réduire les gaz.
Les poules qui changent de direction au dernier moment me donnent, de leur coté, envie de les rotir sur place.
Je me dis que, dans l’urgence, je leur roulerais bien dessus, mais j’hésite, car leur chair aplatie risque bien d’être aussi glissante qu’une bouse de buffle fraîche.
Je ne compte plus les kilomètres que j’ai dû parcourir sous la toile fragile de mon poncho.
A maintes reprises cependant, j’ai dû trouver refuge sous un pan de toit pour m’abriter d’averses diluviennes.
La plupart du temps, ça ne dure qu’une dizaine de minutes.
Plus rarement, il faut attendre une heure à contempler les rues se transformer en rivières, les égouts s’engorger et les cafards en sortir comme des blaireaux de leur terrier enfumé.
C’est au moins l’occasion de faire un brin de causette avec quelques vietnamiens.
Non pas qu’on se comprenne, certes.
Ils ne parlent pas plus l’anglais ou le français que je ne parle le vietnamien, alors tout passe par des gestes : manger, dormir, faire le plein, demander combien ça coûte, demander ce qu’ils pensent de la liberté de la presse…
Ces pluies intermittentes rendent la route aussi glissante qu’une patinoire.
Et comme le poids du sac accroché à l’arrière déleste la roue avant, mon équipée ne conserve guère plus d’adhérence qu’une savonnette.
Autant dire que quand j’arrive le soir, dans un hôtel même médiocre, je savoure ma victoire sur l’adversité.
Malgré toutes ces contrariétés, cette aventure me réserve quelques perles d’émotions, quelques rencontres d’une rare beauté, comme ces vendeuses de fruits sur un marché de bord de route, comme ces paysans qui finissent leur journée de moisson et s’en reviennent fourbus mais souriants, satisfaits du travail rondement mené… et de manière générale, tous ces visages, ces sourires et ces petites mains qui s’agitent pour me saluer, moi, perdu dans les rizières, le nez au vent, dans l’immensité végétale, regrettant le confort douillet de mon château et le charme désuet de ma Rolls-Royce…
Hanoi, ville déchirée et déchirante.
Ville tonitruante.
Je n’ai pas tôt fait trois pas dans la rue, qu’un tohu-bohu monstrueux se met en marche, parmi ces klaxons qui meuglent comme des bœufs et cette foule compacte que rien n’inquiète.
Hanoï, deux millions et demi de vietnamien(e)s, ce n’est pas rien, je me fraye difficilement un chemin parmi l’encombrement des deux roues qui pompent tout l’espace voire tout l’oxygène qu’absorbent les gaz toxiques des pots d’échappement.
Hanoï, la palpitante me saute à la gorge, c’est un corps à corps musclé.
La lance d’une vendeuse me tombe sur l’épaule, (quelques “dongs” quémandés pour une photo traditionnelle) on me tire par le collet pour m’indiquer une “guesthouse-cheap” hors concurrence, ou c’est la roue inattendue d’une Minsk antédiluvienne et semi-pourrie qui tente de me faucher.
Alors prudence…
C’est également la surabondance des pays en voie de développement.
Chaque rue possède un domaine particulier de vente : stands de jouets, de chaussures, d’autels pour offrandes.
Les marchandises foisonnent jusqu’à couvrir les trottoirs.
Un des derniers bastions communistes au monde, le Vietnam n’en a que le nom, une économie de marché sauvage est en place et le prix passe du simple au double voire au quintuple pour un tour organisé, une étoffe, un plat de nouilles…
Tout se fait à la tête du client.
Pour sûr, j’ai une tête de bolosse, alors, on y va franco.
On m’emmène à un “superbe” hôtel contre un dollar et on me prétexte sur le pas de la porte qu’il affiche complet et je termine quelques rues plus loin dans la pension de prédilection de l’humble guide qui s’attend à recevoir un autre dollar de remerciement en sus de ma bénédiction et celle du tenancier.
Une mauvaise moue me prend quand je me rend compte que j’ai été leurré.
J’ai pourtant l’expérience de “ceusses” qui veulent toujours me l’enfoncer profond…
Piting !
Même ici, au bout du monde, la secte des enculeurs de première classe à des membres.
Pourtant, une fois habitué au boxon ambiant, je découvre l’âme particulière d’Hanoï.
Elle a conservé un traditionalisme qu’on ne retrouve pas dans la plupart des grandes métropoles asiatiques.
Je perçois les premiers chapeaux coniques des marchandes de fruits qui quadrillent la ville à pied ou à vélo.
Dur labeur pour ces petites fourmis qui affichent des sourires tendres.
Les femmes portent de longs gants qui pointent jusqu’au épaules.
Tradition seigneuriale chinoise, la peau blanche et nacrée est un fondement pour les belles qui se protègent du moindre rayon du soleil comme de la peste.
Dans la rue, les “hanoïens” restent assis sur de minuscules tabourets en mangeant une “pho” en famille, tandis que les anciens jouent aux cartes, sans se soucier d’une modernité qui n’est pas la leur.
Alors que je déambule dans les rues commerciales de Koh Samui sur ma pétoire, je débouche sur un drôle de passage.
J’ai traversé un miroir, une frontière, une ligne de démarcation sans le savoir.
A la manière d’un dessin animé de Hayao Miyazaki, le décor s’est obscurci sans crier gare.
Les boutiques aux devantures impeccables, amassées les unes aux autres, se sont transmuées en étals de bois recouverts de salades et de tomates.
Somme toute, un marché de fruits et légumes… et du clinquant des ruelles avoisinantes, ne reste qu’un tableau épuré et assez misérable, les femmes sont assises devant les maisons ouvertes, où on peut les voir à la préparation du repas : du riz aux légumes. Des ustensiles vieillis et sales pendent des bicoques coincées entre ces établis de marchandises.
Somme toute, faute d’appréciation, ce n’est pas un marché de fruits et légumes mais un petit village de pêcheurs musulmans.
Au centre de la place, une mosquée trône majestueusement avec ces dômes blanchis à la chaux. Quelques femmes portent le foulard.
Certaines ont les cheveux couverts d’un filet telles les juives Hassidiques.
D’autres circulent nonchalamment les cheveux au vent, sans me prêter un intérêt particulier.
J’ai atterri, sans le savoir, dans une des nombreuses bourgades musulmanes du sud de la Thaïlande, d’origine malaise.
Le regard des femmes ne fuit pas devant l’étranger comme en Syrie, camouflé sous la Burqua.
Je décèle même un certain paradoxe entre la dureté attendue et ce naturel dégagé.
Hé ouais, on peut porter le « rejhab » (qui cache mal la chevelure) et un maillot Kappa…
L’importation de l’islam par les commerçants malais a permis une interprétation assez libre du livre sacré. Cet islam dont on parle toujours, a un visage multiple et polymorphe dans le monde, comme dans ce coin paumé de la Thaïlande, loin de l’image austère véhiculée par nos médias et une poignée d’intégristes qui existe bel et bien.
Il y a bien ces prétendus séparatistes qui mettent des bombes, mais c’est davantage la revendication d’une reconnaissance identitaire (région peu développée, moins scolarisée, exclue par le gouvernement en place) qu’un plaidoyer pour l’installation d’un Etat islamique nousantarien, prôné par un Ben Laden ou la Jemaah Islamyia.
Un homme me salue allègrement sur le pas de sa porte ; un enfant se dodeline nonchalamment sur la selle d’une moto.
Ici, dans ce petit village, tout semble couler d’une paisible tranquillité alors que de l’autre côté du miroir, c’est le règne tapageur du tourisme de masse, des péripatéticiennes qui abondent en attendant le soir venu pour exécuter des shows extravagants.
Il me faut une certaine dose d’inconscience quand, pour ne pas perdre deux heures dans les embouteillages, je décide de laisser ma motocyclette russe dans un garage ad-hoc pour arranger le carburateur félé et que, fermement décidé à visiter la ville, je remets ma vie entre les mains d’un pilote de moto-taxi.
On se faufile au ras des rétroviseurs et des pare-chocs à une vitesse vertigineuse.
La chaleur des pots d’échappement me prend à la gorge, aux narines, aux yeux.
Même le touk-touk le plus intrépide ne peut rivaliser… et pourtant, c’est peu de dire que les chauffeurs prennent tous les risques pour gagner une poignée de secondes. Le moteur de l’engin pétarade façon Harley à m’en faire presque remonter la vraie fibre motarde au nez.
Mais bon, il n’y a que maille qui m’aille (c’est quand même pas ma Rossinante, même si j’ai une splendide et quasi-neuve Harley-Davidson V-Rod dans mon garage en Europe…).
Et puis c’est sans compter sur l’inconfort d’une vitesse qui ne semble qu’à moitié maîtrisée et qui me laisse en permanence le sentiment que je vais finir invertébré.
Peu importe pour mon pilote, qui n’en fait qu’à sa tête.
Son objectif est de revenir le plus vite possible à Pat Pong après m’avoir déposé, afin de faire une dernière tournée.
Ce Fangio profite du désengorgement nocturne des voies pour foncer à brides rabattues.
Caressant de bien trop près le dos d’un âne revêche, notre bolide s’élève dans les airs, juste le temps pour moi de me dire :
« C’est pas le moment de m’entraîner à parfaire mon thé anglais ».
Effectivement, notre vaisseau atterrit lourdement dans le claquement sourd de ma mâchoire.
Moi, qui n’aime pas la voltige sans élastique, je maugrée poliment mais fermement.
Mon conducteur consent enfin à réduire les gaz.
Tout n’est plus alors que courants d’air et cahotements.
J’arrive tout peinard quelques minutes plus tard, je me suis bien fait secouer, et j’ai encore bien chaud.
Pas mécontent de retrouver la clim’, la douche et les petites cannettes de coca-light dans le frigo.
Good night Bangkok !
Capitale de l’Asie du Sud Est, Bangkok ensorcèle ou dégoûte.
Odeurs de tamarin, de basilic, de citronnelle, de Tiger Balm, d’égouts et de gaz d’échappement.
Mille couleurs, accrochées comme des paillettes sur les temples en forme de pièces montées et sur la trombine des génies du Ramakien qui en décorent les bas reliefs.
Modernité à tout crin, des webs-cam des douaniers, aux écrans à plasma des rames de métro.
Cascades de marques internationales, agencées dans les alcôves feng-shui de shopping centres high-tech, immenses et chers.
Du bruit, beaucoup de bruit, celui des voitures, motos et rickshaws bien sûr, mais aussi des gens, des vendeurs qui me hèlent à en perdre haleine, comme ces masseuses, épileuses, esthéticiennes à la va-vite que je ne peux approcher à moins de dix mètres sans qu’un chœur nasillard m’invite d’un lancinant: “Hello massaaaaaaaage“.
Bangkok surprend à chaque instant.
Les marchés de contrefaçon étalés en plein jour au cœur de Pat Pong, ne sont que la cerise d’un gâteau trop crémeux.
Prostituées, femmes, hommes mais aussi travelos (les fameux lady-boys) débordent des bordels (chouf la paronomase !) et des gogos-bars comme du lait hors de la casserole.
A ce propos, je me suis longtemps demandé ce que devenaient ces cohortes de “transformé(e)s”.
Quand ils sont jeunes, leur différence avec les femmes est à peine perceptible.
Heureusement, les Lady-boys se grillent eux-mêmes en sur-jouant.
Pour draguer un client, ils s’installent en face de lui (elle aussi, beaucoup d’européennes et d’américaines aiment quelques sensations hors normes) dans un café en s’asseyant comme aucune femme ne le ferait, sauf pour monter en amazone derrière une mobylette.
Puis ils brossent leurs longs cheveux trop soyeux pour être honnêtes.
Enfin, ils matent la proie en faisant semblant d’être surpris(e) de croiser leur regard.
Je le raconte si bien parce que ça m’est arrivé…
Pitingggggg !!!!
Mais quand même, je me demande ce qu’ils/elles deviennent quand, passé un certain âge, le galbe de leurs mollets, l’angularité de leurs mentons, leur pointure et surtout l’envergure de leurs épaules ne laissent plus l’ombre d’un doute.
Non, je ne dis pas qu’ils parient sur la surprise.
Ceux qui tombent dans leurs filets ne sont pas dupes.
Mais quand même !
J’imagine qu’ils en veulent pour leur argent.
Ils ne veulent pas d’une femme à barbe !
Alors, qu’advient-il des lady-boys sur la touche ?
Sont-ils cachés, battus, bafoués, meurtris, terrés au fond des ateliers de couture ?
Eh bien non !
Ils sont très bien acceptés par la société, parait-il.
Ils bossent un peu partout, dans les agences, les salons de beauté, à la réception des hôtels.
Certains se reconvertissent en guides ou en coiffeur, d’autres servent dans les restos en se payant encore le luxe de rouler du cul !
Bref, ça va pour eux.
Il ne faut pas croire que les populations bouddhistes soient plus spirituelles que les masses chrétiennes ou musulmanes.
C’est une idée fausse, véhiculée par les gourous à la manque et les boutiques new-âge qui surfent sur le mal-être des citadins occidentaux.
Les Asiatiques ne sont pas plus que nous sereins devant l’adversité ni maîtres de leurs désirs.
Et le fait de suivre la “Voie du milieu” ne les empêche pas de s’égarer en chemin.
On parle beaucoup du tourisme sexuel, mais j’aime à rappeler qu’en Thaïlande, 95% des prostituées sont fréquentées par des locaux et qu’en moyenne, chaque Thaïlandais va voir une prostituée deux fois par mois, entre deux visites au temple…
Le bouddhisme n’est pas officiellement une religion, me dit-on, c’est une philosophie.
Reste que sa pratique est religieuse depuis la nuit des temps.
Le fidèle ne s’en remet pas aux seuls enseignements du Bouddha pour découvrir la «Voie de la délivrance».
Il brûle des bâtonnets d’encens sur le fronton des autels, présente des offrandes (fruits, sucre, verre d’eau, objets divers…), puis joint les mains devant son cœur et ferme les yeux à s’en faire péter les vaisseaux capillaires pour donner plus d’intensité à sa prière.
En Thaïlande, comme au Cambodge et en Birmanie, on pratique le bouddhisme Theravada, une branche plus épurée, qui prône le dépouillement et l’extinction de tous les désirs.
Pourtant, les pratiquants ne récitent pas que les mantras censés les aider à se vider la tête.
Leurs psalmodies expriment en douce leurs vrais désirs sous la forme de silencieuses supplications dans lesquelles ils jurent de se comporter mieux en échange d’une meilleure moisson, de la naissance d’un fils ou de l’obtention de leur permis de conduire.
Comme le chrétien se mortifie, le bouddhiste amasse des « mérites » en effectuant sa B.A. quand il se sent débiteur.
Rien là-dedans qui fasse grand honneur à la finesse des enseignements philosophiques du Bouddha, tels qu’ils sont révérés, à juste titre, en Occident.
Remarque, ces dévotions, humaines tout autant que stériles, ne nuisent à personne.
Il y a pire ferveur !
Que pour ses soixante balais, le Roi Bhumibol Adulyadej pioche dans les coffres publics pour faire sonner les trompettes, armer ses barges géantes, et illuminer le ciel d’un feu céleste, quoi de plus naturel ?
Cet être humain n’est pas né comme vous et moi, dans un sale choux-fleur.
Il sort assurément d’un lotus éclos bien au-dessus de la vase, comme le rappelle ce court-métrage ridicule projeté avant chaque film dans tous les cinémas du Royaume.
Mais de là à ce que les spectateurs se lèvent dans la salle obscure pour faire honneur à son Altesse absente…, pourquoi pas tendre le bras droit aussi, pendant qu’on y est !
D’autant que l’hypocrisie du film de propagande n’échappe à personne.
On y voit le bon Roi suer sang et eau au bord d’une rizière pour montrer qu’il s’intéresse de près à la misère de ses concitoyens.
Ca, c’est du cinéma !
Dehors, dans la réalité, les paysans chassés des campagnes par la pauvreté s’entassent dans les bidonvilles de Bangkok tandis que Princes, Emirs et Grands Ducs se bousculent devant le Palais du Roi pour lui graisser la patte et s’assurer du même coup que l’étiquette tient toujours sur leurs fronts lustrés.
Qu’il se rassure, le Roi, celui qui a tout perdu peut au moins suivre la cérémonie sur les écrans de télé installés un peu partout en ville.
Dommage que les caméras n’aient pas été là aussi pour retransmettre en direct la grande campagne de ratissage anti-drogue qui a mis sur le carreau, et sans aucune sommation, plus de deux mille personnes, pour la plupart d’obédience musulmane, dans le sud de la Thaïlande au printemps 2003…
Alors que je me baladais dans les dédales des rues, je vois des gamelles grouillant de chenilles et de grillons frits…
Ici, ces petits arthropodes se dégustent comme des pralines en guise de friandise…
Une femme m’en propose, tablant sur la curiosité gustative du gourmet qui est en moi.
Je reste à tout jamais un sale mec raffiné et je ne puis accepter qu’un plat raffiné me passerait sous le nez… Ha, ça non !!!!
Plus qu’un gourmet, je suis un vilain gourmand, de plus ce n’est pas aux Champs Elysées ni Place de Broukère qu’on me proposera des sauterelles grillées en rue….
Je reste cloué devant les bacs pleins à craquer, une moue dubitative, je me sens obnubilé par les petites bêtes tout huilées qui ressemblent à de grosses cacahuètes grillées.
Un appel irrésistible, sans attendre, je fais rouler la tête d’un grillon sous mon palais.
D’une deuxième bouchée, la chenille croquante connaît le même sort.
Je souris de toutes mes dents !
Piting !
C’est vachement bon ces saletés repoussantes…
Je n’irai pas par quatre chemins.
Si j’ai décidé soudainement de me ruer au Vietnam puis en Thaïlande après des mois de vadrouille automobilistique européenne, à y écouter les conneries de gens calculant deux sous par douzaine dans le but d’acquérir une 4cv à leur retraite… et qui viennent malgré-tout me pomper l’air en me demandant quel est mon dernier prix, face à une Bentley ou une Ford GT-40 qu’ils n’achèteront de toute façon jamais…, c’était pour me reposer, me détendre, me faire plaisir, bref, pour prendre des vacances !
Pas chié, hein !
Je ne suis donc pas venu en Thaïlande pour jouer un Adler en herbe.
Pas non plus pour tourner un remake du “Cauchemar de Darwin” au pays des esclaves sexuels.
Ni pour faire un reportage-vérité sur le devenir des milliards de dollars et euros que des millions de cons et connes ont envoyé suite au Tsunami pour se donner bonne conscience, alors que ce tsunami financier s’en est allé dans les poches de quelques-uns et unes qui se marrent….
Non, je “swisse” venu ici pour me faire zizir !
Ca veut dire, en clair, faire le plein de souvenirs (les paysages sont superbes), déguster de la bonne cuisine et me tailler au plus vite sur une île pour me mettre les orteils en éventail, me faire pétrir par des masseuses, me faire masser le corps ET les coucougnettes pour spermater après avoir eu un pénis comme une boîte de Vim… , me dorer la pilule et me baigner à poil dans les eaux turquoises du Golfe du Siam, tout en réalisant un reportage à destination de www.GatsbyMagazine.eu .
J’ai choisi Koh Samui, par facilité, il faut le reconnaître.
Pas envie de tenter le Tsunami à Pukhet, ni d’aller chatouiller les requins baleines à Koh Tao ou d’attendre la Full-moon party à Koh Phang Gam.
Après une petite nuitée de bus surclimatisé dans lequel j’ai placé ma motocyclette que je compte ramener en Europe comme souvenir… et deux heures de ferry bondé, je suis à bon port.
Quelques instants plus tard, je dépose mon gros sac dans un bungalow 5 étoiles “plus”…. et sirote un jus de mangue à l’ombre des cocotiers.
Le lendemain, je loue un Hummer H2 jaune avec des jantes chromées de 22 pouces, pour explorer les jungles des collines, croiser quelques serpents fluorescents et contempler d’insolites panoramas, puis redescendre à la plage me couler dans les chaises longues et me laisser délicieusement mener en bateau par les délires sucrés d’un Garcia Marquez, tandis que deux beautés locales me gratouillent un peu partout….
L’astre solaire n’a pas résisté longtemps non plus à l’appel de la mer.
C’est la pleine lune ce soir, et si je ne me transforme pas en bête à poils, je sens monter en moi une faim de loup et quelques envies sexuelles de premier plan.
Les papilles de mon palais m’ordonnent d’aller me repaître des incomparables saveurs de la cuisine siamoise.
Curry de poulet au lait de coco, nouilles sautées aux légumes, boeuf au basilic, riz parfumé au tamarin, barracudas dorés au feu de bois, langoustines grillées et banana pancake sur fond de campari orange.
En quelques jours, tout y passe.
Ce qui s’appelle faire bombance, et de la bonne !
Qu’on ne pousse pas Mémé dans les orties, je veux bien, mais il ne faut pas non plus trop jouer les Bernardo, sous peine de nager dans les plantes vertes !
C’est bien ce qu’il en a coûté à cette vendeuse hystérique et malhonnête, qui a voulu me vendre son bifteck à tout prix et qui a fini avec un pain dans la tronche.
Une agence de Bangkok à qui j’avais demandé ses tarifs pour un « one-way to Hanoï » m’a fait le coup de me réserver un billet sans mon consentement et de vouloir me forcer par la suite à le payer.
La vendeuse est passée par tous les états de mensonges et de tromperies avant d’en venir aux mains.
Elle s’est d’abord mise à fondre comme une madeleine, ce qui a bien failli m’attendrir.
Il a fallu bien du cran pour continuer à argumenter posément face aux flots d’insultes et d’hypocrisie qu’elle m’a ensuite déversée dans les oreilles.
Mais rien n’y fit, elle me demandait encore les frais d’annulation !
J’étais simplement sur le point de partir en la laissant vociférer quand elle s’est violemment emparée de mon passeport que je tenais dans mes mains pleines de doigts, manquant de le déchirer.
Mais voilà, ma douceur d’orchidée qui fait l’ivresse de mon chat et de mon amante (l’inverse eut été plus “gentleman, non ?), n’a pas eu le droit à la potion magique parce que je “swisse” tombé dans le chaudron quand j’étais petit.
Et si j’ai pu me contenir en demandant fermement, mais calmement mon passeport à l’hystérique, mon sang n’a fait qu’un tour quand celle-ci m’a décoché un simulacre de coup de poing au visage.
J’ai bondi de l’autre côté du bureau pour ceinturer cette dingue qui s’est mise à me rouer de coups de pieds et de coups de poing, ce qui lui a valu un one-way dans les imprimantes, dévoilant son entre jambe… un solide braquemard entouré de deux coucougnettes épilées…
Pitinggggg de piting…
Un(e) Lady-boy sur le retour ayant réussi à obtenir un boulot…
Un travelo ! Un transsexuel non opéré !
Pensant qu’il (ben oui, c’est plus “elle” puisque….), allait se calmer, j’ai attendu pour voir, mais il s’est rué à nouveau sur moi tandis qu’un type m’attrapait par le cou et m’a refait passer du côté « client » du bureau.
Là encore, je pensais qu’il faisait ça pour nous séparer et je me réjouissais déjà que quelqu’un d’autre que moi-même intervienne pour mettre un peu d’ordre dans ce bordel…., mais non !
Le type poursuivit sur sa lancée, cherchant visiblement à me traîner par le collet en me scandant du « Go home » !
One-way pour lui dans les bacs à fleurs !
Tout cela sous les “bravo’s” de la Lady-boy qui bandait outrageusement, à la satisfaction générale !
Indiana Jones aurait haussé les épaules avant de sortir son pétard.
Mais faute de Colt, j’ai balancé un crochet du droit, à tout hasard.
Sans grand succès.
Restait le corps à corps.
J’ai senti que je pouvais y aller d’un coup de pied dans ses cocougnettes…
Il aura raison de mon tee-shirt mais finira comme lors de la première séquence, dans les bacs à fleurs, emportant dans son élan les guirlandes, les mobiles suspendus et les galets polis du décor.
Il aura fallu tout ça pour qu’un type plus calme intervienne enfin.
La suite est classique, la police est arrivée.
Un officier en mal d’autorité a fait mine de nous écouter 30 secondes puis a donné la parole à l’aliéné(e), qui éructa en thaï pendant dix minutes.
J’ai essayé à nouveau d’expliquer ma version des faits, mais l’officier, qui ne voulait pas se faire d’ennemis dans le quartier pour un touriste de passage, fit la sourde oreille.
Il me menaca de toutes sortes de poursuites et me forca à payer les frais d’annulation.
Le Lady-boy me remercia en me faisant un aimable signe de la main, son undex pointé vers le ciel…
J’avais perdu, j’en avais gros sur la patate, mais au final, on s’était bien battus, et je comptais mes bleus…, mort de rire…
Pitingggg de pitingggg !!!!
Pour me remettre de mes émotions, je suis allé me faire masser les parties endolories par 4 masseuses…
La transition entre le Moyen et l’Extrême Orient est acerbe, violente, déconcertante…
De l’extrême pudeur qui frise la pudibonderie, on atterrit dans un univers d’une lubricité caustique…
Comme il existe des acrobates de cirque, il existe des acrobates du sexe.
Pour quelques euros, les femmes Thaïlandaises, en boîtes, s’improvisent virtuoses vaginales.
Pantomimes de la dérision…, elles s’activent et gesticulent comme des marionnettes qui exécutent des postures pornographiques d’une manière assez surprenante…, je le concède.
Tout s’articule autour de numéros extravagants exécutés par la Sainte chiche…
Enfin, le « vagin », « la moule », le « con », le « minou », « la moniche », comme vous voudrez …
Il y en a de toutes les couleurs et pour tous les goûts.
Sur la scène, une femme ravaudée montre à l’assemblée des bouteilles de bière, qu’elle décapsule d’une rude pression vaginale.
La populace s’excite : Olé !
Une seconde, qui semble pubère, fait jaillir de l’enclos secret, des balles de ping-pong à la manière d’un gallinacé qui pond dans un bol ; une, deux, trois, quatre, cinq, siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiix, seeeeeeeeeeeeept !!!!!
La salle exulte ; alors que ce burlesque se disloque en tours de passe-passe de plus en plus rocambolesques, des femmes nues ondulent comme des serpents pour appâter les concupiscents en quête de chair fraîche.
Une plus jeune encore, galbée comme un citron pressé, (40 kilos à tout casser) écarte ses jambes… et de la cavité sont propulsées de petites fléchettes multicolores qui éclatent les ballons suspendus à bout de bras par leurs acolytes.
Quelle dextérité, vous en conviendrez…
De l’orifice magique giclent des lames de rasoirs, des guirlandes, des bougies, des bananes…
Une vraie caverne d’Ali Baba ou plutôt un bric-à-brac de vide-greniers.
On cherche à émousser le client par des acrobaties clownesques où le corps est réduit à une machine coupée de toute émotion.
Corps de femmes réifiés, automates du sexe qui, jusqu’à l’intonation de la voix, miment la complaisance forcée.
Rires dissonants.
Parodie grotesque qui cache piètrement une misère accablante.
Les plus « chanceuses » finiront dans le lit d’un Occidental, les autres iront se mêler aux amas de chairs qui s’étalent dans les rues avoisinantes de Pat Pong, pour tenter une seconde chance …
Le tsunami n’a rien détruit…
Bandes de cons !