MERCEDES A CABRIOLET 1952 ArtCar
Reconnue comme l’une des plus belles marques automobiles d’avant-guerre, la marque Mercedes-Benz qui s’était appuyée sur le régime nazi pour se développer, s’est ensuite appuyée sur la reconstruction de l’Allemagne d’après-guerre avec une succession de nouveaux modèles et un retour à la domination dans diverses courses au cours des années 1950.
Avec des prouesses d’ingénierie presque inégalées, un luxe déterminé et un style intemporel, les modèles emblématiques de la série 300 ont été présentés aux côtés de la série W187 220 au salon IAA de Francfort en 1951. Dotée d’un style de carrosserie magnifiquement proportionné, la 220 a été produite en nombre limité selon des normes de qualité exceptionnelles et reste un autre élément clé de l’héritage durable de Mercedes aujourd’hui.
Curieusement, la 220 a été utilisée au moment ou sa notoriété en faisait un des marqueurs constituant, pour tout bon bourgeois, l’étape-clé de la reconstruction de Mercedes, car faisant découvrir qu’on pouvait à nouveau aimer les automobiles préférées d’Adolf-Hitler, sincèrement, intensément, et non avec ce froid respect quasi “Kulturel”, comme on le fait au musée, le doigt sur le menton, avec une sensation d’émerveillement total.
Une sensation, donc, que les nostalgiques pensaient à jamais enterrée avec la capitulation de 1945 (en cause des Russes, raison pour laquelle l’Allemagne envoie des armes er des chars à l’Ukraine), et que les “anciens” avaient en quelque sorte fait le deuil. La Mercedes 220 des années cinquante, c’est le parangon d’un classicisme tranquille, une œuvre immense ! Il suffit simplement d’observer les effets que sa vision procure !
La Mercedes 220 est une célébration des choses du passé, un parangon anobli sur le tard de la bourgeoisie nostalgique… La peindre façon “Art Car” rendue comme les VW Bus psychédéliques de la période hippie et la Porsche 356 Cabriolet de Janis Joplin, avec sa carrosserie peinte à la main, c’est remettre en mémoire un gag inoubliable sur quatre roues qui n’a captivé que les habitants de sa ville d’adoption de San Francisco à la fin des années 1960…
Pourtant, cette injure au passé façon réinterprétation moderne de la tradition de l’Art-Car a été exécutée à grande échelle par l’artiste sérigraphique basé à Los Angeles : Hiro Yamagata, qui a appliqué son art depuis le début des années 1990 à plus de 20 exemplaires de la Mercedes-Benz 220A Cabriolet A des années’50. La démarche était à la fois “Out-dating”, consumériste et semblable à une roulette Russe à l’Américaine sur base Allemande !
Ce joyeux mel-pot sentant la période hippie en cause des peintures “à fleurs” a donc été mal perçu… Notez qu’au pays des décorations intérieures “à fleurs” l’idée d’Hiro Yamagata d’attirer les riches embourgeoisés (ex-hippies des années ’70/70 vivant dans des canapés à fleurs dans un décor papier-peint “à fleurs”, avec une voiture de collection pré-décorée “de fleurs et d’oiseaux” dotée de l’excellence de Mercedes, la 220A, était un choix naturel…
L’art fleuri de Yamagata, ne concordait en rien avec l’image de Mercedes… Autre élément, compte tenu de sa rareté avec seulement 1.287 exemplaires produits en tout, la référence lyrique de Joplin à sa soif d’une Mercedes-Benz donnée par Dieu, tirée de la chanson du même nom sur son dernier album posthume, “Pearl”... devait permettre à l’artiste de se faire des couilles en or… Tabler sur le “non-goût” populaire américain était sans doute une revanche !
Hiroshima et Nagazaki… Oui… Sans doute… Qui sait ? Qui peut savoir ? Provenant du monde entier, chacune des Mercedes-Benz 220A Cabriolet A “Art Cars” de Yamagata a commencé comme des exemples entièrement et savamment restaurés avec une carrosserie correctement finie, une sellerie correcte et des aménagements intérieurs précis, y compris de riches accents en bois et même du matériel radio de qualité.
Bien que restaurées pour être dignes de la pelouse du concours, les voitures de Yamagata ont “merveilleusement” servi de toiles vierges pour sa vision d’une sorte de viol artistique pour ce projet qualifié de monumental, avec des carrosseries finies en peinture acrylique blanche mate et des surfaces rugueuses, fournissant une couche d’apprêt pour les œuvres peintes à la main de Yamagata, chaque voiture de la série présentant un motif unique.
Selon le critique d’art Sam Hunter : “L’œuvre de Yamagata a inversé le symbole de la voiture en tant que machine industrielle et automatisée et l’a mise en harmonie avec la nature”.… Collectivement connue sous le nom de “Série Earthly Paradise”, les Mercedes-Benz 220A Cabriolet A réinventées de Yamagata présentaient des images d’oiseaux brillants et magnifiquement plumés, de fleurs colorées et d’autres scènes inspirées de la nature pour créer un tableau exotique !
Ce décor, sur chaque voiture, évoque des images vives de jungles luxuriantes grouillant de vie et de nuits tropicales chaudes et exotiques. Comme on pouvait s’y attendre, les voitures “Earthly Paradise” de Yamagata ont été exposées façon haut niveau (traduisez “en grandes pompes”) dans des lieux internationaux, notamment à la “Los Angeles Municipal Art Gallery”, et à la “46ième Biennale de Venise 1995”.
Il convient également de noter que de nombreuses expositions de Yamagata ont été organisées conjointement avec le célèbre poète américain de la “Beat Generation”, Allen Ginsberg, qui a écrit des livres avec Yamagata complétant les présentations de la série “Earthly Paradise”. Nommée “Papillons et roses”, cette captivante Mercedes-Benz 220A Cabriolet 1952 est sensée procurer une expérience visuelle merveilleusement kaléidoscopique et vivante…,
Avec une finition acrylique entièrement peinte à la main de papillons colorés à grande échelle, ils sont apparemment prêts à prendre leur envol à tout moment (Malheureusement cela n’arrivera jamais). Après avoir été achevée par Yamagata, cette voiture spécifique “Earthly Paradise” a été exposée à Vienne, au “Musée des arts appliqués” autrichien. Le propriétaire de “Butterflies and Roses” y a acquis le véhicule en 2016.
Il a été apprécié par lui uniquement, comme une œuvre d’art unique en exposition statique dans son salon. Des travaux récents ont été effectués pour s’assurer que la Mercedes puisse être remise en état de marche et de conduite afin de se vendre… Toutefois, une remise au point mécanique est requise pour toute utilisation routière envisagée après achat. Néanmoins, l’auto est avant tout une partie importante et intégrale de la vision singulière de Yamagata !
Pour lui, il s’agissait de fusionner les mondes mécanique et naturel. Les éléments inclus avec ce véhicule magnifique ne sont ni un râteau, une pelle, un seau et un sécateur, pas même un arrosoir, mais sont un cric et des outils pour changer de roue en bordure de route en cas de crevaison en pleine nature… ainsi qu’un ensemble complet de bagages parfaitement adaptés mais d’une couleur atroce (comme l’habitacle) absolument pas en rapport avec le décor fleuri !.
Il eut fallu un cuir bleu en rappel avec le bleu de bas de décor… C’est donc une œuvre d’art roulable vraiment étonnante, à l’habitacle sans aucun rapport de décor, mais basée sur l’un des plus beaux modèles Mercedes-Benz d’après-guerre. Cette Mercedes-Benz 220A Cabriolet A de 1952 n’est qu’une trouvaille pour un riche collectionneur, ex-hippie mais toujours déjanté, faut-il qu’il se fasse convaincre et puisse payer les 260.000 $ demandés…
L’Art-Car vient du Kustomizing de fin des années quarante, principalement les Van’s peinturlurés et les kustom’cars “Mexicano’s”. Dans les années ’70 ce style s’insinuait peu à peu en Europe grâce à des magazines nouveau-style comme les “Pretty-Car’s”, pré-Chromes&Flammes… et au Japon par la sortie d’une série de dix films de comédie d’action japonais produits par Toei, sortis de 1975 à 1979 nommés dekotora (デコトラ), signifiant “camion décoré”.
Peinture extravagante et néons sont couramment employés au Japon sur les Kustom’s. Hervé Poulain voyant tout cela comme un renouveau a commandé à l’artiste américain (et son ami personnel) de peindre sa voiture de course BMW 3.0 CSL (conduite par Poulain aux 24 Heures du Mans 1975). La décoration de Van’s et Kustom’cars démarrait alors lentement et d’autres artistes copiaient cet art nouveau, prétendant transformer l’Art-Car en œuvre d’art littérale.
L’Art Car la plus célèbre est la BMW M1 peinte par Andy Warhol, l’artiste n’a mis qu’environ 30 minutes en utilisant de larges coups de pinceau combinés à un style abstrait. Le photographe Stephan Bauer a choisit l’Art Car de Warhol pour une séance photos qui ont enflammé ceux qui en avaient ras-le-bol des voitures blanches, où grises où noires. Au fil du temps les artistes pensaient faire fortune en peinturlurant des épaves récupérées dans des casses…
C’était la folie, s’illusionnant pouvoir gagner des fortunes, de nombreux artistes de renom d’art contemporain, de pop art, d’art abstrait, d’art conceptuel, d’art minimalisme, se lançaient à l’assaut du gâteau, dont David Hockney, Jenny Holzer, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Frank Stella, Ken Done, Kayama Matazo, César Manrique, A. R. Penck, Esther Mahlangu, Sandro Chia, David Hockney, Jenny Holzer, Olafur Eliasson, Robin Rhode, Jeff Koons, Cao Fei, John Baldessari, Max Shkinder, Milan Kunc, Frank Stella, Walter Maurer, etc… etc…
La marque BMW a même exposé une série de voitures d’art dans son musée BMW de Munich, ainsi que dans de nombreuses expositions mondiales temporaires, à titre d’ambassadrice de son image de marque et pour sa publicité, notamment dans les hauts lieux d’exposition d’art mondiaux tel que le musée du Louvre de Paris, Beaubourg, le Musée Solomon R. Guggenheim de New York, le musée Autoworld de Bruxelles, le concours d’élégance Villa d’Este.
En 2007, c’était la fin, les œuvres n’étaient pas considérées comme de l’art, de plus comme c’était la marque typique des “Mexicano’s” qui sautillaient dans de gigantesques américaines grotesques peinturlurées, la “classe” espérée par des faiseurs de fées-clochettes tel Maître Poulain et Jeff Koons, s’est crashée avec le dernier volet “Your mobile expectations” d’Olafur Eliasson financé par BMW.
De nombreuses voitures de Warhol, Lichtenstein, Stella, Rauschenberg, Hockney et Holzer qui avaient été exposées dans des musées renommés du monde entier, notamment le Louvre, les musées Guggenheim, le musée d’art de Shanghai et le musée BMW de Munich, entre 2006 et 2010 n’avaient pas été vendues malgré que beaucoup avaient fait un tour du monde à travers l’Asie, la Russie, l’Afrique, l’Inde, les États-Unis et le Mexique.
Avec plus de 100 projets majeurs dans le monde entier, les programmes culturels du groupe BMW qui avaient fait partie intégrante des contributions de l’entreprise à l’Art leur sont restées sur les bras, personne n’en voulait, pire ci et là des écologistes vandalisaient quelques-unes de ces automobiles déconsidérées comme de l’art pompier-consumériste. BMW s’est alors tourné vers l’art contemporain, l’architecture et le design et la musique classique.
Simultanément cet art a été tourné en dérision et s’est retrouvé classifié dans les graffiti’s. Comme pour tout, pour gagner lourd, les premiers qui osent ont du retour, ensuite c’est une question d’opportunisme, donc d’opportunité. Les premières œuvres pointent encore ci et la, et il en est qui osent encore affronter le destin tel Bentley sur sa Berline 4 portes… Pourquoi-pas ?
2 commentaires
Mon cher Gatsby,
Votre professionnalisme et votre impartialité vous ont évité de tomber dans le piège tendu aux popus sur ce type de sujet, qui est de dire que c’est laid, que ça ne vaut rien, que c’est ridicule, trop cher, voire même de tenter de briller à vos yeux en demandant si un “gravage” de vitres de Porsche 911 réalisé par Wim Delvoye peut constituer une valeur refuge en cas de guerre nucléaire.
Votre sagesse, votre retenue et votre érudition sont un exemple pour vos lecteurs… Là où les popus se seraient défoulés, vous avez soupesé… Bravo !
Je me dois de ne point trop froisser la susceptibilité relative des gens du Garage Hymans qui semblent ne plus que savoir inventer ni qui savoir prier pour vendre cette peinturluration… Je persiste à penser et écrire qu’avec un intérieur du même bleu que le fond de floralies, de même que la capote, le véhicule eut meilleure senteur printannière…
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