Gatsby-Rock’Tag’Home…
Je tape le frein à donf, ma Smart Brabus part en couille, un coup à droite, un coup à gauche dans un nuage de fumée, je contre braque et cisaille. Youpeeeee ! La vie est dingue… Je parviens à la stopper pile-poil ou il ne vaudrait mieux pas, je braque au max et tape l’accélérateur pied au plancher, le moteur hurle son bonheur, la Smart pivote dans l’axe comme pour un Drift et je laisse couler la bête pile-poil en bord de route, exactement là ou il y a la place pour arriver devant la maison taguée qui m’a tapé dans l’oeil… un chef d’œuvre… un monument de folie… que du bonheur visuel… en une fraction de seconde j’imagine son nouveau nom : Gatsby-Rock’Tag’Home…, mon nouveau Homeland… la totale !
“La plaisanterie de la vie a assez duré, il me la faut pour mon reste de vie”… me dis-je ensuite… “Cette villa de bord de mer du sud, entièrement taguée, couverte de graffitis est idéale pour en faire mon repaire”… je viens en effet d’avoir une vision dantesque amplifiée dans mon cerveau effervescent par la radio qui crache du Rock’Roll… j’en avais attrapé mal-de-tête cinq minutes auparavant… maintenant je voulais savoir de suite jusqu’ou tout cela allait m’entrainer…Devant moi, sidérés, bouches-bées, trois loustics aux allures de vandales/délinquants… des graffeurs… que j’apostrophe tout de go…
– Messieurs, à l’heure des double et triple discours institutionnels concernant le street-art subventionné et la répression du graffiti sauvage, indépendant, libre et insolent, je voulais rencontrer des jeunes artistes de rue pour connaître un peu l’état des lieux de cette pratique et ses controverses. Je tombe à pic. Peindre les murs d’une villa abandonnée est-il un vulgaire acte de dégradation ou une sorte de version urbaine des Grottes de Lascaux ? Etes-vous de nouveaux Basquiats ou de simples petits cons vandales marginaux ? Comment vivez-vous de vos pratiques, entre art, sport, jeu et vandalisme ? Acceptez-vous une discussion immersive ?
– Graffeur1- Ça va être compliqué, zêtes qui d’abord ? Faut juste être certain sinon on va mourir. D’ailleurs, ce que nous cherchons, c’est une place. Le choix du spot est primordial…
– Je suis Patrice De Bruyne, j’éditais le mag Chromes&Flammes “papier”… Maintenant c’est full numérique ChromesFlammes + GatsbyOnline
– Graffeur1- Ah wèèèèèèè ! De Bruyne ? Wèèèèèèè ! Quel panard intégral, que d’honneur, c’est ok !
– Bon ben allez-y ! Parlez-moi !
– Graffeur1 – Premièrement, il faut être relativement à l’abri des regards pour ne pas se faire griller, avec de préférence des routes de fuite pour le pire des scénarios (se faire arrêter). Quoiqu’ici, c’est pas grave vu qu’on ne sait pas nous voir. Ensuite, il faut trouver un espace assez large avec une surface importante et à la bonne hauteur, pour pouvoir vraiment peindre dans des conditions idéales. Il ne faut pas nécessairement qu’il soit vide, mais c’est mieux. On évite de peindre par-dessus les œuvres des autres quand même, surtout celles des anciens, question de respect.
-Après, il paraît que ça fait partie du jeu aussi !
– Graffeur1- Et puis dès fois, il y a des collègues qu’on n’aime pas trop, où des œuvres que des potes ont bien ratées, alors on peut se le permettre. Avec le soleil déflagrant du début d’après-midi, on est aussi à la recherche d’un peu d’ombre.
Ils se marrent me disent qu’ils vont continuer à me causer en continuant leur œuvre et tels des athlètes en préparation pour une compétition, ils s’échauffent à coups de marqueurs type Posca et de Baranne (tube de cirage rempli de peinture). Sans faire exprès, mon interlocuteur a bité (imité le style) de la première lettre du blaze (nom d’artiste du crew ou mot reproduit) d’un ami.
– Graffeur2 – Ah merde ! Bon bah autant continuer hein ?.
Il finit le tag… mais à peine le temps de sortir ses sprays qu’il remarque un détail important :
– Graffeur2 – Eh les gars, Easy, ç’est cool !
Entrecoupé de quelques pauses clope et flotte, ils procèdent relativement méthodiquement, c’est du freestyle, un peu à l’arrache mais l’expérience est là, alors la fresque se dessine très naturellement.
– Graffeur1- Plutôt orange pour les contours et noir violet pour le remplissage ?
– Graffeur2 – Ouais ok, et un peu de vert pour les détails.
A l’œuvre, ils discutent peu, à part quelques vannes et des discussions sur l’avancée du graffiti en cours de réalisation…
– Graffeur2 – Ah je m’en suis bien battu les couilles de mes contours moi !
Il sent monter la fatigue et la chaleur tabassant nos cranes. Une fois les lettres de leurs crews fraîchement posées, ils ponctuent l’ensemble de petits éléments adjacents. Il reste encore un peu de peinture dans les aérosols, le trio pose un flop (lettres arrondies et sans remplissage). On se dirige dans un endroit plus à l’abri pour discuter Lifestyle, codes et état des lieux de la graffsphère du sud de la France… je note qu’il est intéressant de constater que, réunis autour d’une pratique, se sont regroupés des jeunes bien différents les uns des autres, au point de vue sur leur activité comme sur la vie, qui varie en fonction de chacun, même au sein d’une même équipe
– Depuis combien de temps graffez-vous tous les trois ?
– G1- Ça doit faire 5 ans de manière plus ou sérieuse en fonction des périodes. Wahhhhh déjà 5 ans, c’est vrai ça…
– G2 – Ma première pièce c’était il y a 12 ans ! Puuutain… Et depuis 6 ans un peu plus sérieusement. C’était fou. Maintenant, c’est un peu plus chiant.
– G3 – Perso, ça doit faire 3 ans que je m’y suis mis un peu plus sérieusement.
– G2 – Mon frère faisait du break, et du graff aussi, je suis allé graffer avec lui et j’ai chopé le truc.J’ai vu des gars qui posaient, j’ai trouvé ça stylé, j’en faisais déjà sur papier pour le kiff. J’avais déjà fait quelques trucs quand j’étais petit genre CM2/6e, on avait chopé quelques bombes avec des potes.
– Ils signifient quoi vos blazes ?
– G2 – Ça veut dire mille trucs hein, en vrai tu trouves une idée sur le spot, tu te dis “oh vasy on fait ça” et c’est bon.
– Quels genres de merdes vous si-ont arrivées lors de sessions ?
– G2 – Bah se faire péter par les flics ! Certains d’entre nous on déjà eu quelques condamnations…
– Quels sont les codes quand tu poses un truc par exemple ?
– G3 – C’est au feeling, tu t’éclates quoi. On met la date pour que les passants voient de quand est la pièce, et puis même pour toi au cas où tu ne te souviens plus. Quand tu poses des pièces en étant saoul, vaut mieux mettre la date !
– G2 – Où alors tu mets des punchlines et tu rigoles en repassant devant.
– G3 – Genre toi, quand tu poses des noms d’actrices porno.
– G2- C’est vrai, j’adore ça. En mode Elsa Jean I Love You. Elle est grave bonne.
– G1 – On met la date sur les frets surtout. Ou alors juste un petit chiffre pour le style.
– Vous repassez sur les autres ?
– G1 – Rarement, et ce n’est pas une question d’ancienneté. Les vieux graffs on évite de repasser dessus d’ailleurs, c’est les anciens, des gros noms, même si la fresque s’est usée avec le temps, comme un spectre sur le mur.
– G2 – Ça dépend comment ! Si c’est un spectre et qu’y’a plus d’autre place… Frère, rien à foutre, désolé.
– G1 – Mais c’est comme tout, il y a le respect des aînés, normal. S’il y a un daron qui a posé une pièce il y a 10 piges, tu ne peux pas la faire sauter comme ça… Surtout si c’est pour faire un vieux flop par dessus.
– G2 – Désolé, s’il n’y a plus de place, je m’en fous, je prends. Ça fait partie des règles. A Cannes, il y a des gars qui peignaient sur des trucs de mecs qui sont mort juste parce qu’ils peignaient plus. Bah, il est mort, normal qu’il ne peigne plus…
– Petit lexique svp ?
– G1 – Un flop, c’est juste un style. Le reste, pour moi c’est du graffiti. Après, il y a plein d’appellations. Quand tu fais une grosse pièce construite avec des beaux contours etc… Tu dis ce que tu veux. Quand tu signes seulement, c’est un tag.
– G2 – Il y a quand même quelques règles. Tu repasses un tag avec un flop, un flop avec une pièce et si tu fais un vrai beau truc avec un fond etc, tu peux repasser une pièce.
– G3 – Quand tu repasses, vaut mieux faire bien. C’est sale de laisser transparaître la pièce du dessous par exemple… donc en général, tu mets un fond avec de commencer. Même si franchement on ne le fait pas tous…
– G2 – Ça, c’est sur le papier, en vrai on ne le fait pas trop (rires) ! Nique sa mère le fond.
– Qu’est-ce qui vous plaît le plus la dedans ?
– G1 – Avoir du vernis à ongle tous les jours.
– G2 – Moi, c’est de voir mon nom écrit.
– G3 – Tu fais des trucs partout et après en te baladant tu revois ce que t’as fait et tu regardes ceux des autres, c’est toujours marrant de voir les blazes des potes là où on passe.
– G2 – Ça fout les nerfs quand les autres chopent un spot que tu voulais faire ! C’est pour ça que c’est dur d’arrêter. Tu crois que tu vas arrêter, mais tu peux pas.
– G1 – C’est aussi pour délirer avec le potos en bonne partie. Tu passes ta nuit à roder avec tes potes. Limite les meilleurs moments, ce n’est pas quand tu es en train de peindre. Perso, je vais de moins en moins aller peindre seul parce que ça me fait chier.
– G3 – Ça fait des souvenirs, il y a plein de petites anecdotes qui en sortent. Une fois, j’avais oublié mon phone sur l’autoroute de nuit. Je m’en rends compte quand on arrive aux vélos. On retourne tous et on cherche pendant longtemps avec les flashs des autres téléphones et on arrive enfin à le retrouver, troooop bien !
– G1 – En soit, c’est juste un délire artistique différent, certains préfèrent sur du papier, nous on a cette petite adrénaline en plus, c’est plus marrant. T’es dehors la nuit, c’est cool. Ou quand tu tag de jour, les gens ils te matent tous bête. C’est peut-être ça qui rend accro’ le plus: le fait d’avoir un peu la pression. Tu sais que tu ne peux pas vraiment le faire à la vue de tout le monde quoi.
– Vous allez sur des spots légaux dès fois ?
– G3 – Ouais carrément, c’est des endroits où tu peux vraiment prendre ton temps pour faire des belles pièces. Tu peux t’entrainer. Ou juste se taper des délires, genre s’insulter sur un mur avec le gars juste à côté de toi pour le fun. Note qu’ici sur ste falaise on est cool ! Y a jamais personne ! On a fait c’te maison comme pour nous.
– C’est ça qui me plait. Je voudrais l’acheter pour en faire ma maison et en même temps les bureaux de mes magazines Chromes&Flammes, Gatsby, ainsi que le site web GatsbyOnline.
– G2 – C’est vraiment cool.
– G3 – Faut faire vite, y’a plein de gens qui passent…
– G2 – Tu dois être top allumé pour en faire ta maison et tes bureaux !
– Oui, sûrement, mais je laisserais absolument tous les graffs, je rajoute un plancher neuf et des meubles avant-gardiste, comme mon bureau, dont j’ai une photo dans mon G…
– G1 – Fait voir…
Je fait circuler mon G avec la photo..;
– G2 – Génial, ce serait top de top…
– G1 – Ouais ! C’est un plaisir, comme ça si tu publies les photos de la maison et du décor, sans oublier la situation et la vue démente, tu vas être le king de la Cote-d’Azur ! Sur les réseaux sociaux genre Instagram, ce sera fou.
– G3 – Mais ça ne restera ultraconfidentiel, y aura du monde qui va venir.
– G2 – Si les chefs de la mairie du coin veulent garder une bonne image de l’endroit parce qu’archi-touristique etc… Tu risques qu’ils refusent de te vendre…c’est mort quoi.
-G1-En vrai, il n’y a pas beaucoup de gens qui vont apprécier.
-G3-Le truc c’est de surprendre tout le monde, c’est que tout se fait effacer, on n’a plus trop d’intérêt à pousser loin. Sinon tu sais qu’en trois jours ou deux semaines ton truc sera parti quoi.
-G2- Y vont t-é-cl-a-t-e-r.
-G1-Moi je les comprends ces types. Ils veulent gratter des thunes. A un moment faut bouffer. Après, je trouve que c’est un peu du foutage de gueule de la part des lois. D’un côté, nous on se fait courser tout le temps, on se fait embrouiller par les keufs, si tu fais une belle pièce, elle va forcément sauter… et après ils payent des types pour peindre des trucs… bon.
– G3 – Le plus drôle c’est qu’ils te disent que tu as des murs d’expression libre, style : “allez peindre là bas les gars !”… Sauf qu’il n’y a que des gros artistes légaux et subventionnés qui font leurs pièces et à qui on paye la peinture. Si toi tu arrives, ta pièce elle saute dans la semaine, voire tu te fais embrouiller par eux parce que tu repasses sur leur truc.
– G2 – Et puis c’est toujours les mêmes qui sont payés… Si nous on vient et on leur demande si on peut faire une pièce, on va se faire envoyer chier tout fort. Ils vont tout de suite nous arrêter. En mode : “Ahhhh en fait c’est toi qui tag comme ça gros bâtard” !
– C’est une vision vachement bourgeoise de vouloir contrôler l’expression murale, les graffeurs, le mouvement etc.
– G1 – Du coup, forcément je trouve ça pété. Après comme dit c’est sûr que si t’as l’occasion d’en faire ton taff… tu ne vas pas cracher dessus. Mais ça perd son sens vandale, incontrôlable etc.
– G2 – Frère, si on me paye des sprays, moi je dis ok.
– G1 – Pour moi, c’est un délire gratuit et libre. Tu chopes ta peinture, tu vas peindre où tu veux et tu ne demandes rien à personne. Tu fais juste ton bail de manière complètement autonome de tout. C’est comme ça que je trouve la chose intéressante, c’est ce qui me fait kiffer.
– Vous avez une perspective politique de votre pratique du Graffiti ?
– G1 – Aujourd’hui, il y a plein de choses à faire, de manières de vivre en dehors de tout cadre, de contrôle institutionnel. Tu vois comment ça fonctionne avec le graffiti ? C’est pour être dans le coup, mais tout est contrôlé. Perso, je suis anarchiste, j’le baise l’état. Je suis dans ces bails là quoi. Je ne veux pas qu’il contrôle des choses, je veux le détruire.
– G2 – J’aime quand tu dis ces mots doux.
– G1 – Il n’y a pas trop ça ici, mais dans la plupart des mouvements autonomes des grandes villes, il y a plein de graffeurs. Des grosses équipes qui posent même plus des blazes, mais de trucs politiques. Bon, perso je trouve ça un peu pété, mais bref.
– G2 – Ouais nous aussi t’inquiète, on milite.
– A part, le fait de pouvoir se faire arrêter, c’est dangereux le Graff?
– G1 – Le nombre de fois où on aurait pu mourir en graffant… Quand tu te fais courser par les keufs sur l’autoroute euuuuuh… c’est un peu risqué. Pareil, quand t’es sur une voie ferrée ou sur un échafaud, c’est sûr que c’est chaud…
– G2 – Mais après on le sait. Quand tu prends un risque ou pas, c’est toi qui décide.
– Tu dessines depuis longtemps ?
– G2 – Ouais, j’ai toujours dessiné. Je dessine un peu de tout. Depuis que je suis gosse, je kiffe dessiner des lettres, de différents styles, différentes formes… J’aime bien la calligraphie. Et puis je voyais les plus grands graffer, je trouvais ça cool. J’ai fait mon premier graff à l’époque du collège, en sixième, c’était avec des potes. Je me souviens, on est allé choper des bombes et on a fait ça en pleine journée dans un quartier résidentiel, sur un mur au hasard, à même le trottoir. En vrai, on ne savait même pas ce qu’on foutait, c’était n’importe quoi (rires). Forcément, on s’est fait griller, quelqu’un a appelé les flics et on s’est fait choper au bout de 10 minutes. On était jeunes, maintenant on en rigole. C’est un bon souvenir.
– Quand est-ce que t’as réellement commencé le Graffiti ?
– G2 – Je suis vraiment rentré dans le délire au début du lycée, en seconde. C’est à ce moment là que j’ai rencontré mes collègues actuels. Eux, ils étaient déjà à fond dedans. Pour te donner un exemple, ils gardaient l’argent de la cantine et au lieu d’aller manger, ils allaient acheter de la peinture avant d’aller graffer des petits spots. Les mecs étaient trop chauds! Du coup, j’ai commencé à traîner avec eux et depuis, on peint ensemble.
– C’est quoi ton rapport personnel au Graffiti ?
– G2 – Je prends ça comme un kiff, c’est un délire comme un autre. Perso, je préférerai graffer comme si de rien n’était, à visage découvert. Quand tu montres aux gens que t’es en train de prendre plaisir à faire ce que tu fais, c’est limite s’ils n’y prêtent pas moins d’attention que quand tu te mets en mode cliché vandale, capuché, avec des vêtements sombres et un air stressé, style Banksys… ! Les gens vont être plus méfiants et vont moins apprécier ce que tu es en train de faire. Dans l’idée, je préfère justement graffer la journée que la nuit: je kiffe l’instant !
En rentrant à Saint-Tropez, je me suis direct mis en chasse de savoir ce qu’était cette maison… et grâce au Journal Var-Matin, j’ai trouvé : Construite il y a un siècle par Édouard-Alfred Martel, explorateur de l’Estérel, la bâtisse a enchaîné les revers de fortune avant d’être abandonnée. Par une belle journée ensoleillée de 2014, Alexandre Ayrault, enseignant à Cannes, s’offre une agréable balade sur la Corniche d’or. En longeant ainsi l’Estérel, il s’arrête à la pointe de Maubois, entre le Cap Roux et le Trayas. Là, il est intrigué par une maison au bord de la mer, idéalement située… mais visiblement abandonnée. Cette ruine, une verrue dans ce magnifique paysage mêlant l’ocre du porphyre au vert soutenu des pins et à l’azur de la Méditerranée, pique la curiosité du professeur au vif. C’est le point de départ d’un travail d’enquête qui le passionnera, lui et un groupe d’amis qu’il a fédéré autour de cette trouvaille, pendant plus de quatre années.
Rapidement, le professeur découvre aux archives départementales que la bâtisse est vieille d’un siècle et qu’elle a été construite par un certain Édouard-Alfred Martel. Le nom lui dit quelque chose… et pour cause, le personnage est tout de même considéré internationalement comme le père de la spéléologie moderne. Tombé très tôt amoureux de l’Estérel, l’homme est aussi un personnage important dans l’Est-Var. Martel, en géographe averti, est à l’origine de la première cartographie précise de l’Estérel. Puis il sera un défenseur du tourisme dans le massif volcanique et même l’instigateur de la construction de son enviée Corniche d’or. En 1917, Édouard-Alfred Martel concrétise un vœu qu’il a formulé trois décennies plus tôt et fait construire cette fameuse demeure de la pointe Maubois. Il y séjourne régulièrement jusqu’à sa mort, en 1938.
Mais l’histoire de sa maison n’est pas terminée pour autant, sa femme Aline de Launay-Martel, hérite de la maison après sa mort. Elle décide donc de la vendre en 1943. Peu après, la maison est réquisitionnée et occupée par l’Ost Bat 661, une compagnie composée de volontaires russes et allemands qui y implante batteries anti-aériennes, postes de surveillance et champs de mines immergées afin d’assurer la protection de la côte et du viaduc d’Anthéor. Endommagée par un bombardement aérien la veille du débarquement de Provence, la maison de la pointe de Maubois est vendue par son propriétaire en 1951. Elle ne sera réhabilitée et transformée qu’en 1957. Elle fait ensuite l’objet de spéculation immobilière et est de nouveau vendue en 1981, en 1982 et en 1985.
C’est à partir de ce moment-là que les choses vont quelque peu se gâter. En effet, l’acheteur, un homme d’affaires suisse, rencontre de graves problèmes: la justice a lancé un mandat d’arrêt international à son encontre pour escroquerie. Il laisse alors la maison sans surveillance et celle-ci subit des effractions multiples, des vols, des dégradations, un pillage en règle et pour finir un squat. En 1996, la bâtisse va retrouver une seconde jeunesse… mais pour quelques semaines seulement. Rénovée pour le tournage du film d’action “Double team” avec Jean-Claude Van Damme, le scénario prévoit qu’elle soit victime d’une sensationnelle explosion. Voilà la maison de Maubois plus endommagée que jamais. La ruine est alors vendue aux enchères par le tribunal de Draguignan l’année suivante et achetée par la société “Les tamarines”.
Il s’agit là encore d’un vendeur de biens qui pensait faire une opération financière intéressante. Trois mois après cet achat il trouve acquéreur pour trois fois le prix initial. S’en suit une préemption de la mairie pour lutter contre ce genre de spéculation. D’autant que plus personne ne connaît l’histoire de la maison, ni la mairie, ni le parc naturel de l’Esterel, ni les propriétaires. Différents procès sont intentés, la vente sera alors annulée pour éviter la préemption. Les gérants demandent alors l’autorisation de la remettre en état… la mairie refuse. S’en suivra une série de procès, d’abord au tribunal administratif de Nice, en décembre 2003. En première instance le propriétaire remporte son procès. La mairie fait appel à la cour administrative d’appel de Marseille mais le propriétaire gagne une deuxième fois en octobre 2007. Enfin, c’est le Conseil d’État qui le déboute, en novembre 2013. Mais personne n’a étudié l’histoire où l’intérêt culturel de cette maison.
Aujourd’hui, la propriété est entre les mains du groupe d’amis qui se sont fédérés autour d’Alexandre Ayrault qui a mené une extraordinaire enquête que j’ai consulté dans Var-Matin… Ces derniers n’ont qu’une idée en tête : préserver la mémoire de Martel via cette bâtisse qu’il a tant chérie.
– Alexandre Ayrault – Cette maison présente un réel intérêt historique, elle est liée à un personnage d’envergure internationale. Si Alphonse Karr a développé la connaissance de Saint-Raphaël, Édouard-Alfred Martel a été la cheville ouvrière du tourisme dans l’Estérel qu’il a découvert puisque c’est à travers ses nombreux articles qu’il incitera le plus grand nombre à venir explorer ses beautés. Il a cartographié cette région, et a été l’artisan de la nouvelle route de la corniche, allant jusqu’à octroyer gratuitement une partie de son terrain. L’Estérel n’aura pas le cœur de l’oublier et de laisser disparaître la maison dont il a si longtemps rêvé et qu’il a mis tant de soin à construire. Nous souhaitons nous placer dans un but de reconnaissance, de devoir de mémoire. Bien qu’encore sous forme de société, les porteurs de parts ont désormais pour but de valoriser ce patrimoine, de façon désintéressée et redonner à Martel la place qu’il mérite dans l’Esterel”…
Le hic, c’est que le terrain est en zone non constructible et qu’aucun chantier n’y est permis. Alexandre Ayrault et ses camarades souhaiteraient que la restauration soit rendue possible par tous les moyens juridiques possibles… Mais l’entreprise est mission impossible selon la municipalité. Aussi intéressante soit l’histoire de cette maison et, surtout, de celui qui l’a fait bâtir, les chances de la voir renaître son bien mince, surtout si un fou comme moi, voudrait la garder telle quelle, entièrement taguée…
– “Dans la mesure où elle a été considérée comme ruine dans l’arrêt du Conseil d’État, et ce à la suite d’un sinistre volontaire ayant eu lieu pendant le tournage du film, sa reconstruction est impossible”, a jugé le maire Frédéric Masquelier, qui était l’avocat au moment où ces procès ont eu lieu. Il m’a dit également que l’arrêt du Conseil d’État était définitif, ajoutant que c’était une zone qui a vocation à rester naturelle et qu’il ne voyait pas de raison de déroger à la règle. Et quand bien même si on souhaiterait que cette maison soit réhabilitée, on ne le pourrait pas !
Après des mois de négociation, alors qu’on arrivait à d’importants montants de plus de 10 millions, j’ai marqué mon accord, qui valait compromis… Et… alors qu’on signait le lendemain, un appel téléphonique anonyme m’a incité à aller voir la maison et que j’allais avoir une surprise… Elle avait été repeinte (assez mal) en ocre jaune, la totalité des peintures artistiques et graffitis étaient ainsi détruits, effacés, s’en était terminé…, c’étaient les graffitis qui donnaient le statut d’œuvre d’art à cette maison, sinon assez moche, mais qui disposait d’une vue panoramique sur les roches rouges et la Méditerranée !
Edouard-Alfred Martel est surtout connu pour être le père de la spéléologie moderne. L’un des plus grands lacs souterrains au monde, à Majorque, en Espagne porte son nom. Il y a une galerie Martel au Katavothra de Taka, en Grèce, comme il y a une avenue Martel dans la Mammoth Cave du Kentucky, aux USA, pour ne citer que quelques exemples. En France, il est notamment connu pour avoir exploré le Gouffre de Padirac, la grotte de l’Aven Armand ou encore les Gorges du Verdon. Dans l’Est-Var, son passage a laissé moins de traces… et pourtant, c’est à l’âge de 18 ans que Martel découvre l’Estérel, en 1877, bien loin de ce paradis de la randonnée que l’on connaît aujourd’hui, le massif est alors toujours sauvage. Martel le décrit alors ainsi : “Ni chemins ni routes ne sillonnaient les rudes éboulis, seul un médiocre sentier de douaniers longe la côte”…
Le jeune aventurier entreprend alors des levées topographiques qui aboutissent à la rectification de la carte d’état-major du secteur. L’histoire d’amour entre ce natif de la région parisienne et l’Estérel ne s’arrête pas là. Au contraire, il y retourne régulièrement dans les années qui suivent et fait le vœu d’y passer ses vieux jours. En attendant, il continue son exploration du massif volcanique, notamment par la mer, afin de réaliser une carte de l’Estérel. Il la termine en 1898 et, l’année suivante, rédige un guide du promeneur. Sa carte, vendue par l’intermédiaire du Touring club de France, rencontre le succès. On la trouve aussi dans différents ouvrages comme le Guide Joanne et elle est utilisée par la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) pour le développement touristique de la région… mais on fera de moins en moins référence à Martel sur ces cartes, jusqu’à ce que son nom disparaisse totalement.
Ardent défenseur de la beauté de l’Estérel dont il souhaite développer l’attrait touristique, Edouard Martel envisage alors une route carrossable pour y accéder: la Corniche d’or. Il en sera la cheville ouvrière. Si l’histoire retient le président du Touring club, Abel Ballif, comme l’instigateur de ce projet, le rôle clé de Martel ne doit pas être minimisé. En effet, Martel est membre du comité technique et c’est bien lui qui construira le premier dossier en vue de la réalisation de cette route. Sa connaissance millimétrée du terrain lui donne une certaine autorité en la matière. Le Touring club reconnaîtra même que rien n’aurait été possible sans lui. La route est inaugurée en 1903 par le ministre des Travaux publics, Émile Maruéjouls. En 1917, âgé de 58 ans, Édouard-Alfred Martel se décide à concrétiser un vœu qu’il a fait trois décennies plus tôt. Martel est alors propriétaire de trois terrains, situés pointe de Maubois, d’une surface totale de deux hectares. La commune l’appelle lotissement des terrains du Trayas, poursuit Alexandre Ayrault. Sentant la fin de sa vie se rapprocher, il va enfin se décider à s’installer dans l’Esterel. Et le 1er mai 1917 il contresigne les plans de l’architecte cannois Sir James Warnery qui a déjà construit la villa de son cousin Gaupillat dans l’Estérel ou encore le parc par la mairie de Saint-Raphaël. Sa maison achevée, il va y passer trois ans et il y séjournera régulièrement jusqu’en 1936, moment à partir duquel sa santé se dégrade jusqu’à sa mort, deux années plus tard.
En 1996, la maison de la pointe de Maubois est utilisée comme lieu de tournage du film d’action Double team avec Jean-Claude Van Damme, Mickey Rourke et le basketteur Dennis Rodman. Pour les besoins du tournage, les deux façades visibles sur les plans des caméras ainsi que le rez-de-chaussée sont rénovés, une terrasse est ajoutée, le terrain est aménagé et une piscine y est creusée. Le tout pour une somme avoisinant, semble-t-il, les 600 000 francs, soit plus de 120 000€. Une réhabilitation qui sera de courte durée: le toit est pulvérisé par une explosion prévue dans le scénario. On retrouve encore aujourd’hui des tuiles à plusieurs centaines de mètres à la ronde
Survivre sera bientôt illégal…
Les murs n’ont pas que des oreilles : ils ont aussi des yeux et des bouches. Les veines sont les rues, les ruelles, les entrées de cours, les parcs… Le sang est représenté par les graffitis qui sont symbole de vie et d’affirmation de soi. Le caractère existentiel de ces graffitis, révèle un mal de vivre et témoigne de l’existence précaire de ceux qui n’ont que les murs pour parler. En écrivant sur les murs, le graffiteur exprime sa révolte, son désir désespéré de se faire entendre. Il crie “Je suis là”… Le graffiti a ainsi une valeur thérapeutique : il rend moins lourde l’angoisse causée par la conscience de sa propre finitude.
Les adolescents se demandent pourquoi la vie, ils sont préoccupés par le suicide et leurs mots reflètent un malaise profond… des exemples : “Pourquoi en la nuit rechercher l’aurore ?” ; “Notre héritage = du vent” ; “Ils ont le pouvoir, nous avons la nuit“. Les jeunes semblent obsédés par un sentiment d’échec et d’ennui total. La misère et la révolte reviennent en revanche très souvent et donnent parfois lieu à des trouvailles littéraires comme : “Faim de tout” ; “Unis contre le mal-être social” ; “Pas de riches dans mon quartier/pas de quartier pour les riches“. Des moralistes sont également à l’œuvre ; à un graffiti : “Make love” quelqu’un a ajouté “Si marié, sinon c’est l’enfer“…
Graffiti vient de l’italien graffito, qui au départ désignait un stylet à écrire, qui a le même sens qu’en français. L’usage n’a pas retenu une tentative de francisation en graffite (fin XIXe siècle), ni le singulier graffito qu’utilisait, entre autres André Malraux. On dit un graffiti, des graffiti, mais le pluriel en ‘s’ (graffitis) se rencontre de plus en plus dans l’usage et le bon sens. Le mot italien graffiti dérive du latin graphium (éraflure) qui tire son étymologie du grec graphein qui signifie indifféremment écrire, dessiner ou peindre. En français, les graffitis issus de la tradition new-yorkaise et associés à la culture Hip-hop sont souvent appelées graffs (mais les pochoiristes des années 1980 parlaient aussi de graffs), parfois improprement orthographiés graphes. Les auteurs de ces graffitis sont appelés graffeurs et graffiti-artists plutôt que graffiteurs. En québécois, il n’est pas rare de qualifier les graffiti-artists de graffitistes. Les mots-valise “calligraffiti” et “calligraffitiste”, attribués à Bando dans “Le Livre du Graffiti” (éd. Autrement, cf. bibliographie) n’ont pas été retenus par l’usage. En anglais, on parle de graffiti-artists, writers ou encore aerosol artists. Ces graffeurs peignent leur “blaze” ou celui du collectif (Posse, crew, squad) auquel ils appartiennent… ainsi il est a priori douteux de qualifier les peintures rupestres de graffitis, car nous ignorons leur statut à l’époque. On distingue généralement le graffiti de la fresque par le statut illégal ou en tout cas clandestin, de l’inscription.
Les graffitis ont une grande importance en archéologie : ils font partie, avec les textes épigraphiques, des témoignages écrits non littéraires, populaires, souvent très “vivants” et aptes à nous révéler des aspects inédits des sociétés qui les ont produits. Les graffitis antiques pouvaient être aussi bien des annonces électorales, des messages de supporters à certains athlètes (sportifs ou gladiateurs), des messages à contenu politique, religieux, érotique ou pornographique, personnel, etc. Quelques exemples : “Cornelia Helena est la maîtresse de Rufus” ; “J’ai baisé ici le 19 et le 13 des calendes de septembre” ; “Pyrrhus salue son confrère Chius. J’ai de la peine d’avoir appris que tu étais mort. Alors adieu” ; “Si tu as compris ce que peut l’amour, si tu as conscience d’être humain, prends pitié de moi, permets-moi de venir, Fleur de Vénus… ” ; “Tu es une charogne, tu es un rien du tout” ; “Mur, je suis surpris que tu ne te sois pas effondré sous le poids des bêtises de tous ceux qui ont écrit sur toi“.
Ces graffitis sont généralement rédigés en latin vulgaire et apportent de nombreuses informations aux linguistes comme le niveau d’alphabétisation des populations (car ces textes comportent des fautes d’orthographe ou de grammaire). Du fait même de la présence de ces fautes, ces textes fournissent aussi des indices sur la manière dont le latin était prononcé par ses locuteurs. On peut encore lire des graffitis âgés de deux millénaires à Pompeï car c’est l’un des rares sites qui soit suffisamment bien conservé. En effet, les graffitis sont par essence éphémères et disparaissent, soit parce que leur support a disparu, soit parce qu’ils ont été effacés manuellement ou qu’ils ont été victimes de l’érosion naturelle de leur support. Ces inscriptions ont parfois une importance historique qui est loin d’être anecdotique, en prouvant par exemple que des mercenaires grecs ont servi en Égypte au VIIe siècle avant l’ère chrétienne. L’Antiquité et le Moyen Âge ont laissé de nombreux exemples de graffitis : l’Agora d’Athènes, la Vallée des rois en Égypte, les grands caravansérails du monde arabe, etc. Dans la cité d’Éphèse, on trouvait des graffitis publicitaires pour les prostituées, indiquant de manière graphique à combien de pas et pour combien d’argent on pouvait trouver des professionnelles de l’amour. On connaît de nombreux autres exemples anciens : graffitis maya à Tikal (Guatemala), graffitis vikings en Irlande ou à Rome, runes varègues en Turquie, etc.
On trouve souvent des graffitis, parfois très anciens, dans des endroits abrités de la lumière, de l’humidité et peu décorés, tels que les cellules de prisons, les cellules monacales, les casernes, les cales des bateaux, les caves, les catacombes (les graffitis des premiers chrétiens, dans les catacombes romaines, sont une importante source de documentation à leur sujet), etc… la Tour de la Lanterne à La Rochelle, en France, est riche de graffiti de prisonniers, ouvriers et marins, qui sont pour nombre d’entre eux des bateaux : frégates, vaisseaux de guerre, etc. Certains meubles en bois sont souvent gravés d’inscriptions : tables et bancs d’écoles, portes de toilettes publiques. Vers l’âge de la cinquantaine, Restif de la Bretonne, écrivain libertin du XVIIIe siècle, rapportait les évènements de sa vie sous forme de graffitis qu’il faisait sur les parapets des ponts de l’Île Saint-Louis lors de ses promenades quotidiennes. Il a abandonné cette activité maniaque (qui a duré de 1780 à 1787) en constatant la disparition trop rapide de ses mots et après s’être rendu compte qu’une main malveillante les effaçait. Il effectue alors le relevé de ses propres mots qu’il transcrit finalement dans un recueil publié posthumément et intitulé “Mes inscriptions”.
Le graffiti urbain se développe souvent dans un contexte de tensions politiques : pendant les révolutions, sous l’occupation, (le reichstag à Berlin couvert de graffiti par le troupes russes), pendant la guerre d’Algérie, en mai 1968, sur le Mur de Berlin ou dans les régions où se posent des problèmes d’autonomie (Bretagne des années 1970, Irlande du Nord, etc.). Vers la fin des années 1960 et dans plusieurs pays des deux côtés de l’Atlantique, du fait notamment de la disponibilité d’aérosols de peintures émaillées (originellement destinées à la peinture d’automobiles), une partie des graffitis a gagné une vocation esthétique. Le mouvement a été très spectaculaire dans le métro de New York dont les rames se sont subitement couvertes de noms : Taki 183, Tracy 168, Stay High 149, etc. En quelques années, ces “tags” (marques) se sont sophistiqués et sont devenus des signatures, puis leurs auteurs ont décliné leur message (leur nom) sous forme de lettrages géants. La simple affirmation d’une identité (je me surnomme Taki, j’habite la 183e rue, mon nom parcourt la ville tous les jours, j’existe) s’est doublé d’ambitions plastiques, qui se sont révélées être un autre moyen de se faire remarquer : ce n’est plus seulement le graffeur le plus actif ou celui qui prend le plus de risques qui obtient une forme de reconnaissance, mais aussi celui qui produit les œuvres les plus belles.
Très rapidement, des styles standardisés (lettrage bulles, lettrage wild style) et des pratiques (top-to-bottom whole car, Whole Car Windows Down, throw-up, etc.) se cristallisent. Des groupes (appelés “posses“, “crews“, “squads” ou “gangs“), comme la ville de New York en a toujours connus, se forment et permettent aux graffeurs de s’unir pour exécuter des actions spectaculaires (peindre plusieurs rames d’un train par exemple), pour ajouter un nom collectif à leur nom individuel mais aussi pour s’affronter entre groupes, de manière pacifique ou non. En 1973, le New York Magazine lance le concours du plus beau graffiti du métro. Ces groupes sont souvent constitués par origines ethniques et ont pour noms des acronymes en deux ou trois mots : Soul Artists (SA), The Crazy Artists (TCA), etc. Au milieu des années 1970, la culture du graffiti est plus ou moins figée dans son fonctionnement et dans ses productions. La culture hip-hop émerge du graffiti mais aussi d’autres formes d’expression nées en même temps : une nouvelle danse plutôt acrobatique (break dance), un genre musical à base de textes parlés (rap), de mixage de disques (dee jaying), (scratch) et de fêtes en plein air (sound systems). Les deux pionniers les plus célèbres d’une conjonction entre break dance, rap, dee-jaying et graffiti sont Phase 2 et Fab Five Freddy.
À la fin des années 1970, le graffiti a été sévèrement réprimé dans le métro de New York et a commencé à se diffuser sur les murs des boroughs défavorisés de la ville avant d’essaimer dans d’autres grandes villes américaines (Los Angeles, Chicago, Philadelphie, Washington) et dans diverses grandes villes européennes : Paris, Londres, Berlin, Amsterdam et Barcelone surtout. C’est à cette époque aussi que le milieu de l’art commence à se pencher sérieusement sur le sujet. Des graffiteurs légendaires tels que Lee Quinones, Futura 2000 ou Fab Five Freddy peignent sur des toiles et exposent leur travail dans des galeries telles que la Tony Shafrazi Gallery ou la Fun Gallery de Patti Astor, la galerie Fashion Moda ou encore la Galerie Sydney Janis. Des peintres qui ne sont pas spécialement issus des quartiers défavorisés de New York et qui ont généralement suivi un cursus classique en Arts ou en communication visuelle, intéressés par l’idée d’un art urbain ou d’un art clandestin, s’associent aux graffiteurs (comme Jenny Holzer, qui fera écrire ses “truismes” à la bombe par Lady Pink) ou s’approprient leur pratique (Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Kenny Scharf, Rammellzee)… c’est sans doute la première fois que l’on évoque le graffiti comme un art.
En 1960, Brassaï publie le livre Graffiti, fruit de trente ans de recherches, régulièrement réédité, qui propose le graffiti comme une forme d’Art brut, primitif, éphémère… Picasso y participe. Dans la foulée de mai 1968, les messages politiques de la rue parisienne gagnent en poésie et en qualité graphique. Ils sont notamment le fait d’étudiants en philosophie, en littérature, en sciences politiques ou en art et font souvent preuve d’humour absurde ou d’un sens de la formule plutôt étudié : “Cache-toi, objet !” ; “Une révolution qui demande que l’on se sacrifie pour elle est une révolution à la papa” ; “Le bonheur est une idée neuve” ; “La poésie est dans la rue” ; “La vie est ailleurs” ; “Désobéir d’abord : alors écris sur les murs (Loi du 10 mai 1968.)” ; “J’aime pas écrire sur les murs“, etc.. Ces slogans sont indifféremment écrits au pinceau, au rouleau, à la bombe de peinture (plus rare) ou sur des affiches sérigraphiées. C’est de cet affichage sauvage et militant que naît une tradition parisienne du graffiti à vocation esthétique. À la fin des années 1970, l’artiste Ernest Pignon-Ernest produira des affiches sérigraphiées, sans slogans, qu’il exposera dans plusieurs grandes villes : “les expulsés“, collés sur les murs de maisons en démolition et représentant à taille réelle des personnes tenant des valises ou un matelas, “Rimbaud“, représentant le poète, jeune, toujours à taille réelle. Les sérigraphies urbaines d’Ernest Pignon-Ernest interpellent le passant et lui demandent quelle est la place de l’homme ou de la poésie dans la cité moderne.
Quelques années plus tard, les premiers “pochoiristes” comme “Blek le rat” continueront sur le même principe, cependant leurs œuvres ne sont plus des affiches collées mais des peintures exécutées selon la technique du pochoir… outre les pochoiristes, de nombreux artistes s’intéressent à l’art urbain et clandestin, comme Gerard Zlotykamien, qui peint des silhouettes évoquant les ombres macabres restées sur les murs d’Hiroshima ; Jérôme Mesnager, auteur d’hommes peints en blanc qui courent sur les quais de la Seine, etc. Dès 1982, pour annoncer leur “premier supermarché de l’art“, Roma Napoli et JJ Dow Jones du Groupe Dix10 placardent dans le quartier Beaubourg de grandes affiches aux personnages de Comic’s ; vingt ans plus tard, toujours actifs, on les retrouve dans le mouvement “Une nuit”. C’est aussi l’époque de la Figuration Libre, une époque de créativité joyeuse et humoristique, née du Pop-Art, de Bazooka, du vidéo clip, du graffiti, souvent présente dans la rue, avec Robert Combas, Les Frères Ripoulin (qui peignaient sur des affiches posées clandestinement), Claude Costa (qui se fait enfermer la nuit dans le métro pour pouvoir en détourner les affiches), Hervé Di Rosa, Speedy Graffito, Paëlla Chimicos, VLP (Vive La Peinture), etc…, outre la rue, les catacombes de Paris seront aussi à l’époque un lieu important du graffiti.
Le graffiti “New-yorkais” apparaît en France dès 1982-1983, avec des artistes comme Bando, Blitz, Lokiss, Scipion, Skki ou encore Saho. Les premiers articles de presse consacrés à ce phénomène ne datent pourtant que de 1986. Vers 1986-87, le graffiti “New-yorkais” et sa culture hip-hop prennent définitivement le pas à Paris sur les formes plus proches du monde de l’art contemporain, lequel retourne, sauf exception, à ses galeries. À Paris, le graffiti “New-yorkais” se trouve des lieux privilégiés comme les quais de la Seine, les palissades du Louvre ou du centre Georges-Pompidou, le terrain vague de Stalingrad/La Chapelle, puis s’étend progressivement aux cités des banlieues où la culture hip-hop trouve son second souffle en devenant plus populaire et moins bourgeoise. Paris attire de nombreux graffiteurs européens (Shoe, Mode 2) mais aussi américains (Jonone, Futura 2000, T-Kid, A-One).
En 1961, le Mur de Berlin est construit. Il sépare symboliquement et physiquement l’Europe socialiste dite “de l’Est” de l’Europe atlantiste dite “de l’Ouest“. Tandis que les Allemands de l’Est n’ont pas le droit d’approcher le mur, ceux de l’Ouest viennent de leur côté écrire des slogans, bénéficiant d’une totale bienveillance des autorités de l’Allemagne fédérale qui fait de Berlin à l’époque la capitale allemande de la liberté, de l’art et de la contre-culture : on y a le droit de consommer du hashish, de nombreux squats y prospèrent et c’est un des hauts lieux du Punk, avec Londres et New York. De nombreux artistes viennent alors du monde entier pour peindre sur le mur qui est à peu près intégralement maculé au moment de sa destruction, en 1989. En Espagne, la culture hip-hop a percé plus tardivement que dans le reste de l’Europe. La ville de Barcelone accueille pourtant une quantité extraordinaire de graffitis atypiques et créatifs qui mixent revendications sociales et politiques, graphisme underground et, dans une certaine mesure, culture hip-hop.
Le graffiti “New-yorkais” se caractérise par des formes relativement définies où la créativité individuelle s’exprime dans un cadre codé et impliquant l’adhésion à toute une culture (vocabulaire, lieux, préoccupations, goûts musicaux, etc.). Il existe de nombreuses techniques de graffiti ou d’art de rue assimilables, telles que : la peinture aérosol (avec ou sans pochoir), la peinture à l’aérographe, la gravure (sur des vitres, sur des murs, sur des plaques métalliques, sur l’écorce des arbres, etc.), le marqueur et le stylo, la craie, la peinture au rouleau ou au pinceau, l’acide (pour vitre ou pour métal) auxquels on peut adjoindre, dans une définition élargie du graffiti, l’affiche, les autocollants, les moulages (en résine ou en plâtre collés sur les murs) et la mosaïque.
On y distingue généralement trois niveaux de production :
– Le “Tag” (marque, signature) est le simple dessin du nom de l’artiste, le geste est généralement très travaillé, à la manière des calligraphies chinoises et japonaises, c’est un logo plus qu’une écriture, et souvent, seuls les habitués parviennent à déchiffrer le nom qui est écrit, es techniques utilisées sont généralement l’aérosol, le marqueur et l’autocollant “sticker“.
– Le “Graff‘”, ou “Fresque“, ou “burning” (et en français “brûlure“), ou “Piece” voire “Masterpiece” (chef d’œuvre) est le nom souvent donné aux graffitis sophistiqués et exécutés en plusieurs couleurs.
– Le “Throw-Up“, ou “Flop“, est une forme intermédiaire entre le Tag et la fresque : il s’agit de grands dessins de lettres, et non de signatures, pourvus d’un “volume” et de contours mais qui sont exécutés rapidement et sans soin particulier (pas d’effort de couleur par ex.), ils servent à promouvoir le nom de l’artiste d’une manière qui soit visible de loin, certains font aussi la démonstration du talent typographique de l’artiste.
Il existe un grand nombre de styles pouvant s’appliquer aux fresques et parfois aux “flops”, par exemple le style bulle “Bubble“, le “Chrome” (couleur argentée), le “Block Letter” (lettres carrées et compactes) et le “Wildstyle” dans lequel les lettres sont illisibles, abstractisées, enchevêtrées et décoratives, lisibles uniquement par les initiés. C’est, selon beaucoup, la discipline “reine” du graffiti “New-yorkais” tandis que pour d’autres ce sont les lettrages les plus simples et les plus purs typographiquement parlant qui méritent le plus de considération. Certains graffiti-artists peignent peu de lettres et se spécialisent dans le dessin de décors figuratifs ou abstraits, ou bien de personnages. Le graffiti “New-yorkais” s’inspire de plusieurs arts dits “mineurs”, tels que la bande dessinée, le tatouage et l’affiche.
De nombreuses raisons expliquent l’existence de graffitis. Certains relèvent de la communication pure et servent donc à diffuser un message, par exemple un message politique, souvent (mais pas uniquement) un message politique clandestin : nationalismes régionaux en Irlande du nord, en Bretagne ou en Corse, “V” de la victoire et de la liberté sous l’occupation nazie, etc. Certains graffitis contiennent des informations secrètes ou publiques se rapportant au lieu qui leur sert de support. C’est le cas par exemple des graffitis discrets et codés laissés par les cambrioleurs sur des habitations pour indiquer à leurs collègues si le lieu est intéressant, dangereux, mal gardé, etc. C’est le cas aussi des étoiles de David ou des mentions “juden” peintes ostensiblement sur les boutiques de commerçants juifs par les nazis en Allemagne dans les années 1930, inscriptions qui étaient souvent des appels à vandaliser les lieux, à molester leurs locataires et à boycotter les commerces.
Dans le même registre, certains graffitis sont des messages diffamatoires ou des dénonciations anonymes émanant de “corbeaux” divers. Certains graffitis servent à baliser un territoire, comme le font les gangs criminels tels que les Crips et les Bloods à Los Angeles. Parfois les graffitis peuvent être décrits comme des réactions à d’autres messages diffusés dans l’espace urbain, telles que les publicités détournées (Le Pen se voit ajouter is ou dre) ou commentées (non à la malbouffe !, halte au porno !) et les panneaux de signalisation, mais aussi des réponses à d’autres graffitis (nique Sharon — pour Ariel Sharon — qui se voit ajouter Stone — pour Sharon Stone) ou des détournements d’autres graffitis (vive le roi, qui devient vive le rôti dans les années 1930 en France).
Le collectif des déboulonneurs, créé en 2005, s’est par exemple spécialisé dans le graffiti sur des affiches publicitaires, dans un but militant de préservation du paysage. De nombreux graffiteurs-artistes affirment justement créer leurs images en réaction à la saturation publicitaire : à des images aux buts vénaux, ils opposent des images gratuites ; à des messages faisant la promotion de produits standardisés, ils opposent une publicité pour eux-mêmes. Il s’agit d’ailleurs parfois de publicité au sens propre : publicité pour un disque diffusé de manière confidentielle, pour un groupe de rock, pour un artiste, pour un parti politique, etc. Certains graffitis sont la simple expression, anonyme ou non, de sentiments : cris du cœur divers, joie (il fait beau et je suis content), déclaration d’amour (Mélissa je t’aime) ou de haine. On recense depuis l’antiquité de nombreux exemples d’hommages à des défunts, sur leurs sépultures (voir par exemples les tombes de certains artistes ou poètes au cimetière du Père-Lachaise à Paris) ou dans d’autres lieux : le mur de la maison de Serge Gainsbourg, rue des Saints-Pères à Paris, était couvert de graffitis-hommages après le décès du chanteur. Les hommages de ce type sont courants aussi dans le graffiti “New-yorkais“.
L’attaque terroriste du 11 septembre 2001 a généré une grande quantité de graffitis mémoriels, rendant notamment hommage aux services (police, pompiers) de la ville. Il est fréquent aujourd’hui que lorsqu’un tagueur décède, ceux qui taguaient avec lui lui rendent hommage en continuant à poser son blaze, suivi de la mention R.I.P (Rest In Peace) ou R.E.P en français (Repose En Paix). La mémoire est d’ailleurs un aspect important du graffiti : en gravant sur un arbre ses amours, en dessinant sur ses bancs d’école ou en inscrivant sur un mur le témoignage de son passage (comme les pionniers de la piste de l’Oregon, en 1864, ou comme “Kilroy” en 1944), l’auteur de graffiti transforme son support en un véritable pan de mémoire : mémoire collective, mémoire des événements, mémoire individuelle… Cette motivation prend un tour exemplaire avec Restif de la Bretonne qui tenait le journal de ses souvenirs sur les parapets des ponts de Paris.
Le graffiti relève parfois de l’art visuel, de la littérature ou encore de l’humour. Il constitue alors une manifestation de l’esprit humain, poétique de par son aspect éphémère et altruiste de par son mode de diffusion. Enfin, certains graffitis relèvent du simple vandalisme, de l’incivilité, actions qui pour certains sociologues sont une manière d’affirmer son existence (je casse donc je suis). Certains jeunes peuvent en effet trouver à travers le graffiti, un désir de revanche sur la vie et d’affirmation de soi, ou encore un moyen d’oublier la morosité et la tristesse de leur vie… il se donne souvent des ambitions esthétiques mais constitue dans le même temps une forme de langage secret, destiné à n’être compris que par une population limitée, ce qui ne va pas sans irriter le public qui perçoit bien qu’on lui impose la vue d’images qui ne lui sont pas destinées. Le graffiti “hip-hop“, ou “tag“, qui représente 90 % des graffitis aux États-Unis et sans doute autant dans la plupart des pays, est un cas complexe…, c’est le paradoxe du tag : ses auteurs recherchent les meilleurs emplacement et en posent un maximum mais les rendent le plus illisible possible.
Chaque tagueur a un pseudonyme et une signature ( blaze) qu’il utilise pour revendiquer des œuvres ambitieuses mais aussi (plus couramment, car c’est plus facile), pour signaler sa présence dans un lieu et se faire connaître, transformant la ville en une sorte de jeu de piste et de stratégie géant…, le “tag” a effectivement sa culture propre. Un tagueur peut avoir plusieurs talents : une capacité à peindre dans des endroits difficilement accessibles, l’énergie et le culot suffisants pour écrire son nom partout (le vocabulaire consacré est explicite : “exploser“, “détruire“, “cartonner“…) ou encore un talent artistique véritable. Le but final du “tag” est apparemment difficile à expliquer : adrénaline ? célébrité locale ?… C’est la forme de graffiti qui déclenche le plus de controverses, notamment du fait de l’ampleur du phénomène mais aussi, sans doute, du fait qu’il est l’expression d’une culture bien définie.
La Ville de New York et la Metropolitan Transportation Authority ont pris vers la fin des années 1970 la décision d’éradiquer le graffiti du métro. L’accès aux rames est devenu plus difficile et bien gardé, les métros peints n’étaient plus sortis et étaient nettoyés le plus rapidement possible. De 1984 à 1989, mille employés du métro new-yorkais se sont acharnés à nettoyer leurs 6245 wagons et 465 stations, pour un coût annuel de 52 millions de dollars. Ces efforts pousseront les graffiteurs à abandonner le métro pour peindre sur des murs et sur des toiles…, certains devront, au passage, changer de nom. Le mandat du maire Rudolph Giuliani, à partir de 1994, qui prône une “tolérance zéro” à la délinquance, fera du graffiti urbain non autorisé une de ses cibles prioritaires, considérant qu’un délit impuni, qu’une cabine téléphonique endommagée, qu’un tag ou qu’un simple carreau cassé sont le début de la paupérisation de tout un quartier.
En France, c’est surtout le graffiti politique qui est pourchassé avec sévérité et le graffiti à vocation visuelle est d’abord considéré comme une curiosité ; mais dès le milieu des années 1980, la ville de Paris s’équipe de machines à pression pour effacer les graffitis sur les murs et commence, tout comme la RATP, à déposer des plaintes. L’époque est aussi celle d’une débauche d’affichage sauvage à caractère publicitaire (politique, services minitels) et les machines anti-graffiti servent aussi à retirer les affiches. Vers 1987, les métros parisiens sont même couverts de tags et la population se lasse nettement, ce qui conduira à un durcissement judiciaire (y compris dans les lieux qui traditionnellement ne posaient pas de problèmes comme les entrepôts désaffectés). Vers 1990, la RATP était parvenue à marginaliser le tag dans le métro, sinon à l’éradiquer complètement, le rendant au passage plus propre qu’il avait jamais été. Une évolution comparable a pu être observée dans d’autres capitales d’Europe touchées par le phénomène.
Aujourd’hui, de nombreuses villes françaises d’importance moyenne ont investi dans des machines anti-graffiti, ce qui représente un coût non négligeable. Les sociétés de transport, particulièrement visées, y consacrent aussi une partie de leur budget. La SNCF chiffre par exemple le coût du nettoyage des graffitis de ses trains à 5 millions d’euros par an…, certains lieux comme les abords des gares, le long des voies, sont couverts de graffitis que la SNCF n’efface que rarement, car ils ne constituent pas un problème esthétique (le lieu choisi étant plus beau avec les graffitis), mais qui posent en revanche des problèmes importants de sécurité. Il n’est pas rare que le trafic ferroviaire soit interrompu du fait du passage de rôdeurs à proximité des voies. On observe cependant depuis 2006 que sur les lignes du RER parisien gérées par la SNCF, les graffitis sont “vandalisés” par la SNCF : ils sont badigeonnés de peinture blanche dans le but de décourager les graffeurs d’opérer sur ses voies dans le cœur de Paris. Depuis les débuts du “tag” à New York (début des années 1970), la controverse “Art ou vandalisme ?” divise.
Si l’on se fie à la théorie de la vitre cassée développée aux États-Unis, le graffiti est un facteur d’insécurité, car il laisse aux populations le sentiment que leur quartier est délaissé par les pouvoirs publics et que les incivilités sont impunies. On peut prendre pour exemple un éditorial du New York Sun qui compare le graffiti à des métastases et s’en prend violemment au New York Times qui n’évoque que les questions artistiques, concluant par cette phrase : “le Times fournit le discours idéal pour une génération qui refuse de grandir”… D’autres points de vue, pas forcément contraires, peuvent être avancés : avec les graffitis, les jeunes s’occupent de manière créative (et donc positive), s’approprient l’espace public et lui apportent même une gaité chromatique parfois bienvenue. Des moyens techniques ont été mis au point pour décourager les graffiteurs, comme l’utilisation de vernis, de films plastique et de peintures anti-tags (qui empêchent la peinture de sécher correctement ou facilitent les opérations de nettoyage) ou encore la décoration des surfaces par des motifs qui rendent les tags illisibles (testé par la RATP au cours des années 1980, sans grand succès).
Aujourd’hui les vitres des métros de la plupart des lignes parisiennes sont par exemple recouverts de films plastiques changés régulièrement, ce qui décourage leur gravage par les tagueurs. La régulation de la vente des produits servant à faire des graffitis est un moyen classique de lutte en amont contre le “tag“. Elle est mise en application dans de nombreux villes et comtés des États-Unis. Elle a été proposée (mais non retenue) par la mairie de Paris en 1992. Cette régulation peut prendre plusieurs formes différentes : interdiction à ceux qui en vendent d’exposer des bombes de peintures au public ; interdiction de vente de bombes de peinture aux mineurs ; interdiction de vente de marqueurs indélébiles d’une certaine épaisseur. La mise à disposition de murs dédiés au graffiti (comme à Venice Pit en Californie/USA, comme au Palais de Tokyo à Paris/France est une pratique couramment mise en œuvre par des municipalités ou autres institutions et dont le but avoué est de canaliser de manière localisée l’énergie créative des auteurs de graffitis.
Les commandes de décorations à des graffiteurs, l’organisation de festivals de graffiti (Kosmopolite à Bagnolet, depuis 2002 ; Jam graffiti à Chalon-sur-Saône, etc.) ont le même but. Le site nograffiti.com observe que les expositions consacrées aux graffitis et autres murs d’expression libres n’envoient pas forcément un message clair car leur périmètre est immanquablement vandalisé : au lieu de circonscrire les graffitis à une zone autorisée, ces pratiques constitueraient donc un encouragement au vandalisme. Pour le métro de New York, la MTA et la mairie, sous l’administration du maire Koch, ont empêché l’accès aux rames de métro en entourant les dépôts de trains de deux rangées de hauts grillages barbelés et en lâchant des chiens dans le couloir formé par ces clôtures. Aux États-Unis, en avril 1982, une campagne anti-graffiti a été lancée par la ville de New York, portée par des célébrités new-yorkaises telles que les boxeurs Héctor Camacho et Alex Ramos, les acteurs de Fame Irene Cara et Gene Ray ou encore le champion de base-ball Dave Winfield. Ces personnalités étaient réunies sous le slogan : Make your mark in society, not on society (laissez votre empreinte dans la société, pas sur la société)…
En France, la RATP a lancé une campagne d’affichage au début des années 1990 présentant le tag de Megaton et avertissant que les graffitis seront désormais effacés immédiatement : “Bien que nos galeries soient les plus fréquentées, certains modes d’expression n’y auront plus leur place“. Huit ans plus tôt, la régie des transports parisiens avait réalisé avec Futura 2000 une campagne publicitaire pour ses services !!! En 2003, toujours en France, la SNCF a attaqué les magazines Graff’it, Graff Bombz et Mix Gril, accusés d’encourager le graffiti sur les trains en en publiant des photographies. L’indemnité réclamée, de 150.000 euros pour chaque journal, suffirait à faire disparaître ces journaux. Déboutée en première instance, la SNCF a fait appel. Les trois journaux ont reçu le soutien de toute la presse et de la Ligue des Droits de l’Homme, qui considèrent qu’une victoire de la SNCF constituerait une inquiétante remise en question du libre droit d’informer. La cour d’appel de Paris confirma la décision du 1er degré (15 octobre 2004) le 27 septembre 2006. Elle se basa sur le fait que des wagons furent peints bien avant la création de ces magazines qui n’ont d’ailleurs que pour objet “d’être les témoins de l’art dans la rue et de reproduire les nouvelles créations en ce domaine” (dixit la cour d’appel). La cour a également reconnu le caractère artistique du graffiti et réfuté l’accusation d’incitation à la dégradation (le nombre de wagons peints étant en diminution).
Aux États-Unis, les comtés et les villes apportent des réponses diverses au problème du graffiti. Certains lieux comme le comté de Los Angeles par exemple se contentent de réglementer la vente de produits pouvant servir à graffiter tandis que la ville de Los Angeles dispose elle d’un arsenal de décrets bien plus sévère qui s’étend jusqu’à la rémunération de la délation. Les décrets locaux concernant le graffiti aux États-Unis peuvent contenir les rubriques suivantes :
– Déclaration du caractère nuisible du graffiti (s’étendant parfois à des considérations esthétiques),
– Réglementation de la vente de matériel pouvant servir à faire des graffitis (bombes, marqueurs indélébiles, etc) : vente aux adultes uniquement, inaccessibilité du matériel, etc.,
– Réglementation, sur la voie publique, de la détention de matériel pouvant servir à faire des graffitis,
-Définition de peines encourues pour les graffitis exécutés sans l’accord explicite du propriétaire du support : amendes, travaux pour la communauté, etc.,
– Responsabilisation des parents d’auteurs de graffitis,
– Appels à dénoncer les graffiteurs.
Lorsqu’ils ne sont pas faits sur des supports autorisés, les graffitis constituent, pour le droit pénal français, une “destruction, une dégradation ou une détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui“, qui est punie :
– D’une contravention de 5e classe (1.500 euros ou plus) s’il n’en résulte qu’un dommage léger (Article R.635-1 du Code Pénal).
– D’une amende pouvant atteindre 30.000 euros et d’une punition pouvant atteindre 2 ans d’emprisonnement dans les autres cas (Article 322-1 du Code Pénal).L’article 322-1 du Code Pénal prévoit aussi que : “Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3.750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger“. Il est complété par l’article 322-2 qui prévoit que la sanction est relevée à 7.500 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général, lorsque, entre autres : “Le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public“. Par ailleurs, la teneur des inscriptions (menaces de mort, incitation à la haine raciale, diffamation, etc.) peut constituer un délit en soi.
Début 2003, en France, une vaste enquête regroupant des agents de la Police nationale, de la SNCF et de la RATP, a abouti au démantèlement d’un réseau de 150 graffiteurs qui auraient causé plusieurs dizaines de millions d’euros de dégâts depuis 1999. Jusqu’ici, les tagueurs n’étaient poursuivis que pour les dégradations dont on avait prouvé en flagrant délit qu’ils étaient les auteurs. Les graffiteurs n’étaient souvent condamnés qu’à des travaux d’intérêts généraux consistant notamment à réaliser des fresques pour le compte de la SNCF. Cependant les sociétés de transports publics et l’état se sont retrouvés confrontés à une pratique du graffiti de plus en plus mal vécue par les usagers comme par le personnel d’entretien, de plus en plus coûteuse et de plus en plus agressive. En 1999, la SNCF se dota d’une mission Propreté qui commença par prendre des contacts sérieux avec la Police nationale et se dota de ses propres agents enquêteurs, munis d’appareils photos numériques afin de photographier le maximum de graffitis dans tout l’hexagone. Quelques magistrats prirent conscience de l’ampleur du phénomène et à partir de 2001 demandèrent aux policiers de remonter jusqu’aux auteurs des revues et des sites Internet consacrées aux graffitis, de répertorier les tags afin de différencier les bandes, afin de les traduire devant la Justice. Désormais, la Justice souhaitait poursuivre un tagueur pris, non plus seulement sur un fait de flagrant délit mais sur l’ensemble des tags qui présentent une même signature et des mêmes caractéristiques.
À partir de juin 2001 l’organisation de la lutte anti-tagueurs commença à monter en puissance :
– Toutes les photos de tags prises par les agents de la SNCF sur toute la France et de la RATP sur la région parisienne furent centralisées, répertoriées et analysées par des spécialistes, afin d’attribuer chaque graffiti à la bande responsable ;
– Les policiers, peu à peu, remontèrent les filières des sites et des journaux, grâce aux agendas et aux papiers saisis, et de plus en plus de membres de bandes furent arrêtés. Lors des perquisitions, les policiers ramenèrent divers éléments de preuve : revues, carnets d’adresses, agendas, sites Internet, contenus des messageries et adresses IP des correspondants, numéros de téléphones portables, informations permettant de pénétrer de nuit dans les bâtiments et garages de la SNCF et de la RATP, avec parfois le double des clés ;
– Certains graffeurs prirent peur ; et un collectif d’avocat commença à donner dans les revues des conseils aux tagueurs en cas d’arrestation.Le premier procès a eu lieu en 2003 à Versailles.
Il n’était plus question d’amendes légères contre les 150 personnes poursuivies dont le fameux kofy clm : la SNCF et la RATP avaient demandé d’importantes sommes en dommages et intérêts. Pour la seule SNCF, le montant s’élève à 1,3 million d’euros. Il s’est avéré à la lumière du procès que certains des tagueurs avaient des métiers lucratifs dans la publicité ou le graphisme.
Assez tôt dans l’histoire du graffiti “New-yorkais“, de jeunes artistes ont été rémunérés pour décorer des boîtes de nuit et des devantures ou des rideaux de fer de boutiques. Certains vivent véritablement de cette activité, notamment les artistes “légendaires” dont d’autres graffiteurs débutants n’oseront pas saccager le travail : avoir un rideau de fer peint par un graffeur respecté est l’assurance que celui-ci ne sera plus vandalisé par des tagueurs. Certains graffeurs vendent leur travail sous forme de toiles peintes, ou le déclinent sous forme de Tee-shirts et autres décorations vestimentaires, de prestations graphiques ( La “Carte-Jeunes” de la fin des années 1980 qui était dessinée par le peintre Megaton), d’illustrations pour des pochettes de disques, de bijoux, de planches de skateboard, etc. Des graffitis sont parfois exécutés, contre rémunération, en présence du public pendant certains évènements tels que des concerts ou des matchs de sports populaires.
Le graffiti a engendré un phénomène éditorial qui n’a rien de négligeable depuis la parution du livre Subway Art qui sera suivi d’un grand nombre d’autres ouvrages et deviendra une section à part entière dans les rayons “Arts graphiques” des librairies. Une presse s’est développé aussi avec des journaux tels que le International Graffiti Times’ (1984) aux États-Unis, Graf Bombz, Mix Grill, Graff’it ou 1 Tox en France, Sicopats en Espagne, Stress aux États-Unis, Bomber megazine aux Pays-Bas, etc. Les journaux généralistes consacrés au hip-hop ouvrent souvent largement leurs colonnes aux graffitis. Des boutiques consacrées à l’achat de matériel pour les graffeurs existent dans plusieurs grandes villes d’Europe ou d’Amérique du Nord.
On y trouve notamment des peintures aux couleurs rares et aux propriétés couvrantes adaptées, des “caps” (le bouchon diffuseur de l’aérosol) servant à faire des traits aux formes précises, très fins ou très épais, par exemple, des marqueurs très larges, des masques, des lunettes ou des combinaisons de protection, etc. Plusieurs marques de peintures aérosol plébiscitées par les graffeurs ont profité de cette célébrité : Krylon, Red Devil, Altona, Alac, SIM2, Dupli-color, Marabout-Buntlack. La plupart ont essayé de dissocier leur image de marque du graffiti, comme Krylon qui a lancé un programme de sensibilisation nommé Graffiti Hurts (le graffiti fait mal). Inversement, quelques marques telles que Hotflam, Red Alert, Pro Line, Montana et colorone visent nettement la clientèle des graffiteurs.
En dehors des fictions consacrées à la culture hip-hop, de nombreux récits contiennent des graffitis qui ont une importance sur la trame.
– Dans la Bible (Exode), Dieu commande à Moïse de marquer les maisons des hébreux avec du sang de petit bétail, afin qu’il extermine les premiers-nés égyptiens, dans les maisons qui ne sont pas marquées. Il est à noter que cette méthode ne relève pas que de la fiction et a aussi été utilisée plusieurs fois dans l’histoire du monde, au début du génocide arménien par exemple.
– Dans Ali Baba et les quarante voleurs, un voleur venu en ville pour trouver Ali Baba marque la maison de ce dernier d’une croix, afin que ses compagnons reviennent, de nuit, tuer l’aventurier. Mais sa servante remarque la croix et en trace sur toutes les maisons de la ville.
– Dans M le maudit, un membre de la pègre, chargé d’identifier l’assassin des petites filles, lui marque un “M” sur le dos, à la craie.
– Dans de nombreuses fictions, des criminels signent leurs méfaits d’un graffiti : La Marque jaune d’Edgar P. Jacobs par exemple.
– Dans Les Cigares du pharaon, Tintin suit le mystérieux sigle d’une société secrète…
– Dans la série télévisée Benny Hill show, une séquence redondante présente un mur sur lequel se trouvent des graffitis qui se juxtaposent et se répondent.
– Dans V pour Vendetta, par Alan Moore et David Lloyd, le graffiti est un acte de résistance, il s’agit d’une référence directe au “V” de la victoire et de la liberté de Victor de Laveleye.
– Dans L’Armée des douze singes, James Cole, venu du futur, enquête sur un groupe écologiste radical, les 12 singes, dont la piste est parsemée de graffitis.
– Dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, Amélie écrit sur les murs de son quartier des phrases tirées de la prose d’Hipolito, son ami l’écrivain raté.
– Dans le roman policier Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas, un chiffre 4 inversé latéralement et dont la branche basse est munie de deux barres verticales à son extrémité, est peint sur de nombreuses portes d’appartements et sème le trouble parmi la population.
Bibliographie :
– Jean Baudrillard, Kool Killer ou l’insurrection par les signes in L’échange symbolique et la mort, Gallimard, 1976
– Henry Chalfant, Martha Cooper, Subway Art, éd. Thames and Hudson, 1984
– Denys Riout, Dominique Gurdjian, Jean-Pierre Leroux, Le Livre du graffiti, éd. Alternatives 1985
– Henry Chalfant, James Prigoff, Spraycan Art, 1987
– Stéphane Lemoine, Julien Terral, In situ, un panorama de l’art urbain de 1975 à nos jours, éd. Alternatives 2005
– ColorsZoo, Welcome to Colors Zoo, éd. ColorsZoo 2004
– L. Halfen, From Spray 2 Screen, éd. ColorsZoo 2005
– A. Giverne, Hors du temps, éd. ColorsZoo 2005
– Vulbeau A., Du tag au tag””, Desclée de Brouwer, 1992.
– Federico Calo, Le Monde du Graff, Paris, L’Harmattan, 2003.
– Félonneau M.-L., Busquets S., Tags et grafs : les jeunes à la conquête de la ville, L’Harmattan, Psychologiques, 2001.
– S. Huet, L. Le Floc’h, V. Veyret, After Eight8, Still Rollin, éd. ColorsZoo 2006
– Alain Milon, L’étranger dans la ville. Du rap au graff mural, Paris, PUF, col. Sociologie d’aujourd’hui, 1999.
– A. Milon, “La Ville et son lieu à travers la vision de surligneurs de la Ville : L’Atlas, Faucheur, Mazout, Tomtom” in C’est ma ville (dir. N. Hossard et M. Jarvin), Paris, L’Harmattan, 2005.
– Collectif, AnART, Graffitis, Graffs et Tags, Paris, Les éditeurs libres, 2006.
– Claudia Walde: Sticker City. L’art du graffiti papier. Editions Pyramid, 2007.
7 commentaires
J’ajoute, d’expérience, que le Togo Roset cumule les inconvénients avec un animal et/ou des lombaires fragiles. Serait-il aux canapés ce que sont les Porscheries à l’automobile ?
Je n’en utilisais que l’angle et je m’y trouvais fort bien…
A cette époque je n’avais pas encore mon Cocker Blacky et je vous concède qu’une version Tissus ou Velours ne doit pas être idéale avec un chien ou un chat qui ont tendance à se creuser fictivement leur trou de nuit… Les “mon-miens” étaient en cuir noir épais, donc résistants aux griffes, quoique… Je ne compare pas mes Togo’s de Roser à des Porscheries mobilières, plutôt à des Facel-Véga’s Franchouilles plus avant-gardistes… Les sièges des Porscheries sont comme des banquettes de Tramways, inconfortables et dures…
J’ai tenté une recherche Google de “gravipex noir”, et cela n’a été guère concluant ! Est-ce une sorte de résine ?
Oui, une sorte de résine qui existe en plusieurs teintes. Cela semble comme une route goudronnée de luxe avec des granulés de 4mmm dans un vernis général qui les englobe…
Comme mon sol date de quelques dizaines d’années, les produits les plus similaires sont le tapis de pierre Epoxy et le tapis de marbre Epoxy. Le mien est noir.
https://www.materrasseenresine.com/acces-presse/
Photos dans GatsbyOnline, tapotez LOFT dans la loupe.
Superbe, splendide article ! Je n’ai qu’une seule remarque : lorsque le jeune homme affirme que “tu vas être le king de la Cote-d’Azur”, il ne sait manifestement pas qui vous êtes, vous l’êtes déjà sans cette maison !
Pas vraiment car l’article date d’il y a plus de 10 ans, on le voit en rapport avec ma photo … J’étais dans la phase exploratoire de mes futures terres du sud et j’avais vraiment l’envie d’acheter cette maison et le terrain en gardant précieusement les peintures, j’aurais fait réaliser un sol en Gravipex-noir comme le garage de mon Loft et les meubles auraient été des Togo Roset… Mais comme écrit dans le long texte avant de signer, croyant bien faire le proprio a tout fait repeindre, ce qui a tout détruit… J’étais triste et furieux…
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