Frida Kahlo y su mundo…
Frida Kahlo et son monde….
Frida Kahlo y su mundo…
Frida Kahlo et son monde…
Sous ce slogan, Bozar (le mot “Bozar” est une contraction de “Musée des Beaux-Arts”, pour faire “moderne” et sans doute plus jeune, alors que ce qui est exposé ne l’est pas et attire d’avantage de personnes âgées que de jeunes), présente 19 peintures, une eau-forte et six dessins de l’artiste mexicaine décédée en 1954, affirmant dans la presse qu’il s’agit de la plus grande collection privée d’œuvres de Frida Kahlo, issue du Museo Dolores Olmedo.
La commémoration du 200e anniversaire de l’indépendance du Mexique et du 100e anniversaire de la révolution offre l’occasion d’une exposition unique d’œuvres de Frida Kahlo.
Intriguée, j’ai résolu d’aller visiter cette exposition.
Le film « Frida », m’avait fasciné en 2003.
J’y avais vu une femme libre, passionnée, pleine d’audaces.
Son art était empreint des épreuves vécues.
Mais jusqu’à présent je n’avais encore jamais eu la chance de contempler une de ses œuvres.
Je me suis dirigé vers le Palais des Beaux-Arts, avec l’appréhension de trouver une place de parking.
Effectivement, arrivé aux alentours j’ai tourné en rond durant vingt minutes.
Assurément, question accès et parking, ce n’est pas la joie, mais en finale, j’ai découvert un minuscule emplacement.
Après une brève collation dans le café d’en-face, pour garder la forme, je suis allé rejoindre le public de la Grande Salle des Beaux-Arts de Bruxelles.
Au bas d’un escalier monumental (que font les handicapés ?), tout un monde disparate y pointait le bout de son nez.
J’étais au milieu d’une centaine de retraités et retraitées dont les discussions incessantes créaient un fond sonore assez désagréable et peu dans le style d’un musée.
Que soit, il me fallait assumer mon choix.
Finalement, après une demi-heure d’attente, les gardiennes ont ouvert le passage menant vers l’exposition, qui se trouvait en sous-sol, accessible également par un grand escalier (et les handicapés, bis ?).
Ma première réflexion a été : « Les toiles sont trop petites et positionnées trop haut pour que des enfants puissent les apprécier »….
Ma deuxième réflexion a été : « Il n’y a pas de guide pour expliquer l’œuvre de Frida Kahlo ».
L’exposition Frida Kahlo, est un ensemble de visions d’elle-même comme l’Autoportrait avec petit singe (1945) et La colonne brisée (1944) où elle se met en scène dans l’un des corsets qui l’emprisonnèrent toute sa vie, suite à l’accident qui avait réduit en miette sa colonne vertébrale.
On y trouve aussi des dessins, des portraits de familiers et des toiles inspirées par l’actualité politique ou sociale de son époque.
Cette collection m’a semblé peu importante en quantité de tableaux exposés, pour monter une exposition d’une telle envergure.
Le Bozar y a d’ailleurs ajouté deux projections de photos de l’artiste et de son journal intime, mêlant dessins, poésie et réflexions diverses.
La présentation générale a été confiée à l’atelier d’architecture qui se nomme : “51N4E” qui explique sa démarche de la manière suivante : « Le titre de l’exposition, Frida Kahlo y su mundo, m’a amené à la resituer dans son monde, explique Peter Swinnen, l’un des membres de l’atelier. Mais notre collectif-atelier d’architecture ne voulait surtout pas aller dans le sens d’une transposition littérale de ce monde : couleurs vives, motifs exotiques, etc. On a plutôt cherché à se confronter à son monde intérieur et à faire ressortir les œuvres. D’ou un espace totalement transformé à l’aide de hautes parois inclinées et de jeux de miroirs. A la manière d’un labyrinthe intimiste, le parcours entraîne les visiteurs au cœur des thèmes traités par l’artiste. Frida Kahlo est une artiste difficile à classer. On est donc parti sur l’idée d’une installation où l’œuvre se détacherait de tout. L’inclinaison des parois permet littéralement de détacher les toiles du mur. Elles se tiennent seules dans l’espace. Les parois incluent aussi de nombreux jeux de miroir. C’est directement lié à son travail. Elle a réalisé de nombreux autoportraits, couchée dans son lit, avec un miroir fixé au-dessus d’elle. D’autre part, le miroir fait référence à l’autoportrait de manière générale. D’autres parois sont faites de tissu translucide. On montre ainsi l’arrière des choses. C’est aussi une manière de faire ressortir la dualité de Frida Kahlo qui était très forte face aux autres et très fragile dans sa constitution. A travers ce tissu, on découvre la structure métallique des parois qui évoque la structure du corps de Frida comme elle la représente notamment dans La colonne brisée… »
Dix-neuf toiles, une eau-forte, six dessins et de nombreuses photographies témoignent de sa contribution magistrale aux mouvements symboliste et surréaliste : Labyrinthe en trompe-l’œil, le parcours invite effectivement à redécouvrir les œuvres sous différents angles et les met en perspective, l’une se détachant sous nos yeux tandis que deux ou trois autres semblent flotter dans l’espace à cause des miroirs.
L’exposition est certes petite, mais superbement mise en scène.
A la manière d’un labyrinthe intimiste, les œuvres sont présentées dans un espace transformé à l’aide de parois inclinées et des miroirs qui nous permettent de contempler les toiles sous différents angles.
Ses toiles reflètent ses épreuves et sa vie: l’accident de bus qui bouleverse sa vie à 17 ans, ses douleurs, son amour, les fausses couches successives., une expérience douloureuse et solitaire.
Les formats sont plutôt petits, les images sont stylisées et simples, mais il s’en dégage une impression puissante quasi-icônique et une beauté particulière.
Mais qui est Frida Kahlo, qu’a-t-elle bien pu faire de sa vie pour être ainsi adulée au point de réaliser des expositions de ses tableaux, qui, à mon sens, ne sont pas si extraordinaires qu’on le prétend, car c’est un ensemble de peintures naîves ou on devine qu’elle n’avait pas une parfaite maîtrise du rendu des formes, n’osant même pas verser dans la caricature comme Picasso.
C’est un des responsable de l’exposition qui va me l’expliquer…
« Le 17 septembre 1925, à Mexico, la jeune Frida Kahlo, 17 ans, monte dans un bus avec son petit ami Alejandro Gomez Arias. Quelques minutes plus tard, une collision avec un tram fait plusieurs morts. Au milieu des décombres, Frida hurle de douleur, transpercée par une barre métallique. Pour la jeune femme, atteinte de la polio durant l’enfance, c’est une tragédie. Elle restera handicapée à vie, portant un corset, souffrant horriblement de la jambe et du dos, subissant fausse couche et opérations en série. Toute cette douleur se retrouve dans l’œuvre de cette femme d’exception qui vécut longtemps dans l’ombre du grand peintre muraliste Diego Rivera. Aujourd’hui, Frida Kahlo est une icône du Mexique. Ses autoportraits sont reproduits en poster, en carte postale. Madonna qui collectionne ses œuvres depuis les années 80 et Salma Hayek, elle-même mexicaine, se sont âprement disputé le droit d’interpréter leur idole au cinéma. La seconde a fini par l’emporter livrant un film qui prend quelques libertés avec la réalité mais fait magnifiquement pénétrer au cœur de l’œuvre de l’artiste »…
Comme l’a dit son mari, le peintre Diego Rivera (1886-1957), en découvrant les toiles de la jeune artiste: « Les toiles révélaient une extraordinaire force d’expression, une description précise des caractères et un réel sérieux. Elles possédaient une sincérité plastique fondamentale et une personnalité artistique propre. Elles véhiculaient une sensualité vitale encore enrichie par une faculté d’observation impitoyable, quoique sensible. Pour moi, il était manifeste que cette jeune fille était une véritable artiste ».
Finalement, c’est une sorte d’ ironie de l’histoire de l’art car Diego Rivera , le plus grand artiste mexicain moderne, le célèbre “muraliste”, a été rattrapé par la gloire de sa femme.
Au point qu’aujourd’hui, on parle de “Fridamania” alors que les œuvres de Rivera ne suscitent plus qu’un intérêt convenu.
La particularité des œuvres exposées au Bozar est leur provenance.
Toutes appartiennent à une seule et même collection : celle de Dolores Olmedo, la petite amie (une des nombreuses maîtresses) de Diego Rivera décédée en 1982.
Une des brochures de l’exposition expliquait la manière dont a été constitué la collection de Dolores Olmedo : « Elle a vécu une enfance très pauvre. En 1924, elle a épousé un britannique, venu au Mexique comme journaliste. Il était membre d’un groupe anarcho-socialiste et travaillait pour Associated Press. C’est lui qui a amené Dolores Olmedo à s’intéresser à l’art. Elle a divorcé de son mari en 1948 et a commencé à acheter beaucoup de peintures. Peu après la mort de Frida Kahlo, en 1954, elle a repris contact avec Diego Rivera qu’elle n’avait plus vu depuis 1930. Diego était vieux, malade et seul. Dolores Olmedo va alors totalement se consacrer à lui jusqu’à sa mort, elle va l’aider financièrement, l’accueillir chez elle alors qu’il souffrait terriblement du cancer et va acquérir un maximum de ses œuvres. Vers 1955/56, Diego apprend que, suite au décès de l’ingénieur Morillo, sa famille veut vendre sa collection. Or, Morillo avait acquis de nombreuses œuvres de Frida dont il était le voisin. Diego demande alors à Dolores Olmedode les racheter. Pour elle c’est un sacrifice énorme. Pas financièrement mais parce qu’elle a un vieux contentieux avec Frida. Le contentieux porte un nom : Alejandro Gomez Arias, celui-là même qui accompagnait Frida le jour de son tragique accident en 1925. Le jeune homme a été le petit ami des deux jeunes filles, suscitant entre elles une antipathie mutuelle et définitive. Par amitié pour Diego, elle finit pourtant par accepter et acquiert les 27 œuvres de Frida Kahlo que la famille Morillo met en vente. Œuvres qui n’ont à l’époque que très peu de valeur, Frida étant quasi inconnue. Puis, petit à petit, le nom de Frida Kahlo commence à gagner en importance. Aujourd’hui, c’est pour les œuvres de Kahlo que la majorité des visiteurs débarquent au Museo Dolores Olmedo à Xochimilco. Et c’est grâce à la femme qui ne pouvait la voir en peinture que Frida Kahlo est exposée à Bruxelles ».
Que peut-on vraiment penser de sa peinture, de sa qualité de palette, de ses moyens artistiques ?
Comment cette femme autodidacte (qui s’est mise à « se » peindre, à l’hôpital, sur son lit de douleur, pour transcender sa souffrance, face à un miroir, comment cette peinture fragile a-t-elle pu résister au temps ? )
Bien sûr les conseils de Diego Rivera lui ont donné progressivement le minimum de technique pour composer et mettre en scène un corps, un visage. Mais au-delà de ce savoir-faire technique, elle avait un témoignage à donner dans sa vision du monde.
C’est une écorchée vive qui pratique sur elle-même une cruauté qui nous touche.
Dans ses toiles, il y a là une confession stylisée et incroyablement efficace, quoique très impudique…, un vécu douloureux, surmonté par l’art.
Pour en savoir plus, cliquez ici : J’écrirai d’atrabile sur le palimpseste de nos vies….