Tout ne fait pas sens !
Les oeuvres de Marcel Duchamp, Robert Combas et Win Delvoye reproduites dans cet article sont sous copyright de leurs ayants droits et selon l’article 21, § 1er de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins qui stipule que : “Les citations, tirées d’une œuvre licitement publiée, effectuées dans un but de critique, de polémique, de revue, d’enseignement, ou dans des travaux scientifiques, conformément aux usages honnêtes de la profession et dans la mesure justifiée par le but poursuivi, ne portent pas atteinte au droit d’auteur. Les citations visées à l’alinéa précédent devront faire mention de la source et du nom de l’auteur, à moins que cela ne s’avère impossible”.
Ouvrir une galerie d’art, qui plus est : dans l’univers de la Jet-set européenne…, à Zeebrugge…, à l’entrée du port de plaisance de Knokke-le-Zoute…, est pour moi une manière de continuer ma démarche entreprise dans l’automobile de collection via les pages automobiles de www.GatsbyOnline.com… : ridiculiser en le dépassant, un certain consensus social bourgeois en exposant des oeuvres (ici non plus des automobiles, mais des peintures, des sculptures et des photographies)… en des formes de critiques répétées démontrant que payer des centaines de milliers…, voire des dizaines de millions d’euros… n’a pas de signification véritable en regard à la masse des artistes vivants et non morts-vivants (ou morts tout court)… et à leur art…, que j’expose.
L’urinoir de Marcel Duchamp (ci-dessus) en fut un exemple… En 1917 Marcel Duchamp est à New-York depuis deux ans lorsqu’il est sollicité pour faire partie du comité fondateur d’une Society of Independant Artists, fondée sur le modèle du Salon des Indépendants à Paris et reprenant la même devise: ‘Ni jury, ni récompense’. Il accepte de bonne grâce et est promu Directeur du Comité d’Accrochage pour l’exposition inaugurale qui doit se tenir au Grand Central Palace le 10 avril 1917. Pourtant, Marcel n’a sûrement pas oublié sa vexation lors du salon des Indépendants de 1912, à Paris, lorsque ses propres frères, délégués par Gleizes et Metzinger, vinrent lui demander de retirer son Nu descendant un escalier, parce qu’il n’était pas conforme à leur notion du cubisme.
Ni jury, ni récompense ? Cette fois, à New York, c’est délibérément, et pour s’amuser qu’il va mettre à l’épreuve les principes de la toute jeune Society of Independants Artists. Quelques jours avant l’inauguration, il se rend chez J.L. Mott Iron Works, un grand fournisseur d’articles de plomberie de New York et achète un urinoir. Il retourne l’objet, le baptise Fountain, le signe d’un pseudonyme, R. Mutt, le date, 1917, et l’envoie anonymement au Grand Central Palace, accompagné des 6 dollars de cotisation requis pour participer à l’exposition. Évidemment, l’arrivée de Fountain provoque des remous et bientôt, deux clans s’affrontent : les pro-Fountain (en vertu des principes de la société, et parce que c’est à l’artiste de décider ce qui est de l’art) et les anti-Fountain (c’est obscène, indécent, ce n’est pas une oeuvre ‘originale‘, ce n’est pas de l’art). À quelques heures de l’ouverture au public, une dizaine des membres du comité directeur se réunit pour voter… et Fountain est refusée. Ainsi, la devise des Independants (“No jury, no prizes“) n’a pas passé le cap de l’exposition inaugurale. Marcel, satisfait, démissionne du comité.
Dirk Blondeel qui inaugure la galerie d’art en est un autre exemple, d’une autre manière, car il démontre par l’absurde, que ses oeuvres, toutes uniques et pourtant financièrement bon-marché, n’ont aucune comparaison négative (que du contraire), ni avec la duplication des œuvrettes contemporaines par le biais de posters imprimés, ni avec diverses peintures qui ne sidèrent que par rapport aux prix annoncés par certains galeristes ! On peut faire pratiquement n’importe quoi dans le domaine de l’art, mais le véritable artiste est celui qui identifie le sens…, car tout ne fait pas sens ! Me promenant, tel qu’en moi-même, affichant l’air benoitement résolu d’un milliardaire naïf, dépensier et légèrement fantasque (que je sais toutefois réellement être dans certaines irréalités)…, mes pas (assurés) m’ont amené dans deux galeries d’art à Knokke-le-Zoute…
Sur la digue de mer (Zeedijk), au numéro 757, j’ai été attiré par la Robinsons Art Gallery (Art Consulting bvba) qui, entre-autres peintres Chinois aux noms étranges et fleuris, exposait diverses toiles de Zhu Yan (né en 1982) fraichement réalisées (2008), dont une, intitulée “Chinese book” (prix annoncé 28.000 euros, oil on canvas, 1m60x1m50), m’a graphiquement interpellé…, ainsi qu’une des deux statuettes en terre cuite peintes, mesurant 1m16, réalisées en 2007 par Liu Fenghua (né en 1956), celle dénommée : “Mao“… (prix annoncé 12.500 euros) ! Le galeriste m’a paru désabusé, surtout lorsque je lui ai tendu ma carte de visite ou est indiqué l’adresse-web de Gatsby, mais il a trouvé la ressource de m’expliquer que l’Europe c’était terminé, qu’on n’y créait plus, qu’on se contentait de manger tout ce qui restait : “la faute aux socialistes…, tandis qu’en Chine, c’est l’essor de la création, le pays du renouveau de l’art, un pays qui avait par ailleurs tout inventé“…
N’empêche, au-delà de ce baratin, qu’un de mes amis (salut Philou), marié à une jolie chinoise et ayant oeuvré en Chine et ailleurs, y continuant (par ailleurs), m’a dit en riant que ce type de toile pouvait se faire sur commande dans les provinces Chinoises à des prix n’excédant pas vraiment la valeur (toute relative) d’un cochon, d’ou le nouvel adage “de l’art pour des cochons” qu’on lit ici avec toute la stupéfiante irréalité des double-sens typiques de la langue française……
28.000 euros pour une toile Chinoise (certes appétissante graphiquement, mais fabriquée dans un pays ou le salaire mensuel moyen est de 80 euros sans sécurité sociale et congés), ça fait rire jaune…, moins cependant que la statuette en terre cuite (15 euros pour une statuette peinte “classiquement” sur le marché de Beijing)… ici surpeinte aux couleurs de Mao…, œuvrette vendue ici 12.500 euros sans rire, qui ne véhicule aucune pensée (je me permet une pensée philosophique adéquate), ni de l’artiste, ni de Mao… Je ne dois pas être le seul à avoir pensé de la sorte (sans petit livre rouge), puisque j’ai remarqué, en sortant, que le galeriste remplissait conscienseusement un bulletin du lotto…
Au 279 kustlaan, mes pas m’ont amené à la fameuse Guy Pieters Gallery en cause d’un Combas exposé près de l’entrée (photo ci-dessus) et d’un monumental Grizzly en bronze, debout de plus de 3m50, devant la galerie ! Monumental ! Mais déclaré vendu, si ma mémoire est bonne, aux environ de 700.000 euros !
Glup ! Informations obtenues lors d’échanges d’idées après avoir été reçu d’exquise manière par un Théo Andries très affable et d’une amabilité sans faille…, un sacré personnage, tout en couleur, sur de ses faits, même si les autres ne les connaissent pas, dont moi. Les peintures de Robert Combas ne sont extraordinaires qu’au delà de 2mx2m, en réduction, la magie disparait, l’oeil arrivant alors à visualiser l’ensemble de la peinture sans être impressionné par divers “gimmick’s“…, c’est ce qui m’est resté de la vision de la “RC.57“…, “Le vase de fruits géant et la grosse tête peut-être d’imbécile mais c’est pas sur“…, peinture acrylique sur toile 210×210 réalisée en 2004, annoncée 52.500 euros ! Le titre de “l’oeuvre” est par ailleurs une féroce et méchante allusion aux acheteurs des toiles de Combas, dont je suis, qui, grâce à ce titre sans complaisance, se rendent compte qu’en réalité, l’art n’est pour certains, qu’un moyen de vendre très très cher des choses finalement sans aucun intérèt autre qu’une “technique” pour “faire” de l’argent facile… Glup (bis) ! Ca fait beaucoup d’euros pour pas plus qu’un élément de décor… Je vous suppose être pantois (comme moi) en regardant “l’oeuvre” ci-dessus… A jeter… Je vais d’ailleurs revendre mes deux Combas…
Camion Gothique, Copyright Win Delvoye
Dans ce genre “d’oeuvre“…, la justification du prix ne se fait qu’avec psychologie, l’art de l’art pour le gallériste, étant de soupeser la personne qui s’enquiert (moi en l’occurence)… en signalant que Combas “est très coté“… Point à la ligne, toute la justification tient en ce sujet, ce verbe et ce compément direct…, en sus d’un regard pénétrant à la recherche du tréssaillement d’une paupière ou d’une microscopique goutte de sueur, voire d’une crispation de la machoire…
Combas est donc abominablement cher parce qu’il est surcoté ! Imparable… La belle affaire… Et si vous minaudez en faisant la grimace de circonstance, vous apparaitrez comme un plouc sans moyens financiers, incapable de comprendre la profondeur de l’enculade… de l’art… Ca fait “plouf” dans le potage (dans la soupe populaire, s’entend), une sculpture de Grizzly à 700.000 euros et un Combas (qui traite son acheteur d’imbécile) à 52.500 euros…! D’autant qu’une personne qui s’enquiert doit rester de marbre à l’annonce des prix annonçés, quels soient-ils, comme si tout allait de soi et que l’argent (dans son ensemble) n’avait aucune espèce d’importance, vu qu’on baigne dedans comme Picsou dans les aventures de Mickey…
Camion et Grue Gothique Copyright Win Delvoye
Test réussi…, Théo (comme tu es fort mon ami) m’invitant alors à voir son Calder et son Picasso (leurs prix ne sont qu’un détail pour les véritables amateurs d’art) du sous-sol, puis les cochonneries et mécaniques de Wim Delvoye au premier étage… En occurrence un bulldozer en dentelles de fer ayant la forme générale de la cathédrale Notre-Dame de Paris…, bazar de 98x280x90cm… tout rouillé…
Spectaculaire ! Surtout le prix annoncé de 300.000 euros ! Glup (ter) !
A ce prix vous avez 3 Caterpillar flambant neufs ou 10 “d’occaze” en parfait état, voire une vingtaine en semi-épaves rouillées, mais là au moins c’est du vrai !
– Très joli, si, si…
– Vous reprendrez bien un peu de champagne ?
– Juste un doigt…
– Vous êtes dans le transport ?
Cochon Tatoué Copyright Win Delvoye
Théo m’a annoncé qu’il venait d’en vendre 2 ou 3 autres, mais en forme de camions, encore plus cher… Il y a de la magie dans tout ce fourbi… On se retrouve dans un monde ou l’argent à une odeur… J’avais, pour ma part, il y a environ deux ans, réalisé un article illustré d’épaves automobiles et proposé par ailleurs quelques-unes de ces épaves pour 5.000 euros chacune, soulignant que cela aurait été “fun” d’en utiliser au moins une (voire deux), avec une ancienne pompe à essence délabrée pour que ces objets forment un tout, comme une sorte de sculpture rouillée au fond d’un jardin, endroit alors idéal pour un barbecue original… Epaves sublimes… On m’a traité de dingo, personne ne m’a acheté d’épaves, seul un illuminé a proposé d’en acheter une pour la restaurer de A à Z… Je l’ai envoyé au diable…
Bref, revenons-en à ma visite de la galerie Guy Peeters… Je suis alors tombé nez à groin sur les diverses cochoneries, toujours de Wim Delvoye, des peaux de cochons tatouées tendues façon peinture de Maître… Et question tatouages, c’est pas des copies de Magritte, mais des reproductions de graffitis dans les toilettes d’une gare désaffectée… L’artiste est par ailleurs connu pour sa machine à fabriquer de la merde, qu’il vend très cher ! Encore un qui se blinde financièrement à milliards en vendant de la merde… et pas que le produit de sa machine… “Ca se vend comme des petits pains” m’a dit Théo…, assis derrière son bureau mais devant un somptueux Folon tout rouillé (125.000 euros)…
Camion Gothique Copyright Win Delvoye
J’avoue que je suis dépassé…, même si cet aveu est quelque part humiliant ! Mais je ne comprends pas tout ! Mon esprit à un fond trop cartésien… Toutes ces cochonneries ne sont que du lard pour ceux qui les produisent (quasi industriellement et pour des prix ridicules en Chine)… Redevenant alors réaliste…, je me suis alors détourné de 3 peintures (papier peint tendu sur un bâti de bois et fendu en son centre par 3 coups de cutter pour l’un et 2 coups pour les deux autres) dont je n’ai plus eu la présence d’esprit d’en quémander la valeur (inestimable)… Comme on dit : “Il y a l’art et la manière“… et Théo à les deux !
A quoi sert l’Art ? Y aura-t-il encore des chefs-d’œuvre ? Sous une apparente simplicité, la question du rôle de l’Art se dévoile comme étant difficile, pour ne pas dire redoutable. C’est que l’Art ne se laisse pas encadrer dans une définition univoque. L’Art est une production humaine…, tout le monde peut citer des œuvres d’art considérées comme telles parce qu’un large consensus d’amateurs et professeurs en a décidé ainsi. Du moins, à une époque assez récente, mais révolue.
Camion Gothique Copyright Win Delvoye
Disons, pendant l’ère graphosphérique pour reprendre la tripartition de Régis Debray. Car, à partir de 1960, l’ère vidéo sphérique prend son essor et ses libéralités pour dire qui est artiste et même rendre célèbres des personnalités qui, dans les temps anciens, n’auraient pas été répertoriés parmi les créateurs d’Art. Tout art est le fruit d’une technique pratiquée par un individu ou plusieurs, comme l’opéra, la musique symphonique, le théâtre, le cinéma, l’architecture, le rock. Mais toute technique n’est pas forcément productrice d’œuvres d’art, même si les jeux sémantiques, ancrés dans les vieilles étymologies, tendent à confondre art et technique. Ainsi le pont suspendu, ouvrage d’art, ou le souffleur de verre, artisan parmi tant d’autres et notamment cet artisan boulanger qui, tous les matins, fabrique ses baguettes qui n’ont rien d’une œuvre d’art, sauf s’il s’amuse à dessiner un Modigliani sur la miche de pain. Il paraît raisonnable dans ce contexte de définir l’art autant en observant la technique utilisée, en analysant la forme de l’œuvre, qu’en essayant de comprendre le pourquoi de l’art. Autrement dit, quel est le but recherché par l’artiste, quel désir cherche-t-il à satisfaire ? Et ce, doublement, un désir personnel, lié au plaisir et à la conscience qu’il a de son travail d’artiste ; mais aussi l’intention de répondre à une demande, de satisfaire un désir d’œuvre auprès d’un commanditaire, voire d’un public d’amateurs. L’analyse de la forme renvoie aux causes formelles aristotélicienne alors que le but recherché renvoie aux causes finales. Quant au reste, il est question de technique, d’exécution, et donc des deux autres causes, matérielle et efficiente, du même Aristote.
Il existe donc deux approches, complémentaires, mais différentes, permettant de définir l’Art à travers ses œuvres et les effets produits qui, en règle générale, sont recherchés et voulus par l’artiste. Et, si on cherche bien à travers l’Histoire, on trouvera plusieurs types d’Art en analysant autant les formes qu’en recherchant les finalités visées à travers le contexte social dans ses pratiques esthétiques. Sans vouloir trop simplifier, il est admis qu’avant la Renaissance l’art était souvent un instrument au service du sacré et du religieux. Ce qui n’empêche pas qu’il ait eu aussi très tôt un usage décoratif, dans des demeures privées ou des édifices publics. A partir de la Renaissance, l’art prend un tournant profane et anthropologique correspondant à la venue de l’humanisme. C’est l’homme qui devient le thème ainsi que la raison de l’œuvre. En 1550, Vasari publie ses Vies d’artistes en empruntant à quatre genres de littérature artistique antique. C’est le premier ouvrage de ce genre, basé sur un siècle d’expériences nouvelles en Italie. 1550, est une époque-clé pour la Modernité, contemporaine de Luther et Machiavel, avec une nouvelle conscience. Ce livre est loin d’épuiser l’analyse et le concept que l’on se fait de l’art, des artistes, mais il marque une étape importante de prise de conscience qu’une fonction nouvelle émerge, l’Art. Comme du reste la science ne tardera pas à émerger. L’art représente et pour ainsi dire, cherche des accords, soit avec la nature, soit avec les sujets. L’art accorde la représentation à un visage, un regard. Saisissant ces portraits de la Renaissance, on dirait qu’ils sont animés, bien plus qu’une photographie contemporaine. La science, peut-on dire qu’elle accorde ou alors qu’elle ajuste, terme plus technique, le formalisme à la nature. L’art se veut plus libre et ouvert, bien qu’étant encadré par des règles de composition assez contraignante.
Poursuivons le parallèle. La science a pour rôle d’avoir des choses naturelles ainsi que la possibilité d’opérer sur le monde et de le mettre à notre service.
Et l’art ? Il ne sert guère à transformer le monde naturel, mais il exerce un effet indéniable sur le sujet, sur sa conscience, son esprit. L’art donne à penser, mais aussi il éblouit quand il conduit vers les émotions esthétiques, parfois sublimes, souvent belles, du moins à une époque. Un ravissement pour l’âme. L’art fut pendant des siècles un dispositif de production d’œuvre et à travers leur réception, de communion. Dans le sens, mettre en commun, partager des émotions, un ravissement, un plaisir pour l’esprit, mais aussi du sens et du symbole transmis par une œuvre parlant à l’esprit. La grande période de l’Art se situe entre 1850 et 1950. Les conditions étaient réunies pour qu’un nombre considérable de chef-d’œuvres soient créés. Etaient réunis à la fois les conditions matérielles permettant aux artistes de créer, représenter et les conditions spirituelles, autrement dit un véritable goût pour l’art et une aptitude à connaître les œuvres, les apprécier, les analyser. Mais il ne faut pas se leurrer, l’art était une pratique élitaire. Dans les couches sociales moins élevées, une certaine forme d’art se pratiquait, relevant du loisir, du jeu, du folklore et obéissant à ce que Sénèque nommait “otium” ; terme connoté positivement désignant la pratique d’une activité pour occuper “intelligemment” son temps libre. Expression toute trouvée puisque selon Sénèque, l’otium appartient en propre à l’homme libre, celui qui dispose d’un temps libre et en prend conscience. Peut-on dire de l’art qu’il est un passe-temps élevé à la puissance de la transcendance ? Ou alors que le passe-temps est un art joué sur un mode mineur et prosaïque ?
Autour de 1960, on assiste sans doute à une inflexion des sociétés sous l’impact des nouveaux modes de vie, rapports sociaux, usages médiatiques.
L’art semble décliner au moment où il tente de se démocratiser avec, en France, ces maisons de la culture promues par Malraux et souvent décriées par les paysans qui n’y voyaient aucun intérêt et les esthètes puristes décelant le développement d’une sous-culture. Mais le coup le plus fatal porté à l’art fut asséné par un double dispositif fait d’une connivence entre les médias et la marchandisation : l’art dévoyé par les nouvelles pratiques…, les œuvres servant de placements financiers alors que de prestigieuses toiles sont séquestrées dans les coffres bancaires. Du côté des masses, les artistes sont confondus avec les stars et la culture se mange dans les musées. Mais l’art résiste, car l’essentiel est invisible. L’art subit une sorte de déperdition lorsqu’il transite par les médias audiovisuels, c’est évident. De plus, les œuvres se banalisent lorsqu’elles sont présentées à travers ces supports d’informations. Tout se nivelle et devient objet de consommation. Mais tant qu’il y aura des connaisseurs, des amateurs, des professeurs, des interprètes, l’art continuera à être apprécié, chacun y trouvant ce qu’il cherche ou mieux encore, ce qu’il ne cherche pas. Car l’art se prête à une aventure, un voyage, une expérience de l’esprit, ouvrant la conscience vers un autre univers, décalé par rapport au monde de la quotidienneté. Les étapes de ce voyage sont pratiquement illimitées… : à entendre dans le rapport entre le nombre d’œuvres et la durée d’une existence forcément limitée.
Y aura-t-il des chef-d ’œuvres dans les prochaines décennies ? Ou alors des imitations, des copies, des bricolages conceptuels ? La question se pose.
Il n’y a pas de réponse, mais le fait de poser cette question indique la période où on se situe. Quand Hegel disait que l’art est du passé, il ne pensait pas à une extinction des œuvres futures, mais à une autre place de l’art dans la société. Qu’il ait eu raison ou tort, peu importe. Son avis était plus une question qu’une réponse. Maintenant, la place de l’art est certifiée, comme elle le fut il y a un siècle. Mais cette fois, à cause des véritables cochonneries qu’on nous débite, cette tripaille soi-disant artistique qui n’est qu’un moyen de transformer l’art en lard, il se peut bien qu’une prochaine extinction de la création se dessine.
C’est assez étrange cette idée, pas forcément inquiétante car le monde continue son manège et tant qu’il y aura de la technique et de l’énergie, il se trouvera quelques comédiens, musiciens, peintres, pour exécuter des œuvres…